PRIER AVEC LE PSAUTIER La lettre de saint Athanase d’Alexandrie à Marcellin Int

PRIER AVEC LE PSAUTIER La lettre de saint Athanase d’Alexandrie à Marcellin Introduction et traduction par Sr Pascale-Dominique Nau, OP Texte grec dans Patrologia Graeca, Tome 27, Paris, J.-P- Migne, 1857, pp. 12-45 Pour aliment de sa pensée, le bienheureux Athanase choisit l’Ancien et le Nouveau Testament. Il en médita tous les livres avec plus de soin que jamais personne n’en a médité un seul. A ces habitudes de contemplation se joignirent des trésors de vertu qui augmentaient chaque jour. La science et les mœurs brillaient ainsi chez lui d’un grand éclat et, se fortifiant réciproquement, formèrent cette chaîne d’or dont si peu d’hommes réussissent à tisser le double fil précieux. Grégoire de Nazianze, Discours panégyrique d’Athanase d’Alexandrie, Or. 21,6 4 I. La lettre, sa genèse et son influence Au 4ème siècle, à l’époque du long épiscopat d’Athanase d’Alexandrie, l’Église sentit le besoin de remplacer les hymnes populaires par les psaumes dans la liturgie eucharistique1. Jusqu’à ce moment-là, les fidèles y avaient chanté des hymnes qu’eux-mêmes avaient composés – analogues en quelque sorte aux écrits dits « apocryphes ». Ces textes qui répondaient à certains besoins de fidèles de la jeune Église ne correspondaient malheureusement pas toujours à la « règle de la vérité » – l’unité de la confession de foi et l’interprétation juste des Saintes Écritures2 . Ils 1 Il s’agissait d’une intensification de leur emploi, car les psaumes étaient déjà chantés dans des cérémonies de mariages, des funérailles et lors de célébrations eucharistiques, avec des antiphones – introduites, selon la tradition, par saint Ignace d’Antioche – et chez les moines. De plus, Ambroise de Milan composa des hymnes pour être chantés à l’église et, vers 320, le pape Sylvestre 1er fonda la première école pour la formation des chantres. Beaucoup de cantiques datent de cette époque, remarquables par les paroles mais beaucoup moins par la musique. 2 Cette expression, en latin regula veritatis, vient de saint Irénée de Lyon (2ème siècle), qui en parle 9 fois dans son grand traité Contre les hérésies – Adversus haeresis I, 9, 4 ; I, 22, 1 ; II, 25, 1 et 2 ; 25, 3 ; 26, 1, 2 ; 27, 1 ; 28, 1 ; III, 2, 1 ; 11, 1 ; 12, 6 ; 15, 5 risquaient de déformer la foi3 et, en fait, beaucoup étaient utilisés par des groupes hérétiques. Le Psautier, le livre d’hymnes de l’Ancien Testament, déjà le livre le plus cité par les auteurs du Nouveau Testament, allaient ainsi devenir – et cela jusqu’à nos jours – le livre de la Bible le plus fréquemment lu dans les assemblées liturgiques. Dans ce cadre d’un « recentrage » sur les Saintes Écritures, Marcellin demande à son évêque comment comprendre les psaumes. Athanase lui répond par une lettre qui est une véritable introduction au Livre des Psaumes ou Psautier et à la psalmodie – c’est-à-dire le chant des psaumes – et commence par une citation de saint Paul : « Toute l’Écriture – aussi bien l’Ancien que le Nouveau Testament – est inspirée par Dieu et utile pour 1 ; IV, 35, 4. Voir Alexandre FAIVRE, « Irénée, premier théologien “systématique” ? », Revue des Sciences Religieuses, 65/1-2 (1991), 11-32. 3 Athanase relève ce problème au nº 15 de cette lettre, où il dit du Psautier : « on y trouve des paroles qui peuvent plaire au Seigneur, avec lesquelles on peut se corriger soi-même et rendre grâce au Seigneur, afin de ne pas tomber dans l’impiété, en disant autre chose » (mes italiques). 6 l’enseignement » (2 Tm 3,16.17)4 . C’est une invitation, tout d’abord, à se mettre à l’écoute de Dieu et à se laisser instruire, tant par l’Ancien que par le Nouveau Testament. Mais avec cette citation Athanase annonce aussi trois thèmes clé de la lettre que nous aborderons plus loin : l’inspiration de l’Écriture Sainte, l’interprétation nécessaire à l’instruction et le rôle des psaumes dans la vie du chrétien. Une introduction au Psautier. La lettre à Marcellin a servi depuis le 4ème siècle, parfois en traduction – écrite en grec, on le trouve, par exemple, au début d’un codex (un petit livre) syriaque du précisément 4ème siècle, qui est le premier témoin de son emploi –, comme introduction à diverses éditions du Psautier5. Plus près de nous dans le temps, le pape Pie X a 4 Cf. Rm 15,4 : « tout ce qui a été écrit jadis l’a été pour notre instruction, afin que, par la persévérance et la consolation apportées par les Écritures, nous possédions l’espérance ». 5 Cf. M.-J. RONDEAU, « L’Épître à Marcellinus sur les Psaumes », VigChr 22(1968) 177-178, pour une présentation de la postérité de cette lettre. Je ne répéterai pas ici l’histoire de la transmission et des manuscrits de la lettre, car Rondeau l’a fait magistralement dans cet article cité et il n’y a rien à y ajouter. 7 cité cette lettre de saint Athanase dans sa Constitution apostolique Divino afflatu sur la nouvelle disposition du psautier dans le Bréviaire romain, publié le 1er novembre 1911. Ce texte mérite d’être cité : Les psaumes recueillis dans la Bible ont été composés sous l’inspiration divine. Certes, dès les débuts de l’Église, ils ont merveilleusement contribué à nourrir la piété des fidèles, qui offraient à Dieu, en toutes circonstances, un sacrifice de louange, c’est-à-dire l’acte de foi qui sortait de leurs lèvres en l’honneur de son nom. Mais il est certain aussi que, selon un usage déjà reçu sous la Loi ancienne, ils ont tenu une place éminente dans la liturgie proprement dite et dans l’Office divin. Telle est l’origine de ce que saint Basile appelle « la voix de l’Église », cette psalmodie […] selon saint Athanase, enseigne aux hommes « comment ils doivent louer Dieu et quelles paroles il leur faut employer pour le célébrer ». Puis, le Pape continue avec une observation qui occupe une grande place dans la lettre d’Athanase sur le Psautier et trouve sa confirmation chez saint Augustin : Les psaumes possèdent en outre une étonnante efficacité pour éveiller dans les cœurs le désir de toutes 8 les vertus. « Certes, toute la sainte Écriture, de l’Ancien comme du Nouveau Testament, est inspirée par Dieu et utile pour l’enseignement, ainsi qu’il est écrit ; néanmoins le livre des Psaumes, comme un paradis contenant tous les fruits des autres livres, propose ses chants et ajoute ses propres fruits aux autres dans la psalmodie ». Ces paroles sont encore de saint Athanase, qui ajoute très justement : « Je pense que, pour celui qui chante les psaumes, ils sont comparables à un miroir où il peut se contempler lui-même ainsi que les mouvements de son âme, et psalmodier dans ces dispositions ». C’est pourquoi saint Augustin parle ainsi dans ses Confessions : « Combien j’ai pleuré, en chantant tes hymnes et tes cantiques, tant j’étais remué par les douces mélodies que chantait ton Église ! Ces chants pénétraient dans mes oreilles, la vérité s’infiltrait dans mon cœur que la ferveur transportait, mes larmes coulaient, et cela me faisait du bien6 ». Athanase montrera comment le Psautier à la fois instruit et guide ceux qui lisent ou chantent les psaumes. 6 PIE X, Constitution apostolique « Divino afflatu » sur la nouvelle disposition du psautier dans le Bréviaire romain, Paris, Maison de la Bonne Presse, 1912. 9 Nous avons déjà noté que l’époque à laquelle Athanase écrivit la lettre à Marcellin était marquée par un intérêt particulier pour le Psautier. De cet intérêt témoigne une très grande production de commentaires 7 depuis Origène (185-253 ?) jusqu’à saint Augustin (354-430). 265 - avant 341 : Eusèbe de Césarée (Palestine), Commentaire sur les Psaumes 296 – 373 : Athanase d’Alexandrie, Commentaire sur les Psaumes 313-398 : Didyme l’Aveugle (Alexandrie), Commentaire sur les Psaumes 330-379 : Basile de Césarée (Cappadoce), Homélies sur les Psaumes 7 Pour une liste plus complète voir l’annexe I : Commentaires patristiques des psaumes. Cf. aussi Robert DEVREESSE, Les anciens commentateurs grecs des Psaumes, Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, 1970, coll. Studie testi 264 ; puis Brian E. DALEY – Paul R. KOLBET, The Harp of Prophecy : Early Christian Interpretation of the Psalms, Notre Dame, IND, Notre Dame University Press, 2015. Pour un approfondissement, on peut lire l’analogie dans la collection de Migne « Les Pères dans la foi » : Les Psaumes commentés par les Pères, Traduction et notes d’A.-G. Hamman, Paris, Éditions J.P. Migne, 22014 mais la Liturgie des heures aussi contient de beaux extraits. 10 335-394 : Grégoire de Nysse (Cappadoce), Sermon sur le psaume 67 pour l’Ascension ; Sur les titres des Psaumes 345-407 : Jean Chrysostome (Constantinople), Homélies sur les Psaumes 345-399 : Évagre le Pontique (), Scholies sur les Psaumes 350-428 : Théodore de Mopsueste (Antioche), Commentaire sur les titres des Psaumes † 433 : Hésychius de Jérusalem (Israël), Commentaire sur les Psaumes 380-444 : Cyrille d’Alexandrie, Commentaire sur les Psaumes 380-450 : Pierre Chrysologue (Ravenne), Sermons sur le psaume 94 315-367 : Hilaire de uploads/Religion/ athanase-prier-avec-le-psautier-intro.pdf

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  • Publié le Dec 29, 2022
  • Catégorie Religion
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