Document généré le 26 déc. 2018 04:53 Recherches sociographiques Les discours s
Document généré le 26 déc. 2018 04:53 Recherches sociographiques Les discours sur la laïcité pendant le débat sur la « Charte des valeurs de la laïcité ». Une analyse lexicométrique de la presse francophone québécoise Samuel Dalpé et David Koussens Les terrains de la laïcité au Québec Volume 57, numéro 2-3, mai–décembre 2016 URI : id.erudit.org/iderudit/1038435ar https://doi.org/10.7202/1038435ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Département de sociologie, Faculté des sciences sociales, Université Laval ISSN 0034-1282 (imprimé) 1705-6225 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Dalpé, S. & Koussens, D. (2016). Les discours sur la laïcité pendant le débat sur la « Charte des valeurs de la laïcité ». Une analyse lexicométrique de la presse francophone québécoise. Recherches sociographiques, 57(2-3), 455–474. https:// doi.org/10.7202/1038435ar Résumé de l'article Alors que la crise des accommodements raisonnables (2006-2008) s’était nourrie d’ « incidents » pour construire la visibilité du religieux dans l’espace public comme problématique, la polémique suscitée par le projet de « Charte des valeurs de la laïcité » (2012-2014) a été directement initiée, puis mise en scène par le pouvoir politique alors en place, en dehors même d’« incidents » caractérisés. À partir d’une analyse lexicométrique d’articles de nouvelles et d’éditoriaux publiés dans la presse francophone québécoise au cours de ce débat, cet article propose de retracer les territoires et profils lexicaux autour desquels s’est articulée la production journalistique ayant mobilisé la notion de laïcité. Le texte souligne, à partir d’une analyse des postures éditoriales de trois grands quotidiens québécois, comment cette notion s’est essentiellement trouvée réduite, dans son traitement médiatique, aux modalités de la régulation de l’expression individuelle des convictions religieuses. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter en ligne. [https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique- dutilisation/] Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. www.erudit.org Tous droits réservés © Recherches sociographiques et Université Laval, 2016 R S LES DISCOURS SUR LA LAÏCITÉ PENDANT LE DÉBAT SUR LA « CHARTE DES VALEURS DE LA LAÏCITÉ ». UNE ANALYSE LEXICOMÉTRIQUE DE LA PRESSE FRANCOPHONE QUÉBÉCOISE Samuel Dalpé et David Koussens Alors que la crise des accommodements raisonnables (2006-2008) s’était nourrie d’ « incidents » pour construire la visibilité du religieux dans l’es- pace public comme problématique, la polémique suscitée par le projet de « Charte des valeurs de la laïcité » (2012-2014) a été directement initiée, puis mise en scène par le pouvoir politique alors en place, en dehors même d’« incidents » caractérisés. À partir d’une analyse lexicométrique d’articles de nouvelles et d’éditoriaux publiés dans la presse francophone québécoise au cours de ce débat, cet article propose de retracer les territoires et profils lexicaux autour desquels s’est articulée la production journalistique ayant mobilisé la notion de laïcité. Le texte souligne, à partir d’une analyse des postures éditoriales de trois grands quotidiens québécois, comment cette notion s’est essentiellement trouvée réduite, dans son traitement média- tique, aux modalités de la régulation de l’expression individuelle des convictions religieuses. Mots-clés : laïcité, Québec, Charte des valeurs, liberté de conscience et de religion, médias E n plein débat sur le projet de « Charte des valeurs », lors d’un évènement organisé à l’initiative d’un organisme militant le 7 mars 2014, Marie- Élaine Thibert chante « pour la laïcité ». L’information est pour le moins surpre- nante, tant l’association de la chanteuse à un concept aussi vaporeux que complexe semble incongrue. Pourtant, Marie-Élaine Thibert chante bel et bien pour la laïcité, et elle n’est pas la seule, accompagnée dans l’exercice par plusieurs collègues de la chanson (Stefie Shock et Paul Piché) ou de l’humour (Jici Lauzon et Nabila Ben Youssef) (Lévesque, 2014). Si cette association d’artistes populaires à une « cause Recherches sociographiques, LVII, 2-3, 2016 : 455-474 4 5 6 R e c h e r c h e s s o c i o g r a p h i q u e s laïque » paraît surprenante, l’évènement n’est pourtant pas inédit. Quelques mois avant ce concert, des personnalités publiques du cinéma (Denise Filiatrault, Brigitte Poupart, Denise Robert, Marie-Anne Alepin), de la télévision (Julie Snyder) ou des milieux littéraires (Abla Farhoud) s’étaient déjà engagées dans le débat sur la laïcité en signant un manifeste initié par l’animatrice de télévision Janette Bertrand (Bertrand, 2013). Tout aussi anecdotiques qu’ils puissent paraître, ces évènements sont pourtant révélateurs d’une véritable appropriation par un large public, à la fois tardive et rapide, du mot laïcité dans le contexte québécois. Quasiment absent de la langue courante dans les années 1990, ce n’est que depuis une dizaine d’années que ce mot a acquis une certaine notoriété publique dans la province (Koussens, 2011). On observe que c’est le plus souvent dans le contexte de tensions liées à la visibilité de l’islam, c’est-à- dire d’une expression religieuse qui n’est pas normalisée dans la culture de la société, voire de la nation – et par là même dans des situations de conflit entre des valeurs en opposition ou présentées comme telles dans les débats publics – que ce mot « laïcité » est le plus fréquemment employé. Au Québec, il commence vraiment à se répandre à partir de la crise des accommodements raisonnables en 20061. Il occupe ensuite le devant de la scène dans le débat public québécois en 2013 avec l’annonce par le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne du Québec d’un projet de « Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement »2. Dans le contexte français, plusieurs enquêtes, à l’instar de celles menées par Tévanian (2005), Thomas (2008) ou Charaudeau (2015), ont retracé comment les médias « construisent l’évènement [ou l’objet laïcité] dans un va-et-vient permanent entre le surgissement d’évènements (expulsion de jeunes filles voilées), les déclara- tions des acteurs politiques et les mouvements citoyens avec leurs différentes formes d’expression » (Charaudeau, 2015, p. 53). Des travaux similaires ont été produits au Québec après le dépôt du rapport « Bouchard-Taylor » en mai 2008. Outre l’importante enquête de Potvin (2008) qui montrait que la « crise » des accommodements raison- nables avait procédé d’une « fiction médiatique », plusieurs recherches (Labelle et Icar, 2007; Baubérot, 2008; Heinrich et dufour , 2008; Fall et Vignaux, 2008; Brodeur, 2008; Giasson, Brin et Sauvageau, 2010) ont également souligné comment, en réaction à la visibilité d’expressions religieuses perçues comme « étrangères », les médias ont alimenté la production d’une importante « laïcité narrative » (Ferrari, 2009). Ces diffé- rents discours sur la laïcité, portés dans le débat public par des acteurs toujours plus nombreux et diversifiés, ont connu alors une diffusion sans précédent (Koussens, 1. Cette crise s’était ouverte après que la Cour suprême du Canada eut rendu une décision validant les conditions dans lesquelles un accommodement raisonnable était consenti à un jeune Sikh qui portait le kirpan rituel dans l’enceinte de son établissement scolaire. Voir Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2006 CSC 6, [2006] 1 R.C.S. 256. 2. Assemblée nationale, Projet de loi n° 60 : Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neu- tralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement, [http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/ projets-loi/projet-loi-60-40-1.html]. Analyse lexicométrique des discours sur la laïcité 4 5 7 2009; Côté et Mathieu, dans le présent dossier; Laxer et Korteweg, dans le présent dossier). Dans cet article, nous nous penchons sur certains de ces discours en tentant de comprendre les conceptions de la laïcité qui ont pu être véhiculées dans la presse francophone québécoise au cours du débat sur la « Charte des valeurs de la laïcité ». À partir d’une analyse lexicométrique d’articles de nouvelles et d’éditoriaux publiés dans la presse francophone québécoise au cours des débats, nous proposons : 1) de mettre en lumière les évènements ou « moments discursifs » (Moirand, 2004, citée par Charaudeau, 2015, p. 59) au cours desquels la notion de laïcité s’est trouvée mobilisée; 2) de retracer les territoires et profils lexicaux autour desquels la discussion publique sur la laïcité s’est articulée. Nous concentrons notre analyse sur un corpus constitué de 1396 articles, dont 655 éditoriaux ou chroniques et 741 articles de type évènementiel, issus des trois prin- cipaux journaux francophones québécois : La Presse, Le Devoir et Le Journal de Montréal. Ces articles, qui comportent au moins une occurrence du mot « laïcité », ont été sélec- tionnés à partir du répertoire d’archives de presse Eureka. Tous ont été publiés entre le 13 août 2012 et le 7 avril 2014, deux dates qui délimitent les débats sur le projet de « Charte des valeurs de la laïcité ». La première correspond en effet à l’annonce de ce projet par la candidate Pauline Marois au cours de la campagne électorale provinciale uploads/Politique/le-discours-sur-la-laicite-pendant-le-debat-sur-la-charte-des-valeurs.pdf
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- Publié le Sep 15, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
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