Cahiers de la Méditerranée 72 (2006) La Franc-Maçonnerie en Méditerranée (XVIII
Cahiers de la Méditerranée 72 (2006) La Franc-Maçonnerie en Méditerranée (XVIIIe - XXe siècle) ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Pierre-Yves Beaurepaire Saint-Jean d’Ecosse de Marseille Une puissance Maçonnique méditerranéenne aux ambitions Européennes ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. T oute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Pierre-Yves Beaurepaire, « Saint-Jean d’Ecosse de Marseille », Cahiers de la Méditerranée [En ligne], 72 | 2006, mis en ligne le 17 septembre 2007, consulté le 06 octobre 2013. URL : http://cdlm.revues.org/1161 Éditeur : Centre de la Méditerranée moderne et contemporaine http://cdlm.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://cdlm.revues.org/1161 Document généré automatiquement le 06 octobre 2013. La pagination ne correspond pas à la pagination de l'édition papier. © T ous droits réservés Saint-Jean d’Ecosse de Marseille 2 Cahiers de la Méditerranée, 72 | 2006 Pierre-Yves Beaurepaire Saint-Jean d’Ecosse de Marseille Une puissance Maçonnique méditerranéenne aux ambitions Européennes Pagination de l’édition papier : p. 61-95 1 L’orient marseillais a vu plusieurs centaines de francs-maçons français et étrangers travailler sur les colonnes de ces ateliers au siècle des Lumières. Une découverte archivistique récente, le manuscrit 6692 de la Bibliothèque municipale Ceccano d’Avignon, a permis d’établir qu’au mitan du siècle la loge Saint-Jean de Jérusalem d’Avignon correspond avec deux actifs ateliers marseillais : Saint-Jean de Jérusalem et Saint-Jean des Elus de la Fidélité 1. Le retour des fonds d’archives russes (dits du KGB) du Grand Orient de France ouvre également des pistes encourageantes 2. Pourtant, force est de constater que Marseille n’a pas bénéficié de l’attention des historiens de la Franc-maçonnerie des Lumières au même titre que Toulouse, Lyon ou Strasbourg. On s’explique mal cette lacune historiographique tant le prestige et le rayonnement de la loge mère écossaise de Marseille, Saint-Jean d’Ecosse, sont grands. Cette loge à l’envergure méditerranéenne – elle essaime dans tout le bassin – et aux ambitions européennes et coloniales – elle déploie sa stratégie succursaliste et ses réseaux de correspondance jusqu’aux Iles – est l’archétype des puissances maçonniques territoriales qui combattent les prétentions des Grandes Loges à se poser en obédiences « nationales » souveraines dans leurs ressorts respectifs – définis sur les bases des frontières politiques. Farouches défenseurs de l’essence cosmopolite et libre de l’ordre maçonnique, elles mettent en place d’audacieux dispositifs réticulaires pour asseoir leurs positions à la tête d’un ensemble de loges filles et amies qui maillent l’espace européen, méditerranéen et colonial. Il était donc utile dans ce volume de présenter le dossier de Saint-Jean d’Ecosse et d’inciter la communauté des chercheurs qui s’intéressent à l’histoire de la Franc-maçonnerie, de la sociabilité des Lumières, aux réseaux négociants, à travailler à une meilleure connaissance de l’orient marseillais. 2 Au XVIII e siècle, Marseille fait figure d’archétype du grand port cosmopolite. Les négociants originaires de Saint-Gall ou de Genève, solidement installés depuis le XVII e siècle, y rencontrent leurs confrères allemands, mais aussi danois et hollandais. Tous concurrencent des Génois en net repli par rapport à leur position hégémonique du XVI e siècle, à l’image des Levantins qui assuraient traditionnellement le trafic avec les Echelles. Désormais, Marseille ne limite plus ses ambitions commerciales au bassin méditerranéen. En s’ouvrant au commerce des Iles, le port acquiert une dimension mondiale. Ses négociants ne participent pas au juteux trafic du bois d’ébène, mais ils jouent les premiers rôles dans les échanges de produits tropicaux, notamment ceux du sucre et du café, dont ils assurent la redistribution en direction des marchés de l’Europe continentale et des rives de la Baltique. L’horizon du port phocéen se dilate donc, des projets d’ouverture d’une nouvelle route des Indes orientales, et de liaisons régulières avec les rives de la Mer Noire sont ébauchés. 3 Naturellement, ce dynamisme renouvelé se nourrit de flux migratoires, en même temps qu’il les suscite. Marseille est une sorte de pompe aspirante pour les masses laborieuses du littoral et de l’arrière-pays méditerranéen, en même temps qu’une destination de choix pour les ressortissants du monde du négoce en quête de profits et d’ascension sociale. Or, si les étrangers à Marseille sont à présent bien connus, principalement grâce aux travaux de Charles Carrière d’abord, de Pierre Echinard et Emile Temime ensuite, leur adhésion aux foyers de la sociabilité locale, qui revêt majoritairement la forme d’une entrée en Franc- maçonnerie, n’a pas été étudiée 3. On relève seulement une allusion, d’ailleurs globalement exacte, dans l’Histoire des migrations à Marseille de Pierre Echinard et Emile Temime au fait que l’intégration « passe sans doute aussi pour un bon nombre de négociants allemands et suisses par l’appartenance à la Franc-maçonnerie ». Les auteurs ajoutent que « la liste serait Saint-Jean d’Ecosse de Marseille 3 Cahiers de la Méditerranée, 72 | 2006 longue de tous ceux qui côtoient, le plus souvent dans la loge de Saint-Jean d’Ecosse, l’élite du commerce marseillais. On y retrouverait en tout cas parmi ceux que nous avons déjà nommés les Malvesin, Necker, Keller, Kick, et bien d’autres qui font partie de la bourgeoisie implantée à Marseille » 4. C’est tout un pan du dispositif de socialisation de l’étranger qui reste à aborder. 4 Cet engagement maçonnique étranger est particulièrement intéressant car il participe du mouvement d’expansion rapide de la Franc-maçonnerie marseillaise 5, qui voit Saint- Jean d’Ecosse, son atelier phare, s’affirmer comme puissance maçonnique extravertie et concurrente du Grand Orient de France. Cette loge ambitieuse apparaît comme la loge du négoce international, où se rencontrent les hommes les plus influents de la Chambre de commerce, les représentants en vue de l’élite économique régnicole et étrangère. Sous leur impulsion, elle calque son dispositif, ses réseaux sur ceux du port: elle essaime sur le pourtour méditerranéen jusqu’au Levant, jalonne le sillon rhodanien de fondations sur lesquelles elle veille jalousement, avant de pousser jusqu’aux Iles. L’expansion commerciale et l’expansion maçonnique voguent de conserve, les supports de la première soutiennent la seconde, comme les difficultés de l’une contrarient le succès de l’autre. Saint-Jean d’Ecosse est à l’unisson du négoce marseillais jusque dans sa magnificence matérielle, son temple est l’un des plus richement ornés du siècle 6. En gravant dans la pierre et l’or, la puissance et l’assurance d’une puissance qui défie le Grand Orient de France, il impressionne les visiteurs, tout comme le train de vie du frère d’origine allemande Jean-Jacques Kick, « Marseillais de la deuxième génération », doit prouver à tous la réussite financière du négociant et son insertion dans les premiers cercles de la major et sanior pars marseillaise. Saint-Jean d’Ecosse est au confluent des ambitions économiques, sociales et maçonniques des négociants marseillais. L’obstacle documentaire 5 L’étude de Saint-Jean d’Ecosse s’est longtemps heurtée à un obstacle documentaire perçu de prime abord comme infranchissable. En effet, l’atelier phocéen refusant toute allégeance au Grand Orient, ses riches archives, ainsi que celles de ses fondations, sont largement perdues. Son dossier au Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale de France est squelettique 7. Pour sa part, Alain Le Bihan consacre à peine plus d’une page à l’atelier 8, et la consultation du Catalogue des manuscrits maçonniques, précieux outil forgé par Jacques Léglise, n’est pas plus réjouissante 9. La vie d’un atelier brillant et ambitieux, ses inflexions décisives, ne peuvent être restituées précisément. Malgré ces handicaps, l’entreprise mérite d’être tentée car une investigation tous azimuts des fonds d’archives publics et privés permet de réunir un ensemble non négligeable d’informations. Ainsi, le dossier de Saint-Jean d’Ecosse du Cabinet des manuscrits, bien que « très mince », n’en contient pas moins le tableau de la loge pour 1784, c’est-à-dire une liste de 207 membres, auxquels il convient d’ajouter 11 frères servants 10. Ce relevé patronymique nous renseigne sur les qualités maçonniques et profanes des francs-maçons. Au-delà de l’analyse statistique globale, les réalités humaines et individuelles peuvent ainsi être interrogées. Qui fréquentait l’atelier? La domination négociante était-elle écrasante? La loge s’ouvrait-elle à d’autres composantes socioprofessionnelles de la société marseillaise? Les élites intellectuelles ont-elles boudé un atelier trop étroitement associé au monde du négoce pour ne pas les disqualifier socialement si elles s’y aventuraient? Quelle est l’importance du groupe des étrangers dans les effectifs de la loge? Quelle est sa distribution selon les origines? Les étrangers qui furent initiés ou affiliés à Saint-Jean d’Ecosse avaient- ils acquis préalablement réputation et influence, l’adhésion à la loge venant couronner sur le terrain de la sociabilité une réussite sociale reconnue? ou étaient-ils en cours d’ascension, l’adhésion à une loge huppée offrant, dans ce cas, la perspective de nouvelles relations, de uploads/Religion/ cdlm-1161-72-saint-jean-d-ecosse-de-marseille-pdf 1 .pdf
Documents similaires
-
21
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Oct 01, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
- Taille du fichier 0.9307MB