- 55 - l me plaît que l’action de grâces domine tout autre sentiment, écrivait

- 55 - l me plaît que l’action de grâces domine tout autre sentiment, écrivait le Père Berto à l’une de ses correspondantes. Nous sommes si portés à nous plaindre de ce qui nous manque, si peu à remercier de ce que nous avons reçu, et même à le remarquer. Saint Paul pourtant recommande assez aux chrétiens de penser à la prière de reconnaissance : Grati estote ! Soyez pleins de reconnaissance. » Sans doute n’est-il pas inutile d’approfondir cet aspect primordial de notre Foi pour nous rendre capable de témoigner, par tout notre être, de la joie d’être sauvés. Après avoir analysé d’où procède la reconnaissance et ce que sont les vertus de gratitude, nous nous efforcerons de voir comment la prière d’action de grâces qui s’épanouit dans le culte liturgique – Deo gratias ! – s’étend à toute notre vie. Cela est possible, nous le verrons, grâce à l’Eucharistie, action de grâce par excellence. Oui, si « tout est grâces », comme le disait sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, alors, « croire en Dieu, c’est vivre dans l’action de grâces ». (CEC n°224 Cf Col III 15 ) La gratitude (ou reconnaissance) et l’action de grâces Qu’est-ce que la gratitude ? La gratitude ou la reconnaissance est une vertu, c'est-à-dire un bon pli pris par l’âme, une disposition à bien agir. Pour la définir, saint Thomas cite Cicéron : « C’est la volonté de rétribuer autrui en souvenir des bons offices de son amitié ». (IIa IIa2 Q80) La gratitude regarde non pas les grands bienfaits comme le don de la vie, l’éducation, qui en toute justice motivent la vertu de piété, mais les bienfaits particuliers, ces cadeaux amicaux accordés à titre privé qui témoignent d’une spéciale bienveillance à notre endroit. Contrairement à la stricte justice, elle dépasse le champ des « dettes légales » pour s’étendre à quiconque nous a rendu service à titre privé et particulier. « Dans notre langue française, la signification du mot « reconnaissance » est fort belle et très expressive. Chez nous, remercier, rendre grâce, c’est reconnaître. Il y a là un travail d’idées vraiment très beau. " On reconnaît ", c’est plus vaste que la simple gratitude. On reconnaît non seulement l’acte bienveillant, mais le sentiment dont il procède, et de plus la qualité du bienfaiteur, la supériorité de la personne qui a bien voulu faire acte pour nous. La reconnaissance, c’est le sentiment qui affecte le cœur en face de la qualité de la personne bienfaisante, en face des aspirations qui ont dicté le bienfait ; c’est le sentiment, et de la distance entre le donateur et celui qui reçoit, et de la bonté de celui qui donne et de la valeur du don. Notre mot français dit tout cela. " C’est l’acte de l’intelligence mis à la base des sentiments du cœur. » ( P. Clerissac. La lumière de l’Agneau p 26) Un bienfait procédant de la bonté du bienfaiteur ne peut pas ne pas provoquer la reconnaissance, ( d’où l’une des acceptions du mot " grâce " comme remerciement ou La gratitude et l’action de grâce «I Association Notre Dame de Chrétienté - 56 - reconnaissance dans l’expression rendre grâces, par exemple ). On ne saurait se contenter de savoir gré au bienfaiteur de ses largesses, on cherche à lui manifester cette gratitude et à le payer en retour. C’est une dette dont on s’acquitte : on rend bienfait pour bienfait. C’est d’ailleurs une exigence du droit naturel. Sophocle disait déjà : « Une faveur engendre toujours la gratitude. Celui qui laisse se perdre la mémoire d’un bienfait ne peut passer pour être d’un bon sang. » (Ajax 522). Et Jésus, dans l’Évangile, affirme que c’est une donnée de la conscience. Par exemple, il relève le sans-gêne, l’ingratitude des neuf lépreux guéris : « Est-ce que les dix n’ont pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? Il ne s’est trouvé que cet étranger pour venir rendre gloire à Dieu. » (Luc XVII, 17-18). Il fait remarquer aussi que celui à qui on remet une dette plus lourde se doit de montrer plus de reconnaissance à son bienfaiteur. (Luc VII, 40-43) A vrai dire, ces sentiments ne sont pas si communs, et le livre de la Sagesse constate que « les hommes se divisent en reconnaissants et en ingrats » (Sag XVI, 29). La gratitude est bien une vertu, une habitude de l’âme acquise par la répétition d’actes bons. Là est tout le travail de l’éducation. Comment donc acquérir une âme reconnaissante ? Comment exprimer au mieux sa gratitude ? Il faudra tout d’abord cultiver une certaine délicatesse des sentiments, une sensibilité à la générosité d’autrui. Car la reconnaissance naît de l’étonnement, de l’émerveillement d’être aimé et comblé . En effet, le bienfait est "gracieux", c'est-à-dire que rien n’obligeait à le donner. (cf P. Spicq Théologie morale du N.T. T1 p 133 ) Celui qui prend conscience, dans l’émerveillement, du bienfait dont il est gratifié, le reçoit avec empressement. Cet accueil est déjà une forme de reconnaissance. Sénèque écrivait : « Veux-tu rendre un bienfait ? Commence par le recevoir de bon cœur. » Et ailleurs : « Celui qui a reçu avec reconnaissance a déjà fait son premier paiement. » Il faut encore garder en mémoire ce bienfait, pour pouvoir exprimer sa reconnaissance un peu plus tard, au bon moment, sans trop d’empressement, mais aussi sans tarder. Enfin, la gratitude va se traduire, pratiquement, en une volonté de reconnaître par des services spontanés le don qu’on nous a fait. En effet, elle ne veut pas être contrainte et cherche à s’acquitter librement, de tout cœur. Comme on ne peut pas toujours rendre l’équivalent de ce qu’on a reçu, on s’efforce de faire de son mieux et même de rendre plus qu’on a reçu. « Si la reconnaissance est inférieure ou égale au bienfait reçu, elle semble n’acquitter qu’une dette. Aussi la reconnaissance pour un don doit toujours tendre à la surpasser », dit saint Thomas (IIa IIae Q106). Ce trait psychologique d’affectueuse et cordiale reconnaissance et de spontanéité se retrouvera dans les vertus de piété et de religion, se mesurant à la gratuité de l’amour qui a présidé aux dons reçus. Saint Thomas identifie soigneusement la palette des vertus de la reconnaissance. Après la gratitude qui s’exerce envers le bienfaiteur, le respect s’adresse aux personnes qui travaillent au bien de la société et détiennent à ce titre une autorité ; quant à la piété, elle regarde nos parents à qui nous ne pourrons jamais rendre le don inestimable de la vie et de l’éducation .Enfin, Dieu est notre premier et principal Bienfaiteur, et c’est la vertu de religion qui nous permet d’exercer l’action de grâces regardant en Dieu le Premier Amour. Association Notre Dame de Chrétienté - 57 - L’action de grâces Rendre bienfait pour bienfait, voilà qui est bien impossible envers Dieu, si nous regardons sa perfection plénière à qui rien ne peut être ajouté. Aussi, remercier Dieu prendra la forme de la louange et du culte. Glorifier Dieu, c’est L’acclamer et Le reconnaître pour ce qu’Il est, et donc Lui restituer ce qui Lui est dû, par l’adoration de sa majesté et de sa puissance ; c’est Le louer comme donateur bienveillant ; ce sera aussi se soumettre à Lui. Pour nous hommes, le premier don de Dieu est celui de la Création. Notre merci au Créateur ne saurait être prononcé une fois pour toutes. Ce doit être une continuité de reconnaissance et d’adoration, envers celui de qui on reçoit à tout instant ses minutes et ses journées avec tout leur contenu d’être. Puisque l’être nous est donné, ce don gratuit et fondamental doit nous inciter non seulement à l’humilité et à la reconnaissance, mais aussi à la confiance. Il y a une logique de Dieu : ce qu’Il commence, c’est pour l’achever, et lorsqu’Il fonde, c’est pour construire. La prière de l’Ancien Testament, comme celle de la Liturgie de l’Église, n’est qu’un cri pour rappeler à Dieu ce qu’Il a fait pour nous et en augurer ce qu’Il doit faire encore, pour l’en requérir même, si l’on peut ainsi parler. S’Il nous a tirés du néant, ce n’est pas pour nous replonger dans le néant. Bénéficiaires de sa Création, nous sommes ouverts à sa grâce, et l’Espérance n’est en nous qu’une Foi anticipée en l’achèvement de ses dons. Venez Esprit Créateur Visitez les âmes qui sont vôtres Remplissez de votre grâce céleste Les cœurs que Vous avez créés. L’Incarnation de Notre Seigneur se situe dans cette merveilleuse logique de notre Dieu qui, « nous ayant créés d’une manière admirable, nous rachète d’une manière plus admirable encore », partageant notre humanité et nous élevant à la gloire et à l’amitié de sa divinité. « Le christianisme est grâce ; c’est la surprise d’un Dieu qui, non content de créer le monde et l’homme, s’est mis à la hauteur de sa créature et ‘après avoir à maintes reprises et sous maintes formes parlé par uploads/Religion/ 2006-la-gratitude-et-l-x27-action-de-grace-institut-des-dominicaines-du-st-esprit.pdf

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  • Publié le Sep 12, 2022
  • Catégorie Religion
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