1 COURS HISTOIRE ROMAINE / IER SEMESTRE / S.JACQUES CHAPITRE I : LES ORIGINES D
1 COURS HISTOIRE ROMAINE / IER SEMESTRE / S.JACQUES CHAPITRE I : LES ORIGINES DE ROME. I) LES PREMIERS TEMPS – LES ORIGINES MYTHIQUES. A) LE RATTACHEMENT A LA LEGENDE TROYENNE. 1. ENEE1. - Dans leur volonté, et même idéologiquement dans la nécessité, de se rattacher à un héritage prestigieux et à des valeurs immémoriales, les Romains ont pallié l’injure des temps grâce aux légendes étiologiques. Le destin exceptionnel de Rome, sa mission autoproclamée qui la voue à régner sur le monde, le mysticisme même qui tend à entourer les généraux aux succès exceptionnels, ces éléments dans leur ensemble exigent d’être explicités et justifiés2. - Rappel de la légende énéenne : Prince troyen, Enée est cité par Homère, qui ne lui accorde pas une plus grande importance. La légende romaine prend le relais la nuit du sac de Troie. Alors que la cité est en flammes, Enée, alerté par le bruit du massacre, se précipite hors de chez lui, le glaive à la main, pour tenter de s’opposer aux Grecs. Il se rend cependant bien vite compte que tout effort est inutile : il prend alors la résolution de se perdre avec Troie. Cependant, une intervention divine le détourne de ce projet et lui rappelle son destin : être l’ancêtre d’une race qui gouvernera le monde. Après bien des pérégrinations (Carthage, descente aux Enfers) et des rencontres (Andromaque par exemple), Enée et ses hommes abordent en effet en Italie. Ils se heurtent à une violente opposition des Latins et des Rutules. Ces affrontements suscités par Junon se soldent par la mort des rois ennemis et le mariage conclu entre Enée et Lavinia, fille de Latinus, petit-fils de Saturne et roi du Latium. 2. L’HERITAGE D’ENEE. - Le fils d’Enée, Iule, aussi appelé Ascagne, fonde la ville d’Albe la Longue, cité capitale du Latium. Le roi Numitor, descendant d’Ascagne, donne naissance à une fille, nommée Rhéa Silvia. Celle-ci devient Vestale, c’est-à-dire une prêtresse de Vesta. A ce titre, elle est soumise à un serment de chasteté. Elle est pourtant séduite et met au monde des jumeaux, dont le père était censé être le dieu Mars en personne. Cette 1 Pour la légende troyenne, cf. E. HAMILTON, La mythologie, Paris, 1978, p.268-289 et bien sûr l’Enéide de Virgile. 2 Cf. L. JERPHAGNON, Histoire de la Rome antique, 2002, p.21. 2 naissance s’accompagne d’une prédiction, terrible pour le frère du roi qui avait usurpé le trône. Un devin annonce en effet que les jumeaux sont destinés à venger ce crime. Leur mort est donc immédiatement décidée par leur oncle. Les bébés sont cependant sauvés, soit qu’ils furent déposés dans une corbeille et confiés au fleuve Tibre, qui les déposa sans dommage un peu plus bas, soit que le meurtrier chargé du contrat se contenta de les abandonner dans un lieu désert, dans la pensée évidente que les bêtes sauvages les trouveraient et les dévoreraient. Et trouvés ils furent mais par une louve qui venaient de perdre ses petits et qui se chargea de les allaiter. Une autre légende assure qu’un pic-vert assura également leur subsistance. Peu après, Romulus et Rémus sont recueillis par un berger, Faustulus, et sa femme, Acca Larentia. - Devenus grands, ils apprennent la vérité, tuent leur oncle et rétablissent leur grand- père sur son trône. Entraînant une troupe d’aventuriers dans leur sillage, ils décident de fonder une nouvelle cité, à 25 kms au nord-ouest d’Albe. Mais il ne pouvait y avoir qu’un seul fondateur : c’est pourquoi il fut décidé que les dieux eux-mêmes partageraient les deux frères. Ceux-ci, postés en hauteur, devaient, selon la pratique bien attestée des augures, observer le passage des oiseaux dans un cadre spatial délimité dans le ciel par le magistrat religieux. Romulus, du haut du Palatin, vit 12 vautours, tandis que Rémus n’en aperçut que 6 du haut de l’Aventin. Les dieux avaient manifesté leur volonté : à Romulus revient la tâche de fonder la cité. Aussitôt, l’élu trace autour du Palatin le sillon sacré qui délimitait l’enceinte tabou, religieusement inviolable. Son frère, par dérision et par dépit, saute au-dessus de ce sillon et périt sur le champ de la main de son jumeau. Romulus accompagne ce meurtre de la phrase : « Ainsi périsse quiconque, à l’avenir, franchira mes murailles ! » Ce geste fratricide, que le poète Horace, sous Auguste, ne manquera pas de rappeler à la lumière contemporaine de la guerre civile, s’explique par la nécessité de préserver les forces magiques et mystiques mises en œuvre par le fondateur pour assurer la préservation de la future Rome3. 3. LE REGNE DE ROMULUS. - Afin de peupler sa Cité, Romulus ne se montre guère délicat sur la qualité de ceux qui viennent se joindre à lui et à ses hommes. Tous les bannis, tous les exilés mais aussi et surtout tous les démunis qu’une extrême pauvreté rendait pratiquement esclaves de riches praticiens, affluent dans l’espoir de devenir maîtres de leur destin. Rome se 3 Cf. P.GRIMAL, La civilisation romaine, Paris, 2001, p.22. 3 trouve ainsi pourvue de guerriers, de paysans et de bergers. Mais les femmes font cruellement défaut. Les Romains décident donc de pallier cette absence grâce à leurs voisins, les Sabins. Sous le prétexte de participer à des jeux qui doivent fonder l’union des deux peuples, les hommes de Romulus, sur un signal de celui-ci se ruent sur les jeunes femmes et s’emparent chacun d’une Sabine. Afin d’adoucir la violence et l’illégitimité de ce rapt, la légende ajoute tardivement un épisode chevaleresque : Romulus aurait présenté ses hommages aux jeunes Sabines terrifiées en leur assurant un respect, un peu tardif, et l’apaisement de leurs craintes avant d’avoir la joie de rencontrer leurs époux. Quoiqu’il en soit, une guerre fait rage entre les Romains et les Sabins et ce pendant plusieurs années, jusqu’au jour où les Sabines s’interposent sur le champ de bataille, présentant à leurs pères et aux membres de leurs familles les enfants qu’elles avaient conçus de leur mariage : elle supplient leurs maris, qu’elles avaient appris à aimer, et leurs familles d’origine de cesser une lutte devenue sans objet. - Les deux peuples se lient et ne font bientôt qu’une seule nation, placée sous le signe de la royauté partagée4. Quant à Romulus lui-même, toujours dans la même logique de glorification et de justification par le Grand Ordre Divin, on raconte qu’il disparut brusquement. Alors que le peuple était réuni au Champ de Mars, un éclair le frappe et un nuage vient le dérober à la vue des siens. Après la dissipation du nuage, force est de constater que Romulus n’est plus là. On entendit une voix qui assura qu’il avait été promu au rang de dieu par les divinités. Il fut dès lors honoré sous le nom de Quirinus, vieille divinité qui passait pour sabine et qui avait un temple sur le mont Quirinal5. En tant que Modernes, on peut se demander si les Romains croyaient à l’ensemble de ces légendes. Vraisemblablement, ils n’accordaient pas une foi aveugle aux détails, mais ils en acceptaient le concept. Rome était non seulement un ensemble de maisons et de bâtiments, elle était également un espace sacré, un sol consacré, au sein duquel la puissance divine s’exprimait et s’exerçait particulièrement. C’est la notion de pomerium, telle qu’elle survécut pendant toute la Rome du paganisme : c’est l’espace sacré à l’intérieur de la Ville, dans lequel il était strictement interdit d’élever un autel à une divinité d’importation étrangère ou encore d’entrer en armes pour un général et ses hommes. De plus, la croyance dans le mythe des premiers âges étaient relayée par des 4 Ibid. p.21-22. 5 Cf. JERPHAGNON, p.23. 4 faits tangibles : c’est ainsi que l’on présentait aux yeux de tous, au temps de Cicéron encore, la cabane de Faustulus préservée intacte sur le Palatin, dernier vestige du temps où le fier Romain tirait son orgueil d’être un simple berger, heureux de vivre aux temps de la pureté et de l’innocence. Sans s’encombrer d’exactitude toute historique, on montrait d’ailleurs une autre cabane, sur le Capitole, devant le temple de Jupiter Très Bon Très Grand, qui passait pour avoir aussi abrité Romulus ou son collègue royal sabin Titus Tatius. Cependant, il est bien évident à nos yeux que ces légendes, telles que nous en avons rendu compte, reposent principalement sur des données symboliques, sur une interprétation étiologique. Nous allons donc examiner à présent ce symbolisme et nous interroger sur un décryptage possible des légendes d’Enée et de Romulus. B) AU DELA DE LA LEGENDE : ARRIERE-PLANS HISTORIQUES ET CULTUELS. Remontons le temps depuis les données les plus récentes, d’un point de vue relatif, bien sûr, jusqu’aux traces de représentations schématiques indo-européennes. 1. LE MYTHE DE ROMULUS. - Nous avons déjà rappelé les circonstances miraculeuses qui ont prévalu à la survie des frères jumeaux. Le rôle assuré par le fleuve Tibre est une image du bénéfice retiré par Rome de cette proximité fluviale. De fait, le Tibre apparaît dans d’autres légendes, guerrières notamment. On pensera par exemple au siège historique de uploads/Religion/ cours-histoire-romaine-pour-telech.pdf
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- Publié le Nov 23, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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