Venance Grumel Recherches récentes sur l'iconoclasme In: Échos d'Orient, tome 2

Venance Grumel Recherches récentes sur l'iconoclasme In: Échos d'Orient, tome 29, N°157, 1930. pp. 92-100. Citer ce document / Cite this document : Grumel Venance. Recherches récentes sur l'iconoclasme. In: Échos d'Orient, tome 29, N°157, 1930. pp. 92-100. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_1146-9447_1930_num_29_157_2633 (Κ) Recherches récentes sur l'iconoclasme Parmi les études récemment parues sur l'iconoclasme, celle de M. Ostro gorsky, malgré des points faibles, est la plus compéhensive en résultats. Le premier devoir de tout historien est d'inventorier les sources qui intéressent la période ou l'ensemble d'événements qu'il étudie. S'il s'agit d'une lettre doctrinale, il sera indispensable de recueillir avec soin les théories et arguments présentés" de part et d'autre. La tâche ne laisse pas que d'être quelquefois malaisée. Quand la querelle est née, s'est développée, a pris fin dans l'intérieur d'un empire, la grande difficulté est d'entendre la voix du parti vaincu. C'est le cas-de l'iconoclasme : la victoire de l'o rthodoxie entraîna la destruction de tous les écrits hérétiques. L'on ne peut douter, certes, de ce qui faisait le fond de l'hérésie : mais les nuances, mais les développements et variations, mais les arguments ne nous sont connus qu'indirectement, à travers les réfutations des orthodoxes. Heu reux sommes-nous donc quand ceux-ci nous mettent en contact direct, soit avec les documents officiels destinés à imposer l'erreur, soit avec des citations textuelles des docteurs de la secte. Le plus célèbre des documents ainsi transmis, et longtemps aussi le seul connu ou remarqué, est Voros ou définition du concile iconoclaste de 754 (c'est la date adoptée par l'auteur), citée et réfutée par les Pères du IIe Concile de Nicée (787). Si important qu'il soit, il ne saurait suffire à nous donner une connaissance complète de tout le développement de l'hérésie, mais représente en quelque sorte son apogée doctrinal. Pour obtenir une vue d'ensemble, il faut y joindre les citations de saint Nicé- phore. Celui-ci, dans ses Antirrhétiques, a pris à tâche de réfuter, lemme par lemme, certains écrits iconoclastes. Cette source de premier ordre, fort peu d'historiens l'on exploitée, et aucun à fond. M. Ostrogorsky reprend cette étude parla base, et en y faisant converger les données fournies par les historiens et les hagiographes, essaie de projeter de nouvelles lumières, sur les doctrines et les tendances diverses du mouvement iconoclaste. Son travail comprend trois dissertations : 1. L'écrit de Constantin V contre la vénération des images et le premier concile iconoclaste. 2. Le deuxième concile iconoclaste. 3. Les écrits du Pseudo-Épiphane (2) contre la vénération des images. Nous allons les analyser successivement. 1. L'écrit de Constantin V contre les images. — Cet écrit se lit par fragments dans le Ier et le IIe des Antirrhétiques de saint Nicéphore publiés par Mai et reproduits dans la Patrologie grecque. M. Ostrogorsky les (1) Studien zur Geschichte des byzantinischen Bilderstreites. Breslau, M. et Ν. Marcus,. 1929, in-8°, 114 pages. (2) Cette expression, qui renferme déjà un jugement,, est de nptre auteur. RECHERCHES RÉCENTES SUR l'iCONOCLASME rassemble ici pour la première fois. Il y trouve, d'après l'indication même de Nicéphore, P. G., col. 32Ο, A, deux parties distinctes dénommées πεύσεις. Il relève aussi que l'écrit de Constantin n'est pas cité intégralement. Dans le souci de faire œuvre critique, le texte de Migne a été contrôlé d'après le ms. Coisl. g3, et amélioré par endroits. Le parfait eût été de collationner le manuscrit même utilisé par Mai. Par l'examen du contenu, M. Ostrogorsky reconnaît à chaque πεΰσις un objet propre. Dans la première, l'impérial théologien, érigeant en prin cipe que l'image est con.substantielle à son prototype, déclare impossible de peindre le Christ à cause de ses deux natures inséparables. Le tenter, c'est vouloir circonscrire la nature divine incirconscriptible. Que si l'on déclare ne peindre que la chair du Christ, c'est alors établir en elle une personne propre et distincte, ce qui introduit quatre personnes dans la divinité, ou bien, c'est en faire la chair d'un pur homme, c'est ôter la nature divine au Christ et faire de lui une simple créature. Une image du Christ doit ou circonscrire la nature divine ou séparer les deux natures inséparables. De toute façon elle ruine le dogme de Γάσύγχυτος ίέ'νωσις. La deuxième πεΰσις développe que la seule véritable image du Christ est le mystère du pain et du vin consacrés au corps et au sang de Jésus- Christ; voilà l'image que le Christ a léguée à son Eglise. Constantin V proteste ensuite par serment qu'il n'est pas l'ennemi du Christ que ses adversaires proclament. Il termine en invitant ceux à qui il s'adresse à se prononcer sur les autres images que celle du Christ. M. Ostrogorsky n'a pas de peine à prouver que ces deux πεύσεις sont bien de Constantin V dont l'activité littéraire est du reste attestée par ailleurs. Mais quel est le caractère de cet écrit? Est-ce un libelle de pro pagande? Le titre de πεύσεις pourrait le faire croire. Mais notre critique relève l'épithète que lui attache Nicéphore : Τα τής προτέρας πεύσεως, μάλλον δε προστάξεως. C'est un ordre plutôt qu'une exhortation. Ne serions-nous point devant une action préparatoire au concile de 754,. traçant une ligne de conduite à l'assemblée des Pères iconoclastes? Et de fait, la définition du concile reflète assez bien la théologie impériale. On y rencontre les mêmes jugements sur l'impossibilité de peindre le Christ,, la même affirmation que la seule vraie image du Christ est dans la sainte Cène. C'est même le point de vue christologique qui forme le centre de Yoros de 754, qui dès lors apparaît comme un écho des πεύσεις de Cons tantin. Ce point de vue christologique n'est point absolument nouveau : il apparaît déjà dans la première période de l'iconoclàsme : ce qui est nouveau, c'est qu'il devient le centre de la controverse. Dès lors, l'écrit de Constantin revêt une importance exceptionnelle, il est un tournant, un Wendepunkt, de l'iconoclàsme. Plus importante encore est cette autre conséquence que M. Ostrogorsky croit pouvoir tirer de ce même écrit. Il y voit une tendance marquée au monophysisme. Les preuves sont peut- 94 échos d'orient être un peu trop poussées. Il en faut retenir seulement le fait que pas une seule fois l'auteur n'emploie l'expression έν δύο φύσεσιν alors que par deux fois il se sert de la formule έκ δυο φύσεων. Ι/έ'νωσις μία et le •πρόσωπον Ιν ne sont point, selon nous, assez caractérisques, et de plus notre critique ne semble pas avoir remarqué ce passage : επειδή καί ετέραν άϋλον φύσιν συνηνωμένην τγι σάρκι έχει, και μετά των δύο φύσεων εκείνων εις υπάρχει, (ι) dont la saveur est plutôt chalcédonienne. Cette ten dance monophysite qu'il dénonce en Constantin V, M. Ostrogorsky nous la montre attestée clairement par Michel le Syrien qui en fait honneur à cet empereur. Cette vue amène le savant professeur à voir dans la rédaction de Yoros de 754 une mise au point doctrinale des πεύσεις de Constantin dans le but d'éviter toute apparence de lien avec une hérésie si unanimement réprouvée, mais le canevas impérial fut exécuté dans ses traits essentiels. Pour n'être point trop long, je passe sous silence, malgré les intéressantes conclusions de détail qu'il renferme, l'exposé de M. Ostrogorsky sur l'attitude hostile de Constantin V au sujet du culte de la Vierge et des saints. 2. Le concile iconoclaste de 8i5. — On se souvient comment D. Serruys, que les questions vitales des temps présents ont ravi aux problèmes du passé, a publié, d'après les citations de l'Antirrhétique inédit de saint Nicéphore, Yoros du deuxième concile iconoclaste (2). Un examen plus attentif des deux manuscrits de Paris qui contiennent cet Antirrhétique, a permis à notre critique de remarquer des lacunes considérables dans la publication de D. Serruys, nécessitant une nouvelle édition. Elle nous est donnée p. 48-51 et forme comme longueur le double de celle de son devancier. M. Ostrogorsky rappelle comment ce concile, au témoignage de l'an onyme Vita Leonis Armeni (3), fut préparé par les recherches de Jean Morokharsianos et Antoine de Pergé dans la littérature patristique, et comment le patriarche saint Nicéphore refusa de s'y prêter, fut déporté clandestinement et remplacé par. Théodote qui tint le concile projeté. Quant au contenu de Yoros, il consiste principalement dans une confi rmation du premier concile iconoclaste. Seulement, et on peut mesurer par là le terrain gagné par les iconophiles, Yoros a fortement estompé l'accu sation d'idolâtrie : on consent à ne plus donner le nom d'idoles aux icônes: les accusations de nestorianismeet de monophysisme ont disparu. Toutefois le point de vue christologique n'est point absent : on accuse ceux qui peignent le Christ ou de circonscrire la divinité incirconscriptible ou de séparer la chair du Christ de la nature divine. Quant aux images (1) Ostrogorsky, p. 8, πεϋσις I, -n* 5. (2) Mélanges d'archéologie et d'hisloire (Ecole française de Rome), t. XXIII (I9o3), p. 34.5-351. (3) P. G., t. CVIII, col. 1028 sq. RECHERCHES RÉCENTES SUR L ICONOCLASME Cp des saints, elle sont un opprobre pour eux : c'est mettre dans une matière vile ceux qui sont dans la gloire. Si la persécution est uploads/Religion/ iconoclasm.pdf

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  • Publié le Mar 28, 2021
  • Catégorie Religion
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