Lumière de René Guénon Conférence de Jean Phaure - 29 novembre 1974 - Institut
Lumière de René Guénon Conférence de Jean Phaure - 29 novembre 1974 - Institut d’Herméneutique N.B. Les notes et les Annexes sont de Charles Ridoux 1 - René Guénon <quote>Nous pouvons dire que si tous les hommes comprenaient vraiment le monde moderne, celui-ci cesserait aussitôt d’exister, car son existence, comme celle de l’ignorance et de tout ce qui est limitation, est purement négative : il n’est que par la négation de la vérité traditionnelle et supra-humaine. René Guénon, La Crise du monde moderne. </quote> Parler de René Guénon en 1974, dans un cercle d’études traditionnelles, est quelque chose de presque banal ; mais si j’avais fait cette conférence il y a vingt ans, le titre même en aurait semblé étonnant et la salle aurait été presque vide. En effet, René Guénon n’a commencé à être connu qu’après sa mort au Caire le 7 janvier 1951. Il faut dire qu’une certaine conspiration du silence - qui sévit encore aujourd’hui à l’égard de son œuvre - est d’autant plus explicable qu’il était de son vivant un être secret, ennemi de toute publicité, et surtout parce que l’ensemble de ses écrits était en contradiction absolue avec toutes les idées reçues de notre Occident moderne. Vingt-quatre ans après sa mort, Guénon dérange, gêne, scandalise l’intelligentsia douillettement attachée aux illusions du transformisme, du Progrès, de l’Égalité et de la prééminence planétaire de la race blanche. Certains, aujourd’hui, qui n’ont pourtant pas la « tête métaphysique », reconnaissent, sous la pression accélérée des événements, que son analye de la Crise du monde moderne, par exemple, publiée dès 1927, était prophétique. Aujourd’hui, malgré le « silence » officiel, René Guénon a, en quelque sorte, « passé le seuil », car publications, thèses, colloques fleurissent autour de son œuvre. En fait, celle-ci est en train de former dans l’invisible la véritable élite occidentale, celle qui a pris conscience de l’évolution suicidaire de notre civilisation, élite à laquelle il incombera de reconstruire lorsque nous serons sortis de cette première tribulation de l’Apocalypse dans laquelle nous entrons en 1974. La première fonction de l’œuvre guénonienne est justement d’expliciter de façon transcendante les mécanismes cyclologiques de cette involution et de restituer dans leur pure lumière métaphysique les enseignements salvateurs des religions aujourd’hui décadentes ou apostates. Ce n’est pas sans émotion, après tant de conférences imprégnées de la pensée guénonienne et la parution de mon livre de synthèse sur le Cycle de l’Humanité adamique1 - dans lequel la pensée de Guénon est centrale - que j’ose consacrer aujourd’hui cette causerie à celui que je pourrais appeler mon maître - j’emploie ici une minuscule, car le seul Maître avec une majuscule ne peut être pour tout chrétien que le Verbe incarné en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et si je peux me permettre une dernière confidence, je témoignerai d’un fait qui est de nature à étonner ceux qui n’ont pas bien compris l’œuvre de René Guénon. En effet, c’est son œuvre qui a refait de moi un catholique, il y a vingt-cinq ans2. Et je ne suis pas le seul, puisque nous pouvons lire, dans le n° 3 de la revue Les Cahiers de l’Homme-Esprit (4e trimestre 1974), ces lignes signées d’Yves Millet3 : <quote>Oui, je l’atteste, des hommes - des femmes aussi - venus de l’athéisme ont demandé le baptême et sont restés pratiquants jusqu’à ce jour parce qu’ils ont vu dans pareille démarche la conclusion à laquelle les amenait Guénon (…). Quelle que soit la position précise des guénoniens catholiques à l’égard de tous ces problèmes difficiles, tous sont redevables à Guénon d’une compréhension de leur propre religion qu’il leur eût été impossible d’espérer sans la lecture de cette œuvre irremplaçable. Guénon a eu le mérite immense et rarement apprécié à sa juste valeur d’arracher à l’occultisme sous toutes ses formes, pour les rendre au catholicisme, nombre d’individualités qui n’étaient allées vers ces faux bergers qu’en désespoir de cause, parce qu’ils n’avaient pas compris que leur religion véhiculait des symboles profonds, déformés dans l’imagerie occultiste et masqués dans 2 l’enseignement religieux : la Chute, la Rédemption, la Résurrection, le Communion des Saints… et la Croix. Guénon a montré ce que pouvait et devait être une civilisation chrétienne intégrale et par sa rigueur et la précision de l’instrument dialectique qu’il avait forgé il a fourni aux catholiques des armes très efficaces à la fois contre les divagations, séduisantes pour d’autres, de l’évolutionnisme teilhardien et contre le fixisme théologique d’un néo-thomisme buté. (…) Et il a montré - et ce n’est pas peu de choses à notre époque malgré les dangers réels que cela peut présenter aussi - que les doctrines orientales (le Soi vedantin, les Cycles, le non-agir taoïste) n’étaient pas incompatibles avec le catholicisme. </quote> On ne saurait mieux dire d’un métaphysicien auquel on a si souvent - et parfois si hargneusement - reproché de s’être fait musulman, ou plus exactement - car la nuance est d’importance - adepte de l’ésotérisme soufi. De même, quelques lignes plus loin, Yves Millet fait justice du reproche fait à Guénon d’avoir méconnu la dimension charismatique du catholicisme : <quote>Si Guénon n’emploie presque jamais le mot de « Charité » et en tout cas jamais lorsqu’il s’agit d’énoncer une précondition de la réalisation par la Connaissance, il est toutefois capital de montrer que ce que ses adversaires appellent son « système » suppose absolument la chose bien que le mot n’y soit pas. (…) On peut du reste inférer des propos tenus par Guénon qu’un candidat à l’initiation n’a quelque chance de pouvoir commencer en cette vie un processus de réalisation qu’à la condition d’avoir épuisé toutes les ressources de l’exotérisme et notamment, s’il est catholique, il se doit d’avoir dépassé de BEAUCOUP le minimum de charité requis pour être sauvé…</quote> Parler de René Guénon, c’est évoquer tous les chemins de la Connaissance dans leur foisonnante diversité autant que dans leur transcendante unité. Aussi ai-je paradoxalement choisi comme cadre de l’exposé succinct de son œuvre en grande partie intemporelle le Fleuve même de cette vie de Lumière : déroulement auquel on pourrait prêter comme exergue ces lignes de cet autre géant de la pensée traditionnelle que fut Joseph de Maistre : <quote>La vraie religion a bien plus de 18 siècles. Elle NAQUIT le JOUR que NAQUIRENT les JOURS4.</quote> Car c’est bien avant toutes choses l’Unité Transcendante des Religions - pour emprunter un titre à son disciple Frithjof Schuon - que René Guénon est venu providentiellement rappeler à l’Occident en notre XXe siècle. L’ascendance de René Guénon est entièrement circonscrite dans les provinces de l’Anjou, du Poitou et de la Touraine. Son père, saumurois, Jean-Baptiste Guénon, devenu architecte, épouse à 52 ans, en 1882, Anne-Léontine Jolly, née près de Blois. Le jeune ménage se fixe à Blois au Faubourg de Vienne, sur la rive gauche de la Loire, en cette ville marquée par la royauté française, par l’étymologie de son nom qui signifie à la fois « loup » et « lumière ». Selon certaines prophéties relatives au Grand Monarque, ce prince à venir devrait, dit-on, être nommé le « Roi de Blois ». 2 - Thème de René Guénon par Jean Phaure C’est donc à Blois, dans une maison de la rue Croix-Bossée, que naquit le lundi 15 novembre 1886 René-Jean-Marie-Joseph Guénon, et l’enfant est baptisé à domicile le 4 janvier 1887. Sans faire ici une étude astrologique qui sortirait du cadre de cette conférence, notons la probabilité d’un Ascendant Gémeaux qui met l’accent sur la vivacité intellectuelle de l’enfant, vivacité renforcée par deux trigones avec Jupiter et Uranus en Balance. L’importance d’Uranus, qui représente l’intuition spirituelle, c’est-à-dire « l’intellect » en langage guénonien, est renforcée par un trigone au Milieu du Ciel en Verseau. Le Soleil trône en Scorpion, comme Vénus au milieu de la Maison VI, donc acuité de l’intelligence et du sens critique, mais aussi sensibilité douloureuse et santé fragile. Mars et Mercure en Sagittaire marquent le combattant de l’esprit. Mais c’est surtout le caractère « saturnien » (le retrait en soi, la sévérité, la sagesse) qui apparaît dans le fait que les cuspides des Maisons VIII et IX (respectivement l’initiation et la philosophie) sont en Capricorne avec Saturne en Cancer au trigone du 3 Soleil et de Vénus et au sextile de Neptune en Taureau. Les aspects de tension ne manquent pas - opposition Mercure-Pluton, carré Lune-Uranus, carré Saturne-Jupiter - qui expliquent les luttes, les déchirements et les combats contre les « idées reçues ». La santé de l’enfant se révèle aussitôt fragile. Quand il a sept ans, son père installe sa famille sur la rive droite, entre la rue de Foix et le quai du même nom dans cette maison qui devait être plus tard pour lui le « lieu privilégié ». Sa tante, Mme Duru, institutrice, commence à l’instruire à domicile. A douze ans, il entre dans un établissement religieux qui servait aussi de petit séminaire dans la partie haute de la ville de Blois. En janvier 1901, René Guénon, qui a alors quatorze ans, entre en rhétorique au Collège Augustin-Thierry et uploads/Religion/ 1974-lumiere-de-rene-guenon-texte.pdf
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- Publié le Oct 24, 2021
- Catégorie Religion
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