Émir' Abd Al-Qâdir Al-Jazâ'irî LE LIVRE DES HAL TES ToMEI Kitâb al-Mawâqif Trad

Émir' Abd Al-Qâdir Al-Jazâ'irî LE LIVRE DES HAL TES ToMEI Kitâb al-Mawâqif Traduction, introduction et annotation Max GIRAUD ALBOURAQ « Nous n'avons rien omis dans le Livre» (Cor. 6, 38). Transcription des lettres arabes Nous adoptons une transcription simplifiée. Pour les cita- tions nous respectons les transcriptions des auteurs. Lettre arabe Transcription ' '° 1 a/â u b ü t G th ~ i L h t kh .) d ~ dh ) r i z ),.1 ç ~ sh ),.1 [ JO s ,JO d .,6 t Jb z t ' f gh L9 f L9 q er k J l f' m 0 n c h .9 w/û i.S y/î INTRODUCTION La vie de l'Émîr 'Abd al-Qâdir al-Jazâ'irî (Abd el-Kader l' Algérien), sous le rapport des faits historiques, est depuis longtemps assez bien connue, quoiqu'elle comporte encore certaines zones d'ombre sur lesquelles les historiens disputent âprement selon leurs préoccupations personnelles, voire leurs préjugés. Par exemple, le point de vue qui tend à enfermer l'Émîr dans un rôle exclusif de résistant à l'occupation française pour le présenter, dans une perspective nationaliste, avant tout comme le fondateur de l'état algérien moderne, comporte de graves limitations, et oblige ceux qui s'y attachent à des dis- torsions de la réalité par trop flagrantes1• D'autres, sans doute gênés par l'engagement de l'Émîr dans le Soufisme, par la har- diesse de ses intuitions et de ses expressions, en sont venus à mettre en cause l'attribution du Kitâb al-Mawâqifà ce Maître". Du fait de l'abondance des études historiques concernant la vie de l'Émîr, nous ne nous préoccuperons pas ici de cet aspect. 1 - Il n'est probablement pas inutile de rappeler que le "nationalisme" « est tout à fait incompatible avec les conceptions fondamentales de l'Islam » (René Guénon, Orient et Occident, 1ère partie, chap. 4), tout "nationalisme" étant de plus « nécessairement opposé à l'esprit traditionnel » (René Guénon, La Crise du Monde moderne, chap. 8). 2 - Leurs thèses ont été réfutées facilement par Abdelbaqî Meftah dans l'ouvrage commun Abd el-Kader, un spirituel dans la modernité, publié sous la direction d'Éric Geoffroy (Éd. Albouraq, Beyrouth, 2010). . 8 LE LIVRE DES HALTES INTRODUCTION 9 métaphysique de l'Émîr. Cette attention se remarque chez des auteurs dont le rattachement au Soufisme résulte principale- ment, à un degré ou à un autre, de l'influence exercée sur eux par l' œuvre de René Guénon et, pour certains, de leur contact direct avec Michel Vâlsan. L'étude du Livre des Haltes permet d'apprécier l' extraordi- naire affinité entre les doctrines exposées par l'Émîr et celles provenant de Muhyî al-Dîn Ibn 'Arabî, appelé aussi Al-Shaykh al-Akbar, "Le plus grand Maître'". Il faut entendre le terme d"'affinité" au sens fort et "technique", car il ne s'agit pas ici de référence purement mentale, mais bien d'un lien spirituel direct, vivant et vivificateur, entre un "maître" et un "disciple", fût-ce à travers les siècles. Ce point a été mis en valeur par Michel Chodkiewicz dans l'introduction à sa traduction, ce qui nous dispense d'y revenir7• L'apport d'Ibn 'Arabi inclut en outre, chez l'Émîr, la réfé- rence constante aux écrits laissés par de nombreux maîtres de l'école dite "akbarienne". Certains sont cités nommément8, mais il arrive que des extraits de leurs œuvres soient repris direc- tement, sans référence nominale, et intégrés dans une "Halte". Dans ce domaine, il faut ajouter aussi que les citations des Mawâqif renvoyant à des passages des œuvres d'Ibn 'Arabi sont parfois imprécises, et les textes tirés notamment des Futûhât al-Makkiyyah ne coïncident pas tout à fait avec ceux reproduits dans les éditions successives de cet ouvrage et les manuscrits, ce qui s'explique vraisemblablement par les particularités d'un enseignement avant tout oral dont sont nées les Mawâqif. Chez l'Émîr, comme chez Ibn 'Arabi où c'est encore plus flagrant, il n'y a pas uniformité absolue dans la présentation Nous indiquerons cependant que la destinée remarquable de l'Émîr - contemplatif engagé dans l' action3 - mériterait cer- tainement une étude symbolique reliant les événements de son histoire à ceux de la vie du Prophète de l'Islam, qui était son parent et son modèle, ou à la vie de prophètes antérieurs4• On y trouverait aussi sûrement des correspondances rattachant sa figure à celles de personnages transhistoriques ou mythiques, expressions d'archétypes éternels. Notre intérêt pour l'Émîr concerne ce que l'on doit consi- dérer comme l'essentiel, à savoir la doctrine et les implica- tions initiatiques de ses écrits : à travers eux, il apparaît, sans la moindre hésitation, comme l'une des plus hautes autorités, sous le rapport de la réalisation métaphysique5• Le présent travail s'inscrit dans un "courant" qui se développe seulement depuis quelques décennies en Europe, et qui se manifeste par un intérêt véritable pour les écrits initiatiques et la doctrine 3 - Son type spirituel, pendant la partie "combattante" de sa vie, alors que tout jeune déjà il avait une vocation contemplative, n'est pas sans rappeler celui de certains Templiers ou membres d'ordres monastiques militaires du moyen âge chrétien dont la vocation première était précisément la contemplation, mais qui, du fait des circonstances, furent amenés à prendre les armes. On trouve un écho de ce dilemme dans plusieurs lettres de saint Bernard de Clairvaux. 4 - Ainsi Michel Chodkiewicz a-t-il relevé l'impression "christique" que l'Émîr faisait à ses visiteurs (Écrits spirituels, p. 16, Éd. du Seuil, Paris, 1982). Charles- André Gilis, quant à lui, a montré la relation qu'il avait avec une réalisation et une fonction de type "abrahamique" (Poèmes métaphysiques, p. 17, Éd. de l'Œuvre, Paris, 1983). Ces deux points de vue ne sont d'ailleurs pas incompatibles puisqu'un même initié peut réaliser des types de sainteté relatifs à des Prophètes ou des Envoyés différents. Sur cette question, on se reportera au chap. 176 des Futûhât al-Makkiyyah d'Ibn 'Arabî : « Les états des initiés au moment de leur mort» (trad. Michel Vâlsan, Études Traditionnelles, 1964, n° 386). De son côté, l'Émîr déclare lui-même dans le poème 4 : « je suis le moïsiaque et l'ahmadien en tant qu 'héritier. » 5 - Sur sa qualité d'homme de réalisation spirituelle, nous renvoyons le lecteur à l'excellente présentation faite par Michel Chodkiewicz dans son introduction des Écrits spirituels. Le livre récent d'Ahmed Bouyerden, Abd el-Kader, L'harmonie des contraires (Éd. du Seuil, Paris, 2008), peut apparaître comme un bon compromis entre la présentation historique de l'Émîr et les aspects spirituels du personnage. 6 - Pour sa vie et son œuvre, cf Claude Addas, Ibn 'Arabî ou la quête du Soufre Rouge, Gallimard, Paris, 1989. 7 - Pages 27-37; cf aussiAhmed Bouyerden, op. cit., pp. 165-174. 8 - C'est le cas fréquent de 'Abd al-Karîrn al-Jîlî. 10 LE LIVRE DES HALTES INTRODUCTION II doctrinale, et l'on peut être surpris de constater des différences parfois importantes dans le traitement des sujets qui résistent à toute présentation "systématique". Ainsi, les degrés de la Réalité, ses "autodéterminations", si l'on veut, ne reçoivent pas toujours le même nom. Il peut arriver aussi qu'un même nom soit donné à des degrés différents. Il est donc nécessaire de rechercher la raison de ces apparentes anomalies ou contradic- tions. Nous aurons l'occasion d'approfondir ce point dans nos traductions futures. Il nous faut répéter, après ceux qui en ont déjà fait la remarque, que l' œuvre de l'Émîr est une excellente "prépara- tion" à l'étude d'Ibn 'Arabi, celle-ci étant plus difficile à com- prendre, pour de multiples raisons que nous ne pouvons songer à expliquer ici. Cependant, 'Abd al-Qâdir ne se contente pas de compiler servilement les textes de son illustre Maître; il s'exprime incontestablement à partir d'une réalisation spiri- tuelle personnelle assistée intérieurement et formellement par !"'esprit" du Shaykh al-Akbar. Son langage est plus proche du nôtre, et il a, par ailleurs, bénéficié des travaux de synthèse de ses prédécesseurs9• Notre annotation s'appuiera autant que possible sur des références à Ibn 'Arabi'" et aux maîtres de son "école", et l'on peut sans hésitation compter parmi eux Michel Vâlsan, Shaykh Mustafâ 'Abd al-'Azîz, premier traducteur et commentateur compétent des œuvres du Shaykh al-Akbar en langue occiden- talc!', qui bénéficia, comme l'Émîr, d'une véritable affinité et d'un lien spirituel direct avec "le plus grand Maître" : lors d'un "événement" spirituel, il est resté trois jours et trois nuits "cœur à cœur" avec le Shaykh al-Akbar12• Il sut, grâce à sa position de confluence entre l' œuvre d'Ibn 'Arabi et celle de René Guénon, faire ressortir de l'imposant corpus akbarien, entre autres, les thèmes cruciaux indispensables à la connaissance doctrinale couplée au cheminement initiatique, pour le plus grand profit de ceux qui, à un degré ou un autre, ont reconnu sa fonction dans ces deux ordres. Ce fait, à lui seul, et au vu de l'immensité de l'océan des sciences délivrées par le Shaykh al-Akbar, révèle l'inspiration dont bénéficiait Michel Vâlsan. Michel Chodkiewicz, dans son introduction aux Écrits spi- rituels de l'Émîr, a fait ressortir le thème de « !"'universalité" akbarienne » présente aussi chez 'Abd al-Qâdir. Charles-André Gilis, à la fin de son introduction aux Poèmes métaphysiques, est revenu sur le sujet en insistant sur uploads/Religion/ abd-al-qadir-al-jaza-x27-iri-livre-des-haltes-tome-1-trad-max-giraud.pdf

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  • Publié le Oct 14, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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