Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres L'i

Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres L'inscription punique de Pyrgi James Germain Février Citer ce document / Cite this document : Février James Germain. L'inscription punique de Pyrgi. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 109ᵉ année, N. 1, 1965. pp. 9-18; doi : 10.3406/crai.1965.11792 http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1965_num_109_1_11792 Document généré le 26/02/2018 l'inscription punique de pyrgi . 9 » Le site paraît avoir été abandonné lors de la chute du royaume grec de Bactriane, survenue vers 130 av. J.-C, et n'avoir jamais été réoccupé : la céramique et les fragments architecturaux grecs se trouvent en surface. Cette circonstance ouvre aux chercheurs des perspectives extrêmement prometteuses. En plein accord avec les autorités afghanes la Délégation archéologique française se propose d'entreprendre, dès l'automne de 1965, une grande fouille sur le site de Aï Khanoum ». L'Académie, sur la proposition du Bureau, décide de nommer M. Alfred Merlin secrétaire perpétuel honoraire. L'Académie fixe ainsi qu'il suit les dates pour l'élection d'un académicien ordinaire en remplacement de M. Jules Marouzeau décédé : choix des disciplines le 29 janvier, exposé des titres le 12 février, élection le 19 février. M. James Février communique à l'Académie une inscription punique de Pyrgi en Étrurie. COMMUNICATION L'INSCRIPTION PUNIQUE DE PYRGI, PAR M. JAMES FÉVRIER L'inscription punique qui fait l'objet de cette communication a été trouvée le 8 juillet dernier au cours des fouilles du site étrusque de Pyrgi. Elle est gravée sur une feuille d'or rectangulaire, longue de 19 centimètres et large de 9 ; son épaisseur est d'environ un demi- millimètre. Lors de sa trouvaille elle se présentait sous la forme d'un petit rouleau aplati, qu'on a pu développer sans difficulté majeure et sans dommage. Mais elle était destinée à être exposée sur toute sa surface, puisque les bords de la feuille sont percés de dix trous en vue de sa fixation. On sait que deux autres feuilles d'or, portant des textes étrusques, ont été retrouvées en même temps. Dans cette communication je me tiendrai strictement sur le terrain punique. Les problèmes fort importants soulevés tant du point de vue archéologique que du point de vue de la langue étrusque, échappent à ma compétence. Mon seul but est de fournir aux étrus- cologues une traduction aussi exacte que possible du texte punique. J'ai disposé seulement de la photographie figurant (planche xxxvn) dans le fascicule intitulé Scavi nel santuario etrusco di Pyrgi, que M. Giovanni a eu la grande courtoisie de m' offrir dès sa parution ; mais la photographie est si belle qu'il me paraît inutile, sauf peut- être dans un cas peu important, de se reporter à l'original. L'inscription comprend onze lignes en écriture punique (et non pas néo-punique) extrêmement soignée. Les mots ou les groupes de mots sont séparés par des points, selon le vieil usage phénicien. 10 COMPTES RENDUS DE L ACADEMIE DES INSCRIPTIONS Dans un cas au moins le point est remplacé par une petite barre verticale, pour séparer deux phrases et non plus deux mots. Subtilité grammaticale rare, mais qui se retrouve au milieu du ixe siècle sur la stèle de Mésa, roi de Moab. L'écriture est encore très proche de l'écriture phénicienne ; elle rappelle la graphie de deux inscriptions puniques gravées sur des trônes de pierre (n08 5684 et 5685 du CIS, i) et qu'on attribue aux environs de 500 avant notre ère. Le texte a déjà été étudié par deux éminents sémitisants italiens, MM. Levi délia Vida et Garbini. J'ai pu omettre de les citer aussi souvent qu'il aurait été nécessaire, je les prie de m'en excuser. LR.BT 1 '5 f-l W'S YTN TBRY'- WLNS MLK H. KY$R1' BYKH ZbH Tw- <eÏTRT. 'Rj-fi LMLKY JnT JlJ III RH KRfc &Yf\ Q&K 'Lrt WÎNT »»TY SNT ICM L Ita tnita-lcac . (u.- tam.a.s va- vatttvt u.niola.itxts ■ Qcmia.- Sa. iw.iv . &uXol. Qi^ù.- titt vt£ian.a.s . saH. Ct«.vcaia.J. taxit- ce.- nuLni.sta.6 . duva5 tt-iiantlt . . . jttv <xt-i« tel taux . ax.ita.iv. . d tuUa-i . 5tUXtt. v- «.tat ■ t"m.i a£. . a— t . pu.Cu.rn.yv- de l'inscription LRBT L'STRT *SR QDS *Z *S P'L W'S YTN TBRY* WLNS MLK *L KYSRY BYRH ZBH sms [sic] bmtn' bbt wbm tw k'strt 'rs bdy lmlky snt sls 3 by rh krr bym qbr 'lm wsnt lm's 'lm bbty snt km hkkbm 'L l'inscription punique de pyrgi 11 Traduction. « A la Dame, à Astarté, ce « lieu saint » qu'a fait et qu'a donné T(i)b(e)rie wlns, régnant sur Kisrie, dans le mois du sacrifice du Soleil (ou des Soixante ?), en don, dans le temple et son (= du temple) haut lieu. Parce qu'Astarté a été épousée par ses soins (ou : par lui ?), l'année trois de son règne, dans le mois de Karar, dans le jour de l'ensevelissement (ou : du tombeau ?) de la divinité. Et les années depuis que la divinité (est) dans son temple sont autant d'années que ces étoiles ». Commentaire. Comme on le voit, la traduction que je propose comprend trois parties bien distinctes : 1° une dédicace à Astarté, avec sa date, commémorant l'érection d'un « lieu saint » pour la déesse ; 2° la mention de la célébration du hieros gamos de la déesse, comportant dne autre date ; 3° une indication chronologique relative à l'entrée ue la déesse (c'est-à-dire de sa statue) dans le sanctuaire. 1. La dédicace. — Elle offre peu de difficultés grammaticales ou lexicographiques. Le 'sr qds ou « lieu saint » était vraisemblablement, d'après le contexte, une sorte de chapelle ou de Saint des Saints, comme à Jérusalem, abritant sans doute la statue de la déesse. En akkadien asru signifie « sanctuaire ». Ce terme de « lieu saint » se retrouve dans une inscription carthaginoise (CIS, i, 3779) et précisément à propos d'Astarté. Il s'agit d'une dédicace faite par un certain Saphot, « esclave du temple d'Astarté [dans] le lieu saint ». Il ne s'agit pas, selon moi, de l'ensemble du temple, y compris tout le territoire sacré, le mâqôm : sa mention n'aurait aucun sens dans ce dernier texte. C'est un endroit particulier du temple, saint entre tous. Ce « lieu saint » a-t-il été construit en même temps que le temple et le haut lieu sur lequel celui-ci est édifié ? C'est probable, encore que l'inscription ne le dise pas expressément. J'ai suivi l'interprétation de M. Garbini pour les mots bmtn' ou bmtn « en don » et bmt « haut lieu ». Dans les inscriptions carthaginoises, à la place du mot bmt, on rencontre au moins une fois le mot hr « montagne » (CIS, i, 3914, 1. 4) ; cette « montagne » était entourée d'un péribole. Le suffixe pronominal waw de la 3e pers. sg, qui accompagne le mot bmt, est différent du suffixe yod employé dans le reste de l'inscription, mais il n'y a point lieu de s'en étonner. J'ai montré autrefois qu'il y avait en punique trois formes différentes de ce 12 COMPTES RENDUS DE L* ACADEMIE DES INSCRIPTIONS suffixe : yod, aleph (avec valeur o) et mêm (avec valeur -im). Ma thèse (Revue d'assyriologie, xlvi, 1952) a été adoptée et reprise par le grand grammairien du punique, Joh. Friedrich (ZDMG, 1957, p. 290-292). Nous avons affaire ici à une graphie archaïque pour o ; elle est déjà attestée dans l'inscription de Yehimilk au xe siècle à Byblos. Donc le temple était édifié sur un haut lieu et contenait lui-même le « lieu saint ». Au début de la ligne 2 le démonstratif 'z est écrit avec un aleph prosthétique. G. Levi délia Vida a signalé avec raison cette particularité à Chypre, mais elle se retrouve dans le monde punique et y a persisté jusqu'à l'époque néo-punique (NP 54). La fin du nom de Tiberie, comme celle de Kisrie (= Caere) est écrite en orthographe phonétique. L'emploi de Y aleph comme mater ledionis avec valeur e me paraît être spécifiquement punique, encore que Mark Lidzbarski semble l'admettre en certains cas en phénicien (Ephemeris, n, p. 9-10)1. La transcription punique du mot Tiberie, à savoir T(i)b(e)rie, a beaucoup intrigué M. Pallottino. Dans les deux textes étrusques nous avons defarie, avec un thêta et un f. Le problème est de savoir si nous avons affaire à une véritable transcription phonétique ou à une simple translittération, plus ou moins arbitraire. En tout cas la forme punique implique que le taw n'est pas spirantisé puisqu'il est à l'initiale. Pour le bet je n'ose rien affirmer, mais je serais étonné qu'il l'ait été à aussi haute époque. L'expression mlk *l kysry' « roi sur caere » a embarrassé les commentateurs : la formule « roi sur » (et non pas : « roi de ») pourrait indiquer, suggèrent-ils, que notre Tiberie n'était pas un roi véritable, mais une sorte de « tyran » au sens grec du mot. On peut supposer aussi que mlk est ici un participe « régnant sur Caere », construction très correcte. La date nous est donnée simplement par l'indication du mois uploads/Religion/ l-x27-inscription-punique-de-pyrgi-comptes-rendus-des-se-ances-de-l-x27-acade-mie-des-inscriptions-et-belles-lettres-109-fe-vrier-1965.pdf

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  • Publié le Jan 15, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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