LES CAHIERS DE L'ADEPTE DE, L'ADEPTE, noL0-11 &12 LE, S CAHIERS Editions B.A.G.
LES CAHIERS DE L'ADEPTE DE, L'ADEPTE, noL0-11 &12 LE, S CAHIERS Editions B.A.G.|. 12 rue du Grand Prieuré 75 011 - Paris. Sameôj. 18 novenbre 1967 Samedi, l8 novembre 1967 Mon Dieu ! Depuis combien de temps nai-je pas pris la plume pour tracer des lignes sur mes cahiers de travaux pratiques ? De gros cahiers à spirales où s'alternent feuille quadrillée pour I'ecriture, et feuille immaculee pour les dessins' Iai toujours aimé les cahiers, et toute la panoplie des objets scolaires : stylos aux longUes plumes douces, qui courent moins vite cependant que la pensée ; classeurs gand-format aux couvertures souples ; et tout ce qui sent bon le cuir neuf des rentrées scolaires. Je dois être un peu fetichiste ! En fait, pour répondre à la question posee en ouverture, il y a trois mois - un peu moins - que je n'ai pas retranscrit la suite de "l'enseignement" que me dispense l,Ingénieur D. Trois mois qui ont passe à la vitesse de I'eclair, et qui dans le même temps ont vu ma vie changer radicalement d'orientation. Au grand dam de mes parents, qui ont eu le plus grand mal à avaler la pilule. Lorsque j'écris, j'ai besoin de me lever souvent, de tourner autour de la table, et de répéter oralement les phrases avant de les coucher sur le papier. S'il y avait une cheminée dans ma chambre, je crois bien que je ferais comme Hemingway : j'écrirais debout. En déambulant ainsi, je suis tombé par hasard sur tous les "cahiers", semblables à celui-ci, soigneusement empilés les uns zur les autres sur une de mes étagères. J'en ai caresse la tranche. L'imposant volume de papier que j'ai ainsi feuilleté entre mes doigts m'a donné un sentiment de securité et de fierté mélangees' Et puis, je me suis souvenu que toute cette masse de lignes ne me devait strictement rien - ou si Peu. A part quelques annotations personnelles, je ne suis qubn scribe, contente de recopier ce qui se trouve sur un magnétophone' ou de mettre en qur se forme Sameôi 18 noveubre L967 des notes prises sur un carnet. Je ne suis rien d'autre que le porte-plume de D. - au sens réel du terme. Toujours est-il que j'ai pris les cahiers, que je les ai étalés sur le lit, et ouverts au hasard. Iétais parti pour écrire voulu. Pendant plusieurs heures. Sans I'avoir voulu ? Peut-être pas. Sans doute une ruse de mon inconscient, fréquente chez moi. C'est difficile d'écrire, même quand on ne fait que transcrire. Alors, je ruse avec moi-même. Je recule le plus possible le moment fatidique. Jusqu'à ce que I'urgence m'impose une pression trop forte. Cette pression finit par faire exploser I'angoisse que je ressens chaque fois que j'enlève le capuchon de mon stylo. Et alors seulement, je peux m! mettre. Cette releclure m'a plongé dans la stupéfaction. Il y a tant et tant de choses là-dedans. Certaines que j'avais totalement oubliées. Et je constate que généralement, la mémoire me joue des tours en ce qui concerne les moments les plus forts. Si je ne les avais pas consignés, sans doute, qu'en toute bonne foi, je rapporterais diftremment ces événements. C'est le cas notamment de la journee du 12 mars 1967. C'est le cas, plus encore, du pourtant récent sejour dans la utribuu de Pierre. Je sais bien que c'est moi qui ai ecrit tout ça. Mais dans le même temps, j'ai I'impression de lire un roman, dont le second rôle parfois me ressemble, parfois diffère totalement de ce que je suis. "Je" est un autre dans ces cahiers. Si je ne craignais les mauvais jeux de mots, j'irais même jusqu'à dire : c'est le jeu d'un autre. Mais est-ce un jeu ? Ca y ressemble parfois. Ce sont des événements qui me sont bien arrivés, des mots que j'ai entendus, des situations fantastiques ou à la limite de l'absurde que j'ai vécues. Mais tellement "decalées" par rapport à la réalité. Je veux dire mon quotidie4 les parents, le lycée, mes amis. Y Sameôi 18 noveubre L967 Mais ai-je encore des amis ? Je n'en suis pas sûr. Je me renferme sur moi- même comme une huître dans sa coquille. Ma vieille tendance à I'autisme serait-elle en train de reapparaître ? Si c'est le cas, lejeu est peut-être dangereux. Mais est-ce un jeu ? Dans un jeu, les règles le plus souvent sont clairement définies. Elles disent la marche à suiwe. Elles protègent, en quelque sorte. Où sont les règles dans le parcours que j'ai fait avec D. jusqu'à ce jour ? Je n'arrive pas à les discerner clairement. Et dans unjeu, on gagne ou on perd. Un peu des deux, peut-être. En fait, je suis toujours incapable de voir ce qui peut lier entre eux la kabbale et les lettres de l'alphabet hébreu, les rituels magiques, faire et défaire un tricot, ou "faire le jardin". Y-a-t-il même un lieu, et où tout cela mène-t-il ? Mais après tout, en ce domaine cornme en tous les autres, ça ne me préoccupe pas trop d'aller quelque part, de songer à mon avenir, de me préparer une vie toute tracée, et toutes ces histoires dans lesquels mes condisciples - le regard obstinément fixé sur la ligne bleue du baccalaureat - ont maintenant plongé jusqu'au cou. Les cancres sont déjà résignéq mais les autres bachotent comme des malades, discutent de la meilleure ecole où aller "aprèsn, de la meilleure formation, et surtout du travail qu'ils vont enfin choisir, non par vocation ou par goût, mais tout simplement "parce que ça rapporte". Tranquilles comme Baptiste et en avant jusqu'à la retraite. Moi, je semble papillonner. Je donne I'impression de ne rien faire. Parfois, je lis durant des nuits entières et je m'en vais au lyée sans même avoir fermé I'oeil de la nuit. Mais j'aime bien voir le soleil se lever sur le mot "fin'. Ca me stimule. Iaime cette sensation qu'on peut se libérer de toutes les contraintes, y compris du cycle infernal veille / repos bien emprisonné dans sa gangue de24 heures. Je joue au dilettante - le jeu, chez moi, c'est une seconde nature - mais à dire wai, j'organise ma vie méthodiquement, avec beaucoup d'application. Sauf que cette méthode là parait aux autres brouillonne, 'ana.rchiste" (le mot est à la mode), et qu'on me qualifie volontiers d"'artisten. Décidément, bien rares sont ceux qui savent voir... qui savent me voir. Ainsi, lorsque I'on me demande ce que je vais faire comme etudes après le Samedi 18 novenbrc 1957 bac, et que je réponds "je n'en sais rien", certainS pensent que c'est de l'affectation, que je dissimule ou que je me donne un genre, et d'autres que je suis un jean-foutre. Je serais bien en peine d'expliquer que c€ n'est rien de tout cela : ni mensonge, ni indécision. Cette volonté de ne tirer aucun plan sur la comète est au contraire une méthode... ma méthode. Celle que j'aie toujours suivie, mais dont j'ai réellement pris conscience il y a quelque mois seulement. Ma méthode consiste à me conformer, autant que c'est possible, à ce que je ressens au moment présent. Iai envie de lire toute la nuit ? Je lis toute la nuit, même si je dois enchaîner une autre journée après une nuit blanche. A quoi bon chercher vainement un sommeil qui me fuit ? Autant occuper mon temps de manière agréable... et utile. Dans ces conditions, et toujours zuivant ma méthode, je suis waiment incapable de savoir ce que j'aurai envie de faire dans un peu plus de dix mois, lors de la prochaine rentrée universitaire. Iai dix fois le temps de changer d'idée d'ici là. Alors, à quoi bon m'en préoccuper maintqnant ? Ma méthode, si je I'expliquais - mais je m'en garde bien - paraîtrait casse-cou à ceux qui pourraient la comprendre (ils ne doivent pas être nombreux). Mais moi, elle me va bien. C'est grâce à elle que j'ai pris, il y a quelques jours, une décision difficile. Et sans doute lourde de consequences pour mon "avenir". Cependant, je me moque des consequences. Je me sens tellement mieux dans ma peau maintenant. Tellement plus heureux. Comme un poisson dans I'eau ! Mes parents ont toujours tenu à acheter neufs mes liwes de classe. Ils ont terriblement peur de paraître "médiocres* et ils ne loupent pas une occasion d'afficher des marques extérieures d'aisance. Ils n'ont rien voulu entendre lorsque je leur ai dit, une fois, que les plus riches parmi mes camarades achètent tous leurs manuels à la bourse d'echange des liwes du lycée. Comme tout le monde, mes parents s'accrochent à leurs opinions, à ce qu'ils croient être la beauté, la vérité, I'opulence. Ils se bouchent les oreilles plutôt que d'y renoncer. Ces opinions cimentent toute leur vie. Mais finalement, ça m'arrange, et je n'ai pas cherché à les détromper : la bourse d'echanges n'a lieu que quelques jours avant la rentrée, alors que les listes sont déposees chez les libraires à la fin du mois de uploads/Religion/ 02-lescahiersdeladepten1012.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 07, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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