Les apports de la nouvelle constitution marocaine en matière de décentralisatio
Les apports de la nouvelle constitution marocaine en matière de décentralisation territoriale Mr CHEGGARI Karim Chercheur dans le domaine des collectivités territoriales Publié le 9-2-2012 Mr CHEGGARI Karim 2 Introduction La nouvelle constitution marocaine de 2011 (1) qui a fait l’objet d’un référendum populaire le 1er juillet a constituée un tournant historique et déterminant dans le processus de parachèvement de la construction de l’Etat de droit et des institutions démocratiques (2). Ce texte est venu dans un contexte où le Maroc a choisi comme défi l’instauration d’une société homogène fondée sur les principes de participation, de pluralisme et de bonne gouvernance. Cependant, la question de décentralisation territoriale a occupée une grande place dans notre nouvelle constitution dans la mesure où celle-ci a consacrée 12 articles dans son Titre IX intitulé « régions et autres collectivités territoriales ». Cette consécration constitutionnelle est venue pour traduire la Haute volonté royale qui aspire à doter le Maroc d’une régionalisation avancée, d’essence démocratique et vouée au développement intégré et durable sur les plans économique, social, culturel et environnemental (3). La décentralisation territoriale au Maroc représente le système administratif qui confie aux collectivités le pouvoir de gérer leurs propres affaires par l’intermédiaire de leurs représentants élus, agissant sous la tutelle du pouvoir central. En ce sens, elle implique une certaine autogestion locale ; notamment la gestion par les administrés des affaires qui les concernent le plus directement. Ils sont pour cela associés à la prise des décisions (4). De nombreux auteurs (5) s’accordent pour reconnaître que la décentralisation n’affaiblit qu’en apparence l’autorité Etatique ; en réalité, elle renforce dans la mesure où, déchargent les organes centraux du souci des réglementations techniques, elle évite à l’autorité de se compromettre dans les difficultés de l’administration pour s’imposer, sereine et indiscutable, sur le plan très général des directives politiques. D’autant plus que l’Etat ne peut, par ses organes centraux, assurer l’accomplissement des tâches administratives en chaque point du Mr CHEGGARI Karim 3 territoire. Techniquement, c’est la décentralisation qui permettra de suppléer à l’action de l’Etat. La décentralisation constitue également le corollaire indispensable de la démocratie : elle permet d’assurer l’existence des libertés locales. En offrant les libertés locales et l’éducation politique aux citoyens, la décentralisation permet l’implantation et la consolidation de la démocratie politique ; elle se présente comme la démocratie appliquée à l’administration (6). HAURIOU allait plus loin en estimant que la décentralisation s’analyse « en une mainmise plus directe du peuple souverain sur l’administration (7) » ; il liait l’existence de la décentralisation à l’une des formes les plus achevées du système démocratique, c'est-à- dire du régime parlementaire. Au Maroc, à la différence de tant de pays en voie de développement, a toujours vécu avec une administration privilégiant la décentralisation. Cette dernière a en effet été forgée à travers les péripéties historiques du pays (8). Contrairement à ce que l’on peut penser, le Maroc a pratiqué la décentralisation institutionnelle bien avant l’avènement du protectorat. Sur le plan local, les collectivités étaient organisées sur une base tribale alors que leurs limites géographiques étaient déterminées par celles du lien de consanguinité, du groupe. La collectivité communale est dotée d’institution administrative et judicaires impliquant une autonomie par rapport au pouvoir central. La jemâa est une assemblée oligarchique constitue une institution représentative et un organe délibératif chargé de gérer librement les affaires de la collectivité sans être soumis au contrôle du gouvernement à l’exception des affaires fiscales et militaires. La démocratie locale apparaît dans les éléments suivants : l’idée de représentation de la population, le caractère général des attributions dont se chargeait l’assemblée locale, l’attachement au principe unanimitaire dans l’adoption des grandes décisions. Par ailleurs, la structure est démocratique en ce sens que la division du travail est Mr CHEGGARI Karim 4 relativement rationnelle. L’exécutif qui est étroitement contrôlé par l’assemblée constituait un élément d’équilibre du système institutionnel. La question du bled Siba (ou pays non soumis) n’était pas en réalité un problème politique mais administratif : « il concernait le respect par le pouvoir central ou son représentant des libertés et de l’autonomie administrative de ces collectivités. La démocratie locale bien ancrée dans l’esprit et la vie des collectivités ne souffrait pas d’institution autoritaire c'est-à-dire d’un caïd inconnu d’une collectivité et dont il ne pourrait avoir ainsi ni la confiance ni l’estime » (9). Sur le plan régional, le Maroc a également pratiqué la décentralisation institutionnelle. Il est évident que cette régionalisation traditionnelle était à l’image de l’époque. Ses structures sont embryonnaires mais présentent des atouts divers : simplicité, rapidité et efficacité (10). La régionalisation est basée sur deux piliers fondamentaux étroitement liés : l’armée et les tribus. La régionalisation traditionnelle remplissait trois fonctions fondamentales. Elle permettait d’abord de mieux assurer l’unité et la stabilité politique sur les plans interne et externe. En outre, les tribus guich constituaient une source d’alimentation du pouvoir central et de l’administration locale en fonctionnaires et agents d’autorité. La troisième fonction est de nature économique puisque les chefs de tribus détenaient des monopoles commerciaux et sont maîtres de l’impôt dans leur région. Après la signature du traité du protectorat, l’idée régionale a été reprise par les autorités françaises, mais avec la logique de la sécurisation et la pacification. C’est la raison pour laquelle le Maroc était divisé en régions civiles pacifiées et en régions militaires considérées comme encore rebelles à la pénétration coloniale. L’objectif est d’occuper le plus rapidement possible tout le territoire. Ce souci sécuritaire n’est pas apte à engendrer une organisation uniforme et une évolution équilibrée des différentes régions (11). Au lendemain de l’indépendance, les collectivités territoriales ont été consacrées pour la première fois par la constitution de 1962. Son titre VIII affirme respectivement que : « Les collectivités locales sont les préfectures, les provinces et les communes. Elles sont créées Mr CHEGGARI Karim 5 par la loi » (article 93), que celles-ci « élisent des assemblées chargées de gérer démocratiquement leurs affaires dans des conditions déterminées par la loi » (article 94) et qu’enfin « Dans les préfectures et provinces, les gouverneurs exécutent les décisions des assemblées préfectorales et provinciales… » (article 95). Cette constitution est venue pour concrétiser de façon constitutionnelle les collectivités territoriales après le premier dahir relatif à la division administrative (13), et le dahir de 1960 (14), le dahir de 1963 (15). Le 16 juin 1971 (16) , une loi est intervenue pour créer 7 régions économiques. Il s’agit de simples circonscriptions administratives sans personnalité juridique, destinées à être un cadre d’études et d’action économique. En fait, sous l’empire de la loi de 1971, la région a beaucoup plus servi comme cadre de préparation et d’exécution du plan de développement économique et social, et de conception de la politique d’aménagement du territoire. Après la Marche Verte et la récupération par le Maroc de ses provinces sahariennes, un nouveau climat politique est né, marqué par le renforcement de l’unité nationale. Ce qui a conduit à l’évolution du processus démocratique en général, et de la décentralisation communale en particulier, avec l’idée que les problèmes vécus par les populations doivent être résolus par leurs représentants élus (17). C’est dans ce cadre que le texte de 1960 est abrogé et remplacé par le 30 septembre 1976 (18) par une nouvelle charte communale, qui constitue un pas en avant en la matière. Elle fait du président du conseil communal l’organe exécutif de la commune et opère à son profit un large transfert des pouvoirs de police administrative, auparavant exclusivement détenus par les représentants locaux de l’administration centrale. Avec la réforme constitutionnelle de 1992 (19), un nouveau pas est franchi : la région devient une collectivité locale. La loi qui fixe son organisation et ses attributions est intervenue le 2 avril 1997 (20). Elle opère un subtil équilibre entre le gouverneur, autorité exécutive de la région et le président du conseil régional. Mais, surtout, elle donne à la région une vocation essentiellement économique, suite à Mr CHEGGARI Karim 6 une nouvelle conception de la répartition des compétences entre les différentes collectivités publiques. Enfin, et dans le cadre de cette même conception, deux nouvelles lois viennent remplacer, le 3 octobre2002, celle de 1963 relative à la province et la préfecture et celle de 1976 sur l’organisation communale. La nouvelle charte communale de 2002 (21) telle qu’elle a été modifiée et complétée par la loi n°17.08 (22) , mieux rédigée et plus détaillée, élargit les attributions des conseils communaux, établit un statut des élus et institue un statut spécial pour les grandes agglomérations urbaines. Quant la nouvelle loi sur les provinces et les préfectures (23), et tout en gardant au gouverneur la qualité d’autorité exécutive, pose également un statut des élus et précise les attributions des assemblées élues. L’exposé de ces données générales de l’évolution de notre décentralisation territoriale nous a permis d’affirmer que la nouvelle constitution marocaine a couronné le processus de renforcement de démocratie locale et de gouvernance territoriale dans la mesure où elle a instaurée pour la première fois le système d’élection au suffrage universel direct pour les conseils régionaux, et le uploads/Politique/les-apports-de-la-nouvelle-constitution-marocaine-en-matiere-de-decentralisation-pdf 1 .pdf
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