Contemplation et méditation chrétienne par Brian V. Johnstone, CSSR article par
Contemplation et méditation chrétienne par Brian V. Johnstone, CSSR article paru dans le numero 63.2 2004 de la Review For Religious Voici quelque temps, Ernest E. Larkin OCarm a publié un article intitulé « Les formes actuelles de prière contemplative relèvent-elles de la contemplation ? » Après avoir passé en revue les différentes significations des termes « méditation » et « contemplation », il conclut par ces mots : « Dans ce cadre de référence, nous voyons que la prière de centration (centering prayer) et la Méditation chrétienne ne rentrent pas aisément dans l’une ou l’autre de ces catégories. Elles apportent quelque chose de neuf dans la pratique de la contemplation. » (1) Le présent article précisera ce qui singularise ces formes contemporaines de prière et tentera de montrer en quoi elles sont néanmoins reliées à la tradition. Nous nous intéresserons principalement à la Méditation chrétienne. Méditation et contemplation Si l’on se réfère à saint Jean de la Croix, par exemple, la contemplation est un « pur don ». En elle, il n’y a pas de place pour une collaboration active. Ainsi, Larkin conclut : « La contemplation de Jean n’est pas l’horizon immédiat des formes contemporaines de prière contemplative. » (2) Dans ses écrits, le bénédictin John Main, le premier qui ait enseigné la Méditation chrétienne, n’entre pas dans une analyse fouillée et exhaustive des états les plus élevés de cette prière, comme le font sainte Thérèse ou saint Jean de la Croix. Dans sa présentation de la Méditation, John Main précise : « J’utilise le terme de « méditation » comme un synonyme de « contemplation », de « prière contemplative », de « prière méditative » et ainsi de suite » (3). Dans ses écrits, il ne distingue pas de manière tranchée la contemplation dans son acception classique et les formes de prière qui impliquent l’engagement actif de la personne qui prie. Est-ce un problème ? La question d’ordre pratique la plus pertinente est sans doute celle-ci : doit-on considérer la Méditation chrétienne comme une forme de contemplation au sens classique du terme, à savoir un type de prière que l’on croit être un don gratuit de Dieu, mais octroyé d’habitude après un long processus comportant plusieurs étapes ? Pour Jean de la Croix, notamment, la contemplation commence par la nuit obscure, et passive, des sens. Ce qui voudrait dire, du moins selon la signification de la contemplation la plus couramment admise, qu’elle serait un événement miraculeux, surnaturel, et réservé à une élite. La Méditation chrétienne telle qu’elle est décrite par John Main n’est pas cela. C’est une forme de prière que les commençants peuvent pratiquer après avoir reçu quelques instructions simples. Le souci de son initiateur est de fournir aux personnes intéressées une méthode qui, de par sa simplicité, est accessible à un grand nombre. Les pratiquants ne sont pas encouragés à penser qu’ils avancent étape par étape sur un chemin bien tracé qui mènerait à un niveau de prière « supérieur ». Il est admis qu’il est généralement nécessaire de méditer longtemps, de nombreuses années au demeurant, pour acquérir aisance et compétence, mais les méditants expérimentés ne sont pas considérés comme ayant atteint un niveau de prière dont les exigences seraient différentes de celles qui sont appropriées et accessibles aux commençants. Ceci soulève une importante question pratique. Selon l’analyse théologique traditionnelle, il était important que les personnes engagées dans la prière se fassent une idée claire du niveau qu’elles avaient atteint. Afin d’aider au discernement en la matière, on avait recours à un directeur de conscience. Étant donné que chaque étape était assortie de règles et d’attentes particulières, une erreur pouvait avoir de graves conséquences spirituelles. Larkin aborde ce problème dans son article ; il cite un avertissement de James Arraj spécifiant qu’en l’absence de « contemplation expresse » (qu’il faut prendre, je présume, dans le sens de contemplation « infuse » ou passive), la personne devait continuer d’accomplir des actes de foi et d’amour plutôt que « de rester simplement désœuvrée dans la prière » (4). Le problème pratique apparaît lorsque les gens pensent qu’ils ont reçu le pur don de la contemplation au sens propre. Il s’ensuit que ce niveau étant essentiellement passif, excluant tout acte, ils pensent qu’ils devraient abandonner ce genre d’activités. Or, ils peuvent se tromper. Ayant cessé d’accomplir des actes de foi et autres du même genre, il se peut alors qu’ils soient simplement dans le « relâchement », ne faisant rien, en pensant qu’ils jouissent du don de la contemplation passive alors qu’ils sont tout bonnement passifs. Il ne feraient rien et rien ne se passerait. 1 Dans le cas de personnes pratiquant la Méditation chrétienne de John Main, un tel risque est improbable. Il revient avec insistance sur la répétition calme et ininterrompue d’une courte prière qu’il nomme un « mantra » ; si le priant glisse momentanément dans l’inactivité et se surprend en train de ne rien faire, il doit immédiatement reprendre la répétition du mantra. La crainte de prendre le « ne rien faire et rien ne se passe » pour de l’authentique contemplation a une longue histoire dans la prière chrétienne. D’un côté, ce serait une grave erreur d’accréditer l’idée que les heures passées en « contemplation » sont juste du temps perdu, une simple rêvasserie. De l’autre, si un guide spirituel tel que John Main recommande instamment de continuer à accomplir des actes pendant la méditation, cela implique-t-il que dans cette forme de méditation, la contemplation dans son sens passif classique n’y a pas sa place ? En tentant de répondre à cette question, j’examinerai une forme de prière recommandée par sainte Thérèse qui fut adoptée par quelques uns de ses disciples. Comme je m’efforcerai de le montrer, elle avait une notion de la contemplation moins restrictive que ne le suggère l’analyse précédente. En outre, cette notion plus large de la contemplation pourrait bien avoir un équivalent dans la Méditation chrétienne. Le recueillement actif Larkin prend note du « recueillement actif » de sainte Thérèse, une forme de prière qu’elle a développée à partir de sa propre expérience (5). Il la décrit comme « une forme de prière de transition, tout à fait comparable à la prière contemplative moderne » (6). Par « transition » il entend que cette façon de prier est adoptée par ceux qui sont en train de passer de la méditation simple aux degrés « supérieurs » de la contemplation, sans les avoir encore atteints. Outre des traités de théologie morale, saint Alphonse de Liguori († 1787) écrivit abondamment sur la vie spirituelle et notamment sur la prière. À la suite de sainte Thérèse, il accorde une attention spéciale au « recueillement actif » qu’il lie étroitement au « repos contemplatif », expression qu’il emprunte aux « mystiques » (7). Le repos contemplatif, explique-t-il, est quasiment la même chose que le recueillement actif : il désigne un état spirituel dans lequel « l’âme, concentrée sur une pensée spirituelle et absorbée en elle-même, se sent doucement attirée vers Dieu ». J’analyserai ce type de prière, la « contemplation active », et la comparerai à la Méditation chrétienne. Par là, j’espère montrer la continuité de la Méditation chrétienne avec la tradition ancienne, et mettre en lumière les traits nouveaux qui lui sont propres. Qu’entendait sainte Thérèse par « recueillement actif » ? Elle connaissait bien ce que l’on appelle la « méditation discursive ». Le dominicain Luis de Granada en avait fait l’apologie dans son célèbre Livre de la prière et de la méditation, que sainte Thérèse, du reste, recommande dans ses constitutions. Elle-même, cependant, ne trouvait pas cette façon de prier adéquate. À propos de ce type d’ouvrages, elle déclarait : « Les personnes qui ont un esprit ordonné, les âmes exercées et capables d’être face à elles-mêmes, ont à leur disposition des livres excellents écrits par des gens de talent ; elles se tromperaient donc en tenant compte de ce que je pourrais dire sur l’oraison. » (19.1, 30.1) Sa propre méthode est destinée aux personnes dont l’esprit, tel le sien, est pareil à « un cheval emballé » (19.2, 30.2). Comment négocie-t-elle avec ce rodéo mental lorsqu’elle prie ? Elle recommande le Notre Père. On le récite verset par verset, lentement et avec attention. Selon elle, la prière vocale n’exclut pas la contemplation. Elle dénomme cette méthode « recueillement actif ». Dans cette sorte de prière, dit-elle, « l’âme y recueille toutes ses puissances et rentre au dedans d’elle-même avec son Dieu. » (28.4, 47.1) Ceci requiert la concentration de l’attention et en plus, la conscience que Dieu est proche, entièrement avec nous à chaque instant (29.5, 50.1). Nous avons à être entièrement présents à Dieu et à tourner le regard vers lui. Thérèse utilise plusieurs fois la métaphore du regard. Il ne s’agit pas de construire des raisonnements avec des concepts. « Je ne vous demande pas de penser à lui, ni de forger quantité de concepts ou de tirer de votre esprit de hautes et subtiles uploads/Religion/ contemplation-et-meditation-chretienne.pdf
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Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Oct 05, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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