— — 1 Écrits anciens concernant Ibn Taymiyya H. Le mémento d’al-Wāsiṭī ‘Imād al
— — 1 Écrits anciens concernant Ibn Taymiyya H. Le mémento d’al-Wāsiṭī ‘Imād al-Dīn Abū l-‘Abbās Aḥmad b. Ibrāhīm b. ‘Abd al- Raḥmān b. Mas‘ūd b. ‘Umar al-Wāsiṭī, connu comme « le fils du shaykh des emballeurs » (Ibn shaykh al-ḥazzāmīn), naquit le 11 ou le 12 Dhū l-Ḥijja 657 [29-30 novembre 1259] dans la ville iraqienne de Wāsiṭ et mourut à Damas le 16 Rabī‘ II 711 [1 septembre 711]. Dans la notice nécrologique qu’il lui con- sacre, Ibn Rajab l’appelle « l’ascète (zāhid), le modèle (qudwa), le gnostique (‘ārif)1 ». Fils du shaykh de la confrérie des Aḥma- dīs, il fut éduqué dans le soufisme dès son jeune âge. Il étudia aussi la jurisprudence shāfi‘ite. Des voyages le menèrent suc- cessivement à Baghdād, à La Mecque, au Caire, dans les mi- lieux shādhilites d’Alexandrie et, finalement, à Damas où il devint un membre du proche entourage d’Ibn Taymiyya, étu- dia avec celui-ci et devint ḥanbalite. Il fut à la fois copiste – pour gagner sa vie – et auteur. On lui doit notamment un Com- mentaire inachevé des Étapes des itinérants du célèbre soufi ḥanbalite afghan ‘Abd Allāh al-Anṣārī (m. 481/1089), et un Traité du cheminement initiatique (al-Sulūk wa l-sayr ilā Allāh)2. Le texte traduit ci-dessous fut aussi composé par al-Wāsiṭī, à une date indéterminée mais que C. Bori croit pouvoir situer entre 705/1306 et l’année de son décès3. Traditionnellement intitulé Le mémento, la prise en considération et l’assistance aux pieux (al-Tadhkira wa l-i‘tibār wa l-intiṣār li-l-abrār), c’est une lettre de guidance spirituelle et de louange du théo- logien-muftī adressée à sept autres de ses disciples4, parmi lesquels Ibn Shuqayr et Ibn Nujayḥ. Al-Wāsiṭī s’exprime comme un shaykh soufi à des novices. Il voit dans les destinataires de sa lettre une élite à laquelle il entend rappeler l’importance de ses responsabilités et proposer diverses pratiques spirituelles destinées à en faciliter la mise en œuvre. Ainsi insiste-t-il sur la nécessité de se détacher du monde une heure par jour afin non seulement d’arriver à une connaissance rapprochant de Dieu mais de faire intérieurement l’expérience d’une telle proximité du Prophète que c’est com- me si on vivait à son époque. Ibn Taymiyya lui paraît alors être l’uléma possédant le plus parfaitement une telle connaissance et vivant le plus intensément une telle expérience. D’où la néces- sité, pour ses disciples, d’être bien conscients de ses mérites insignes et de faire de lui leur modèle spirituel. Qu’il s’agisse des théologiens ash‘arites, des ulémas imitant aveuglément les maîtres de leurs rites, des derviches perdus dans les innovations et déviances de leurs shaykhs, des mys- tiques professionnels n’ayant de soufis que le nom, des mem- bres de diverses confréries adeptes de types variés d’unicité de l’existence, de la populace errant dans ses superstitions, des émirs et d’une soldatesque aussi injustes qu’ignorants de la religion, multiples sont pour al-Wāsiṭī les tares dénaturant l’Islam de son époque et il les dénonce avec véhémence. Dans ces ténèbres, Ibn Taymiyya est selon lui une véritable lumière envoyée par Dieu pour réformer l’Islam. Unissant en lui-même 1. IBN RAJAB, Dhayl, t. II, p. 296-297. Sur al-Wāsiṭī, voir aussi C. BORI, Circle, p. 26, 45-46 ; É. GEOFFROY, Traité, p. 83-84. 2. Voir É. GEOFFROY, Traité. 3. C. BORI, Circle, p. 26. 4. Le mémento d’al-Wāsiṭī est analysé, avec une traduction anglaise de deux passages, par C. BORI, Circle, p. 26-29. les deux dimensions, extérieure et intérieure, de la religion, il a une baraka particulière qu’al-Wāsiṭī invite ses disciples à percevoir et dont il espère que, en l’aimant comme leur shaykh, ils pourront eux-mêmes profiter. Al-Wāsiṭī est tellement convaincu de la supériorité d’Ibn Taymiyya qu’il imagine difficilement comment quelqu’un de sensé pourrait le critiquer ou s’opposer à lui : seul quelqu’un de faible intelligence, ou de grand âge, ou de jaloux, tiendrait et ferait circuler un registre des manquements et erreurs du théologien-muftī plutôt que de célébrer les extraordinaires mé- rites de sa pensée et de son action. Le fait est cependant, écrit al-Wāsiṭī, qu’un tel individu semblerait exister, peut-être même parmi les compagnons d’Ibn Taymiyya. Sans citer son nom, il explique dans sa lettre comment le reconnaître, quel comporte- ment adopter à son égard et comment réfuter ses allégations. Il insiste par ailleurs sur la nécessité de faire la part des choses, les Prophètes seuls étant infaillibles et les qualités d’Ibn Tay- miyya incomparablement plus importantes que de telles pecca- dilles. Ce mémento d’al-Wāsiṭī projette un éclairage singulier sur le proche entourage d’Ibn Taymiyya. Il y a d’abord l’évocation de la possibilité de réserves d’un (ou de plusieurs ?) de ses compa- gnons à son égard. Il y a surtout la spiritualisation soufisante, par al-Wāsiṭī, des relations de ces compagnons, et de lui-même, avec le théologien-muftī. L’entourage de ce dernier en devient une sorte de confrérie élitiste invitée à toujours aimer plus pro- fondément l’uléma exemplaire, extraordinaire et doué de baraka qui en est le pôle. Cela dit, on en a aussi divers témoi- gnages5, en tant que théologien-muftī et maître spirituel mili- tant, Ibn Taymiyya fut parfois amené, sur le large éventail et continuum des manifestations possibles d’un lien gourou - secte, à se situer plus près d’un modèle meneur - milice que d’un modèle shaykh - confrérie, l’un n’empêchant d’ailleurs pas l’autre et pouvant même s’y conjuguer. TRADUCTION 6 Au nom de Dieu le Miséricordieux, Qui fait miséricorde. À Dieu la louange ! Glorifié soit Dieu et loué ! Il est sanctifié en Sa hauteur et Sa majesté, et exalté pour ce qui est des attributs de Sa perfection. Il est sublime pour ce qui est des gloires de Sa singularité et de Sa beauté. Il est noble en Sa supériorité et la beauté de Sa faveur. Il est trop majestueux pour être assimilé à une de Ses créatures, ou être embrassé. Lui au contraire est Celui Qui embrasse les choses qu’Il a adven- tées. Les imaginations ne se Le représentent pas et les corps ne Le diminuent pas. Ni les esprits clairvoyants ni les entende- ments n’intelligent la nature de Son essence. La louange au Dieu Qui appuie le réel et l’aide à vaincre, Qui repousse le vain et le brise, Qui rend puissant celui qui obéit et l’assiste, et Qui humilie l’excessif et le néglige, Qui est tel que celui qui assume les fardeaux de la fidélité en ce qu’il bâtit et fonde a le bonheur d’obtenir de se rapprocher de Sa sainteté, et que celui qui dépense ce qu’il aime pour Le rechercher cordia- 5. Voir Y. MICHOT, Textes spirituels, N.S. XXVII, p. 4. 6. Aḥmad b. Ibrāhīm AL-WĀSIṬĪ, Tadhkira, in M. ‘U. SHAMS, & ‘A. b. M. AL-‘UMRĀN (éds), Jāmi‘, p. 109-131 (sigle W). — — 2 lement et sensiblement alors qu’il s’est établi dans les déserts des doutes en attendant que cesse son obscurcissement, réussis- sent à être aimés de Lui dans les domaines de Sa familiarité. Glorifié soit-Il et loué ! À Lui la qualification suprême, la lumière la plus complète, la plus brillante, et la preuve mani- feste dans la Loi la plus parfaite ! Je témoigne qu’il n’y a pas de Dieu excepté Dieu seul, Qui n’a pas d’associé, de l’unicité de Qui [110] témoignent les natures originelles, à la seigneurialité de Qui se soumettent ceux qui possèdent raison et discernement, de Qui les juge- ments apparaissent dans les versets et les sourates, et de Qui le pouvoir se parachève dans la descente du Décret. Je témoigne par ailleurs que Muḥammad – Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! – est Son esclave et Son Messager, du prophétat de qui ont témoigné les hérauts et les doctes, qui était attendu avant son apparition, et de qui les miracles – le gémissement du tronc de palmier et la soumission de l’arbre… – se suivirent l’un l’autre lors de son envoi – les prières de Dieu soient sur lui, sur sa famille et sur ses Compagnons, les gens de la crainte, de la prudence et du savoir illuminé. Ils sont le modèle de qui suit la trace. Ensuite. Ceci est une lettre qu’a écrite le faible esclave qui espère la miséricorde de son Seigneur et Son pardon, Sa générosité et Sa faveur, Aḥmad b. Ibrāhīm al-Wāsiṭī – Dieu le traite ainsi qu’il en est digne ! Il est en effet un homme de piété et digne du pardon –, à ses frères en Dieu, les maîtres, les ulémas et les pieux imāms au savoir utile, au cœur humble, à la lumière diffuse, que Dieu a revêtus du voile de la fidélité et que, je l’espère de Sa générosité, Il fera réaliser les réalités du profit : Le sieur le plus illustre, le savant, l’éminent, l’honneur des traditionnistes, la lampe des dévots, celui qui se dirige vers le Seigneur des mondes, Taqī al-Dīn Abū Ḥafṣ ‘Umar b. ‘Abd Allāh b. ‘Abd al-Aḥad Ibn Shuqayr1, Le shaykh le plus illustre, le savant, l’éminent, l’itinérant, l’ascète (nāsik) possédant le savoir et l’agir, revêtu, en matière d’attributs louables, des habits les plus uploads/Religion/ al-wasi-i-pages-d-x27-quot-al-tadhkira-quot-sur-ibn-taymiyya.pdf
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- Publié le Jan 07, 2023
- Catégorie Religion
- Langue French
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