Groupe de travail "Appui Institutionnel au Secteur Agricole" Fiche de lecture n
Groupe de travail "Appui Institutionnel au Secteur Agricole" Fiche de lecture n°4 Les politiques publiques François Doligez – IRAM – mars 2004 Les politiques publiques / P.Muller. – Paris : PUF, Collection Que sais-je ?, 1990 – 127p. Ce petit ouvrage de référence fournit, outre une bibliographie de référence dans le domaine des sciences politiques, un certain nombre d’éléments utiles à la conception et l’analyse des politiques publiques. Pour qui, en outre, s’intéresse spécifiquement au secteur rural, la familiarité de l’auteur vis-à-vis de ce secteur (cf. l’ouvrage le technocrate et le paysan, essai sur la politique française de modernisation de l’agriculture de 1945 à nos jours aux éditions Ouvrières en 1984) et l’abondance des exemples cités renforcent cet intérêt. Il faut signaler d’emblée que, centré sur l’expérience française, l’approche en termes de politiques publiques semble issue d’une extension des politiques étatiques. Mais l’ouvrage montre justement bien comment et pourquoi cette évolution est en cours. Après avoir rappeler la « genèse » des politiques publiques qui accompagnent la logique « sectorielle » de l’évolution des sociétés et visent au maintien de la cohésion sociale (p. 10-11),, la première partie esquisse les bases théoriques de l’analyse des politiques publiques (sociologie de la bureaucratie, théorie des organisations et approches en termes de management). En découlent des instruments d’analyse et, notamment, en termes d’identification, l’approche séquentielle très proche du cadre logique. D’après les références citées, l’existence d’une politique publique (p. 22-23) est fondée par : - un ensemble de mesures concrètes qui forment la « substance » d’une politique ; - des décisions de nature plus ou moins « autoritaires » qui, explicites ou latentes, constituent le socle « coercitif » de la politique (sur la pratique des différents agents) ; - un « cadre général d’action » distinguant (en principe) une politique publique de simples mesures isolées. Mais, suivant les cas, ce cadre est conçu à l’avance par le décideur ou reconstruit a posteriori par le chercheur ; - des « publics », individus, groupes ou organisations, dont la situation est affectée par la politique publique. Certains seront passifs, alors que d’autres s’organiseront pour influer sur l’élaboration ou la mise en œuvre des programmes publics ; - des buts ou des objectifs à atteindre… Le plus souvent, il ne s’agit pas d’un « donné », mais d’un construit de recherche. Le sens de la politique n’est pas toujours celui affiché par le politique… Et certaines politiques peuvent prendre la forme de « non-décisions ». La deuxième partie analyse les politiques comme des configurations d’acteurs en « ouvrant la boîte noire » de l’élaboration des politiques et de leur mise en œuvre pour analyser les stratégies d’acteurs et en interpréter les « ressorts de leur comportement ». Les différents acteurs de l’élaboration des politiques publiques en France sont rapidement décrits. A noter, dans cette analyse, l’approche en termes de « réseaux de politiques publiques », approche permettant d’appréhender les phénomènes liés à la multiplication et la diversification des acteurs, la fragmentation et la décentralisation de l’Etat, l’affaiblissement des frontières entre le public et le privé, l’importance croissante des 1 RéDéV acteurs transnationaux, etc. Cette approche, même si elle s’avère difficile à utiliser, permet de mieux cerner les « espaces de rencontre entre les différents acteurs », d’en identifier les acteurs principaux (Policy brokers) et de croiser différents espaces: relations entre exécutif, législatif et groupes de pression, « réseaux thématiques » et « communautés de politique publique ». La troisième partie montre comment les politiques publiques, en proposant d’analyser l’Etat par son action, ont contribué à modifier les visions sur ce dernier en mettant en avant l’analyse de sa « capacité à résoudre les problèmes ». Mais, dans cette vision centrée sur l’action, il n’est pas inutile de rappeler (p. 59) que la définition des objectifs d’une politique passe par une certaine représentation de ces problèmes, de leurs conséquences et des solutions qu’ils supposent. Il s’agit donc, en amont, d’une construction beaucoup plus vaste autour des rapports d’une société au monde et à partir duquel vont être élaborées les représentations qu’une société se donne pour comprendre et agir sur le réel… Cette construction est définit comme le référentiel de la politique, ce qui donne un sens beaucoup plus large à cette notion. « A chaque fois le référentiel d’une politique est constitué d’un ensemble de prescriptions qui donnent du sens à un programme politique en définissant des critères de choix et des modes de désignation des objectifs. Il s’agit à la fois d’un processus cognitif permettant de comprendre le réel en limitant sa complexité et d’un processus prescriptif permettant d’agir sur le réel » (p. 63). Quatre niveaux de perception sont distingués au sein de ces processus : les valeurs ou représentations fondamentales, les normes ou principes d’action, les algorithmes ou relations causales et, enfin, les images qui « font sens » aux trois niveaux précédents et, à ce titre, constituent un élément central du référentiel. Le référentiel d‘une politique peut se décomposer en trois éléments : le référentiel global, le référentiel sectoriel et des opérateurs de transaction définissant le rapport de l’un à l’autre. Le référentiel global constitue un construit social d’ensemble ou « d’équilibre » qui résulte des conflits (référentiel de modernisation après 1945, référentiel de marché après 1980). Le référentiel sectoriel s’applique à un champ restreint où la définition des frontières fait l’objet de conflits permanents en liaison avec les controverses sur le contrôle de l’agenda politique. Le cadre d’analyse doit générer les éléments d’articulation entre global et sectoriel, éléments qui empruntent aux algorithmes précédemment mentionnés en créant le lien logique entre les deux référentiels. Cette construction est l’objet de « médiateurs »pour lesquels ce rôle comprend une forte composante identitaire, ce pourquoi on ne peut dissocier constructions de référentiels et caractéristiques des groupes qui les portent (organisations paysannes par exemple). En termes de recherche, l’analyse des politiques publiques peut mettre l’accent sur leur genèse, sur l’étude de la « boîte noire » -et notamment du positionnement des acteurs, de leur élaboration ou, enfin, sur leurs effets dans le champ social et économique. Une démarche en dix étapes est proposée pour construire une stratégie de recherche et peut servir de trame à l’analyse des politiques publiques (p 89-96). La dernière partie développe trois changements significatifs des politiques publiques. Le premier a trait à la construction d’un espace régional d’action public (l’Europe pour la France). Le deuxième fait état face à la crise des approches sectorisées d’un regain d’intérêt pour les approches régionales, décentralisation et politiques locales notamment. Le troisième rappelle, avec la montée en puissance du modèle néolibéral, l’émergence du référentiel de marché dans l’élaboration des politiques publiques et ses corollaires en termes d’efficacité du secteur public. Ce sont d’ailleurs ces changements qui sont à l’origine de l’évaluation des actions publiques afin d’introduire un regard extérieur sur ces dernières. 2 La conclusion rappelle l’existence d’un modèle français de politiques publiques fondé sur la concentration de l’expertise technique légitime au sein de l’Etat, le contrôle de l’agenda politique par l’élite politico-administrative, le rôle moteur de l’administration dans le développement économique et la fragmentation des systèmes de représentation dans une logique sectorielle. Ce modèle serait remis en cause par les évolutions actuelles, à la fois du côté de l’affaiblissement des élites politico-administratives dans la maîtrise du processus des politiques publiques, mais aussi du fait de la crise de la médiation due à l’essoufflement des formes de représentations traditionnelles, syndicales ou professionnelles. Il s’agit ainsi, au risque de l’émergence de nouvelles formes de populisme, d’imaginer les modes de transaction adaptés prenant en compte les contraintes externes et les nouvelles formes de participation politique formulées par les citoyens. Outre ces conclusions qui ne sont pas sans résonner dans l’actualité politique récente, l’ouvrage illustre bien comment sont étroitement imbriqués politiques publiques et analyse institutionnelle dans le formel (organisation administrative) mais surtout autour de la prise en compte des « réseaux ». La réflexion sur les politiques publiques renvoie également, d’après la présentation proposée par l’ouvrage, à une analyse beaucoup plus vaste des représentations qu’une société est à même de construire autour de son « rapport au monde », c’est à dire de ses principaux problèmes et de ses « marges de manœuvre » pour les affronter. De quelle façon, pour les pays en développement, la coopération technique est-elle en mesure d’y contribuer, sans esquiver cette dimension par la simple promotion d’instruments au service de l’efficacité et en renforçant les acteurs sans les substituer ? 3 uploads/Politique/fiche4-muller-doligez 1 .pdf
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- Publié le Mai 24, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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