Nikolas Kabasilas et la th´ eologie latine Marie-H´ el` ene Congourdeau To cite

Nikolas Kabasilas et la th´ eologie latine Marie-H´ el` ene Congourdeau To cite this version: Marie-H´ el` ene Congourdeau. Nikolas Kabasilas et la th´ eologie latine. A. Rigo, P. Ermilov. Byzantine Theologians. The Systematization of their own Doctrine and their Perception of foreign Doctrines, Squilibri editore, Roma, pp.169-179, 2009, Quaderni di α µη, 3. <halshs- 00669803> HAL Id: halshs-00669803 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00669803 Submitted on 17 Feb 2012 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. 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En revanche, Sala- ville n’écarte pas l’hypothèse que Nicolas ait pu connaître indirectement la théorie d’Anselme à travers Thomas d’Aquin: par exemple, en lisant le livre IV de la Summa contra Gentiles, traduite en 1354 par Dèmètrios Kydonès, ou la Tertia Pars de la Somme Théologique, traduite par Procho- ros Kydonès avant 1368 5. D’autre part, dans ma propre édition de la Vie en Christ pour les 1 W . GASS, Die Mystik des Nikolaus Kabasilas vom Leben in Christo, I, Greif- swald 1849 (Beiträge zur kirchlichen Literatur und Dogmengeschichte des griechi- schen Mittelalters, 2), p. 78. Cf. U. NERI, La Vita in Cristo. Nicolas Cabasilas, T orino 1981 (Classici delle religioni. La religione cattolica), pp. 73-80; p. 95, n. 5. - Une con- férence internationale prévue en 2009 à Canterbury sur «Saint Anselm of Canter- bury and His Legacy» doit comporter un exposé de J.A. Demetracopoulos sur la dépendance de Nicolas Cabasilas par rapport à saint Anselme. 2 J. RIVIÈRE, Le dogme de la Rédemption. Etudes critiques et documents, Louvain 1931 (Bibliothèque de la revue d’histoire écclésiastique, 5), p. 300. 3 S. SALAVILLE, Vues sotériologiques chez Nicolas Cabasilas (XIVe siècle), dans Études byzantines 1 (1943) pp. 5-57. 4 Cf. R.J. LOENERTZ, Correspondance de Manuel Calecas, Città del Vaticano 1950 (Studi e testi, 152), p. 42. 5 Sur le travail de traduction de Dèmètrios Kydonès, cf. A. GLYCOFRYDOU- LEONTSINI, Demetrius Cydones as a Translator of Latin Texts, London 2003. Sur celui de Prochoros, cf. H. HUNGER, Prochoros Kydones: Übersetzung von acht Briefen des Hl. Augustinus, Wien 1984 (Wiener Studien, 9). ID., Prochoros Kydones’ Übersetzungen von S. Augustinus De libero arbitrio I 1-90, und Ps.-Augustinus, De decem plagis Aegyptiorum, Wien 1990 (Wiener Studien, 14). 1 Sources Chrétiennes, je signale, à la suite de Jean Gouillard 6, une certaine similitude entre la pensée de Nicolas et celle de saint Augustin: des phrases comme «le Sauveur pour qui l’amour de l’homme a été préparé depuis le commencement» ou encore «lui qui, pour ceux qui le cher- chent, est plus proche que leur propre cœur» évoquent des thèmes connus des Confessions 7. Le problème est que les Confessions ne figurent pas parmi les œuvres de saint Augustin traduites en grec à cette époque. Ces deux exemples montrent qu’avant de rechercher, dans les écrits de Nicolas Kabasilas, des traces d’influence de la théologie latine, on ne peut faire l’économie d’un détour historique pour savoir ce que notre auteur a concrètement pu connaître de cette théologie. C’est ce détour historique que nous allons faire aujourd’hui. I. LE TRIANGLE NICOLAS-NIL DÈMÈTRIOS Les relations de Nicolas Kabasilas avec la théologie latine sont insé- parables de celles qu’il entretint avec deux de ses proches: son oncle Nil et son ami Dèmètrios Kydonès. Ces deux personnages nouèrent avec Nicolas et entre eux des liens complexes. Nous commencerons donc par envisager le triangle «Nicolas-Nil-Dèmètrios». 1. Dèmètrios et Nil Le premier côté du triangle est constitué de Nil Kabasilas et Dèmè- trios Kydonès. Dèmètrios et Nicolas furent dans leur adolescence les élèves de Nil à Thessalonique. Ils en ont gardé une affection admirative envers leur maître. C’est vers Nil que se tourne Dèmètrios lors de la crise spirituelle qui le conduira à rejoindre l’Eglise romaine. T out commence lorsque Dèmètrios, devenu ministre de Jean VI en 1347, décide d’apprendre le latin pour ne pas dépendre des interprètes dans ses discussions avec les ambassadeurs occidentaux 8. Il s’adresse pour 6 Cf. J. GOUILLARD, L’autoportrait d’un sage du XIVe s., dans Actes du XIVe Con- grès International des Études byzantines, II, Bucarest 1975, pp. 103-108; réimpr. dans La vie religieuse à Byzance, London 1981, nr. XVI. 7 Nicolas Cabasilas, La vie en Christ, éd. M.-H. CONGOURDEAU, Paris 1989 et 1990 (Sources Chrétiennes, 355 et 361), passim. 8 Dèmètrios fait le récit de son évolution intellectuelle et spirituelle dans son Apologie aux Grecs orthodoxes, éditée par G. MERCATI, Notizie di Procoro e Demetrio Cidone, Manuele Caleca e Teodoro Meliteniota ed altri appunti per la storia della teologia e della letteratura bizantina del secolo XIV, Città del Vaticano 1931 (Studi e testi, 56), pp. 359-403. Il n’existe pas de traduction de ce texte en langue moderne. 2 MARIE-HÉLÈNE CONGOURDEAU cela aux dominicains du couvent de Péra, et ceux-ci l’initient aux œuvres de Thomas d’Aquin. Il entreprend très vite de traduire la Summa contra Gentiles, soutenu en cela par Jean VI qui, voyant dans cette tâche un moyen de favoriser le rapprochement avec l’Occident, lui fournit des copistes: plusieurs copies des traductions de Thomas d’Aquin par Dèmè- trios sont de la main du copiste Manuel Tzykandylès qui travailla prin- cipalement pour Jean VI 9. Cette traduction, achevée le 24 décembre 1354, connaît une grande diffusion. Par la suite, Dèmètrios lit et traduit d’autres œuvres latines et ses nombreux échanges avec les dominicains de Péra font naître chez lui une grave crise spirituelle. Il voudrait pouvoir réfuter les arguments des Latins contre les Grecs, mais il en est incapable et les traités grecs qu’il lit sur le sujet sont inutilement polémiques et peu convaincants. Il se tourne alors vers Nil; nous connaissons le contenu de leurs échanges par une lettre qu’il lui adressa 10 et par son Apologie aux Grecs orthodoxes. D’après ces sources (qui ne nous donnent que le point de vue de Dèmètrios), Nil avoua à son ancien élève sa très grande admi- ration pour Thomas d’Aquin, découvert grâce à ses traductions, mais le seul conseil qu’il lui donna fut de veiller à ne se brouiller ni avec les puissants (l’empereur et le patriarche) ni avec ses concitoyens. L’excel- lence de la méthode thomiste ne devait à aucun prix conduire à mettre en doute les dogmes orthodoxes. Peu de temps après, déçu, Dèmètrios rejoignit l’Eglise romaine: la lettre à Nil est datée par F . Tinnefeld de 1356, un an avant l’entrée de Dèmètrios dans l’Eglise romaine. L’histoire ne s’arrête pas là. Après la mort de Nil (1362), Dèmètrios découvre que son ancien maître a rédigé un traité où il réfute méthodi- quement le Filioque, en utilisant, pour les combattre, de nombreuses cita- tions de Thomas dans les traductions de Dèmètrios et Prochoros Kydo- nès 11. Dèmètrios répond à ce traité posthume par une Apologie de Thomas 9 Cf. B. MONDRAIN, L’ancien empereur Jean VI Cantacuzène et ses copistes, in Gre- gorio Palama e oltre. Studi e documenti sulle controverse teologiche del XIV secolo bizantino, a cura di A. RIGO, Firenze 2004 (Orientalia Venetiana, 16), pp. 249-296. 10 Dèmètrios Kydonès, ep. 378, ed. R.J. LOENERTZ, Démètrius Cydonès, Correspon- dance, I, Città del Vaticano 1956 (Studi e testi, 186), pp. 326-327; cf. la traduction allemande annotée de F . TINNEFELD, Demetrios Kydones, Briefe, I, 1, Stuttgart 1981 (Bibliothek der griechischen Literatur, 12), ep. 40, pp. 257-261. Nous donnerons sim- plement par la suite, pour les lettres de Kydonès, la numérotation de Loenertz suivie de L et celle de Tinnefeld suivie de T (ici: ep. 378L = 40T). 11 Nil Kabasilas, Sur le Saint-Esprit. Introduction, texte critique, traduction et notes par Th. KISLAS, Paris 2001 (Théologie byzantine). NICOLAS KABASILAS ET LA THÉOLOGIE LATINE 3 contre Nil, encore inédite, où il réitère ses affirmations sur l’admiration de Nil pour les œuvres de Thomas d’Aquin 12. C’est Nicolas Kabasilas qui publia ce traité de Nil sur le Saint-Esprit, après la mort de son oncle, en le faisant précéder d’une Préface ou Pro- théôria 13. Ce qui nous amène au second côté de notre triangle. 2. Nicolas et Nil Nicolas est en effet impliqué, à son corps uploads/Religion/ cong-our-deau.pdf

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  • Publié le Jul 17, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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