Giacomo Oberto Secrétaire Général Adjoint de l’Union Internationale des Magistr
Giacomo Oberto Secrétaire Général Adjoint de l’Union Internationale des Magistrats Magistrat de Cassation Juge au Tribunal de Turin L’indépendance de la magistrature dans l’expérience de l’Union Internationale des Magistrats* SOMMAIRE : 1. Le droit à un juge indépendant et impartial comme droit fondamental de l’homme. Indépendance de la Magistrature et séparation des pouvoirs. – 2. L’autonomie de la justice dans sa gestion et l’indépendance du pouvoir judiciaire : leurs différentes formes. – 3. L’autonomie de la justice et l’indépendance du ministère public. – 4. Principes internationaux concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire comme garantie du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. – 5. L’Union Internationale des Magistrats : sa structure et ses activités. – 6. Le rôle de l’Union Internationale des Magistrats dans la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. – 7. Le rôle de l’Union Internationale des Magistrats dans la sauvegarde de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le rôle de la Première Commission d’Etude. – 8. Suite. Le rôle des Groupes Régionaux. – 9. Suite. Les rapports avec les institutions internationales. 1. Le droit à un juge indépendant et impartial comme droit fondamental de l’homme. Indépendance de la Magistrature et séparation des pouvoirs. La Déclaration Universelle des Droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée des Nations Unies en 1948, stipule, dans son art. 10, que « dans la détermination de ses droits et obligations et de toute charge criminelle contre lui », chacun a le droit d’être jugé par « un tribunal indépendant et impartial ». Ce même principe est repris par la Convention Européenne pour la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950 (art. 6). L’indépendance du pouvoir judiciaire constitue l’un des principes fondamentaux sur lesquels se fonde ce qu’aujourd’hui on appelle l’ « Etat de droit » ; il est très étroitement rattaché au principe de la séparation des pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire. Ce postulat, élaboré par Montesquieu au XVIIIe siècle, vise à assurer aux citoyens le plus haut degré possible de liberté, tout en gardant l’efficacité pratique du système juridique par le biais d’un pouvoir indépendant, auquel revient la tâche d’appliquer la loi et de veiller qu’il n’y ait aucune distorsion dans la traduction des règles abstraites dans un acte concret ayant incidence directe dans la sphère individuelle. En effet, cela n’aurait pas de sens de parler d’indépendance du pouvoir judiciaire si le juge était le même organe possédant le pouvoir de faire les lois ainsi que de les interpréter et les appliquer. Comme l’observait déjà Montesquieu dans son essai « De l’esprit des lois », il n’y a pas de liberté si le pouvoir judiciaire n’est pas séparé du pouvoir législatif ni du pouvoir exécutif. Tout serait perdu – ajoutait ce grand philosophe – si une seule personne, ou un seul corps de notables, de nobles ou du peuple exerçait ces trois pouvoirs : celui de faire les lois, celui d’exécuter les résolutions publiques et celui de punir les délits ou de trancher les controverses des particuliers. Donc, cette indépendance du juge lui est donnée par la loi non pas dans l’intérêt de celui-ci, mais uniquement afin de mieux protéger les droits des individus qui espèrent pouvoir obtenir de lui justice. 2. L’autonomie de la justice dans sa gestion et l’indépendance du pouvoir judiciaire : leurs différentes formes. Tout d’abord je voudrais observer qu’un problème d’autonomie et d’indépendance ne se pose pas seulement pour le pouvoir judiciaire considéré globalement, mais aussi pour chaque magistrat. On peut donc parler soit d’autonomie et d’indépendance de la magistrature, soit d’autonomie et d’indépendance des magistrats. En effet, les systèmes des différents pays devraient se soucier d’assurer non seulement l’indépendance de la magistrature envers les autres pouvoirs de l’Etat, mais aussi l’indépendance du magistrat vis-à-vis d’autres sujets de la vie économique et sociale et même à l’intérieur du pouvoir judiciaire (on parle à ce propos d’indépendance « interne »). En premier lieu pensons à l’indépendance du juge vis-à- vis des parties du procès : tous les codes de procédure du monde stipulent un devoir d’abstention ou bien la possibilité de récusation, lorsque le juge ne se trouve pas en état de trancher son affaire de façon impartiale. Pensons, en deuxième lieu, à la nécessité de sauvegarder l’indépendance du magistrat à l’intérieur même du corps de la magistrature, afin d’en assurer l’impartialité la plus absolue : il est évident que l’application à la magistrature des règles de la hiérarchie qui gouvernent, par exemple, l’organisation du pouvoir exécutif ou de certaines branches de celui-ci (armée, préfectures, police, etc.) compromettrait l’objectivité de son jugement. Ici, une possible solution consiste à confier les pouvoirs qui normalement reviendraient au chef à un autre organisme, tel que, par exemple, un Conseil Supérieur de la Magistrature, qui réaliserait ainsi deux tâches à la fois : la sauvegarde de l’indépendance « externe » de la magistrature (notamment vis-à-vis des autres pouvoirs de l’Etat) et la protection de l’indépendance « interne » des magistrats (notamment par rapport à leurs « supérieurs »). On pourra encore citer le problème éternel de l’indépendance des magistrats vis-à-vis des pouvoirs de l’économie et de la finance. Déjà La Fontaine (Les animaux malades de la peste) se plaignait du fait que « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Ici il suffira de mentionner le fait que tous ou presque tous les statuts des pouvoirs judiciaires du monde interdisent aux magistrats d’exercer des activités telles qu’entrepreneur, commerçant, membre d’un conseil d’administration d’une société, etc. Mais c’est justement pour cette raison qu’il faut aussi garantir aux magistrats une rémunération adéquate ainsi qu’un statut personnel tout à fait particulier (j’oserai même employer le mot : privilégié), qui puisse les mettre à l’abri de toute influence externe. Pour indiquer une autre forme d’indépendance des magistrats on pourra maintenant parler de l’indépendance vis-à-vis des partis politiques. A titre d’exemple, l’art. 98 de la Constitution italienne prévoit la possibilité que la loi ordinaire fixe des limites à l’inscription aux partis politiques pour les magistrats. Cette loi, en effet, n’a été approuvée qu’en 2005. Pourtant, le « code de déontologie des magistrats », approuvé en 1994 par l’Association Nationale des Magistrats italiens, prescrivait déjà aux magistrats faisant partie de cette association (à peu près le 90% des magistrats italiens) d’ « éviter toute relation avec des centrales de pouvoirs, de partis ou d’entreprises, susceptibles d’influencer l’exercice de [leurs] fonctions ou d’altérer [leur] image ». En tout cas, il est évident que des simples limites à l’inscription aux partis politiques, et même une interdiction totale à cet égard, ne suffiraient pas. Ce qu’il faut éviter c’est que le magistrat s’engage concrètement dans l’activité politique. En conclusion de ce premier aperçu de caractère introductif je voudrais encore citer deux formes d’indépendance, tout à fait nouvelles. D’abord, l’indépendance des magistrats vis à vis des média. La tendance à la médiatisation de l’activité de la magistrature, surtout dans le secteur pénal a récemment pris des proportions préoccupantes dans tous les pays du monde. Le risque est désormais que le magistrat se laisse conditionner dans son activité par le journaliste, surtout quand il s’agit de magistrats qui visent une carrière politique ou même une élection au Conseil Supérieur de la Magistrature. La dernière forme d’indépendance que je voudrais mentionner est l’indépendance de l’ignorance. « D’un magistrat ignorant – disait La Fontaine (L’âne portant des reliques) – c’est la robe qu’on salue ». Si l’on veut donc que cette robe abrite un magistrat respecté par les justiciables et tout à fait libre dans son jugement, il faut que ce magistrat ait une bonne connaissance des matières qu’il devra traiter. Un magistrat bien formé est un magistrat plus indépendant. D’autre part, il ne faudra pas oublier que la formation constitue désormais l’objet d’un véritable droit du magistrat européen. Je voudrais mentionner ici la Recommandation issue du Comité des ministres du Conseil de l’Europe en matière d’indépendance, efficacité et rôle des juges (Recommandation n° R(94) 12 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe aux Etats membres sur l’indépendance, l’efficacité et le rôle des juges, Principe III, 1, a.), selon laquelle il faut « recruter suffisamment de juges et (...) leur permettre d’acquérir toute la formation nécessaire, par exemple une formation pratique dans les tribunaux et, si possible, auprès d’autres autorités et instances, avant leur nomination et au cours de leur carrière. Cette formation devrait être gratuite pour le juge et porter, en particulier, sur la législation récente et la jurisprudence. Le cas échéant, cette formation devrait inclure des visites d’études auprès des autorités et des tribunaux européens et étrangers ». 3. L’autonomie de la justice et l’indépendance du ministère public. Un juge indépendant ne suffit pas à faire une justice indépendante, si le parquet, le ministère public – c’est-à-dire l’organe qui à le pouvoir, au moins en matière criminelle, de mettre en mouvement la justice – ne l’est pas. C’est justement pour la raison que les magistrats du ministère public assurent l’égalité des uploads/Politique/ l-x27-independance-du-pouvoir-judiciaire-ses-fondements-ses-differentes-formes-pdf.pdf
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- Publié le Jan 14, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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