On parle beaucoup de yoga et de tantrisme. Ils forment le tuf primitif de la tr
On parle beaucoup de yoga et de tantrisme. Ils forment le tuf primitif de la tradition indienne, mais les connaît-on vraiment, surtout le yoga tantrique ? Longtemps informulé, il demeure encore aujourd'hui diffus mais partout présent sous la diversité des doctrines hindoues et bouddhiques, notamment dans ses formes tibétaines. Avec le tantrisme, on se trouve confronté à une véritable science de l'homme intégral : une science où s'amalgament les forces cosmiques, physiologiques et d'autres plus subtiles, psychologiques et spirituelles. L'explorant de fond en comble par l'examen attentif de toutes les sources aujourd'hui accessibles, Julius Evola nous offre, dans son Yoga tantrique, un exposé qui demeurera longtemps classique. De plus, en exposant les fondements métaphysiques de ce que l'on considère comme l'une des plus anciennes traditions de l'Asie, il nous propose également des comparaisons jusqu'ici mal entrevues avec des doctrines et des pratiques analogues en Occident et ailleurs, notamment le gnosticisme et l'alchimie. L'étude détaillée de ces courants devrait contribuer à enrichir la psychologie contemporaine de façon inespérée, lui offrant même une théorie concrète de l'être qui lui fait singulièrement défaut. En outre, les disciplines élaborées au cours des temps par le tantrisme ont permis de découvrir dans la Kundalini la source d'une énergie mal définie mais capitale pour une réalisation spirituelle achevée. Si l'on ajoute que le tantrisme est depuis toujours considéré par les hindous comme la doctrine convenant à notre temps où les forces spirituelles vont en déclinant mais où l'homme s'efforce cependant de se relier à un centre cosmique créateur, on mesurera toute la portée d'un ouvrage tel que Le Yoga tantrique. A l'heure où le monde s'enlise dans une connaissance « objective » de plus en plus inhumaine et où la pensée abstraite - de moins en moins reliée au vécu - envahit tous les secteurs de l'activité humaine, il devient urgent de faire connaître avec une rigoureuse précision, une connaissance subjective qui peut s'expérimenter, non sans risque parfois, à l'égal de la science telle qu'on l'envisage de nos jours. Yoga tantrique - J Evola Julius EVOLA Le Yoga tantrique Sa métaphysique ses pratiques TRADUCTION DE GABRIELLE ROBINET Fayard I. Signification et origine des Tantra. Aux premiers siècles de l'ère chrétienne, et de façon plus nette encore aux environs de la moitié du Ier millénaire, on assiste à une révolution caractéristique dans la région où s'était développée la grande civilisation indo-aryenne : apparaît, se précise, s'affirme et se répand un courant spiri- tuel et religieux nouveau par rapport aux mouvements qui prévalaient lors de la période précédente. Tout ce qu'on appelle en général l'hindouisme subit l'influence de ce cou- rant et en est pénétré; s'en ressentent les écoles du yoga, la spéculation postupanishadique, les cultes de Vishnu et de Çiva; il suscite dans le bouddhisme même un courant neuf, le Vajrqyâna (la « Voie du Diamant » ou « de la Foudre »). Il s'associe, enfin, d'une part à des formes variées de cultes populaires ou de pratiques magiques, d'autre part à des enseignements strictement ésotériques et initiatiques. On peut appeler ce nouveau courant le tantrisme. H aboutit à une synthèse de tous les principaux mouvements de la spiritualité hindoue, en les colorant d'une nuance particulière et en tirant sa justification d'une métaphysique de l'histoire. Dérivé de la racine tan, étendre, ou encore continuer, déve- lopper, Tantra (qui souvent voulait simplement dire« traité », « exposé ») et Âgama, terme qui désigne d'autres textes appar- tenant à la même catégorie, ont fini par signifier « ce qui a procédé », « ce qui est descendu ». On indique ainsi que le 12 LE YOGA TANTMQJJE tantrisme représente une extension ou un développement ultérieur des enseignements traditionnels contenus dans les Veda à l'origine puis articulés dans les Brahmana, les Upanishad et les Purâna; si bien que les Tantra ont quelquefois revendi- qué le titre de « cinquième Veda», c'est-à-dire d'une révélation qui s'ajoute à celle des quatre Veda traditionnels. Plus une référence à la doctrine des quatre âges (jfuga) du monde1. On affirme que les enseignements, rites et disciplines qui pou- vaient être adaptés aux origines (au satya-yuga, équivalent de l'âge d'or d'Hésiode) ne le sont plus aux hommes des époques suivantes et spécialement de la dernière époque, de l'« âge sombre » (kali-yuga, « âge de fer », « âge du loup » dans les Edda). Ce n'est ni dans les Veda ni dans les autres textes strictement traditionnels, mais bien dans les Tantra et les Âgama, affirme-t-on, que cette humanité peut trouver les connaissances, la vision du monde, les rites et les pratiques efficaces pour élever l'homme au-dessus de lui-même, pour lui donner la victoire sur la mort (mrtyurp. jayate), ce qui est le but général de toute spiritualité hindoue. On précise cepen- dant que seules les techniques tantriques basées sur la Çakti (çakti-sâdhaw) sont adaptées à l'époque actuelle et efficaces; toutes les autres seraient presque aussi impuissantes qu'un serpent sans venin 2. Encore que bien éloigné de rejeter l'ancienne sagesse, le tantrisme réagit pourtant contre le ritualisme stéréotypé et vide, contre la spéculation ou la contemplation pures et contre tout ascétisme de caractère unilatéral, fait de mortifi- cations et de pénitences. On peut même dire qu'à la voie de i. Sur la doctrine des âges, cf. EVOLA, Rîaolta contro il monda moderno, 3e éd., Rome, 1969, II, passim. La forme donnée par Hésiode à cette doctrine qui indique les phases générales du processus involutif tel qu'il s'est vérifié au cours de l'histoire, est bien connue et correspond à celle qu'elle revêt en Inde. a. MahâniniâQa-tantra,!, aosqq.; II, 7, 14,15; Târâpradtpa,!;SHTVACHANDRA, Tantratattva, trad. angl., A. Avalon, Londres, 1914, v. I, pp. 82 sqq. Le Mahâniniâ- Itatantra dit précisément que l'enseignement adapté au premier âge (satya-jmga) était celui de la Çruti ou des Veda, au second (fréta) celui de la Smrti, au troisième (dvâpara) celui des Purâna, et au dernier (Mv-yuga), celui des Tantra et des Agama. SIGNIFICATION ET ORIGINE DES TANTRA 13 la contemplation il oppose celle de l'action, de la réalisation pratique, de l'expérience directe. La pratique — sâdhana, abhyâsa — c'est là son mot d'ordre3 (selon la voie qu'on pourrait appeler la « voie sèche »), et nous pouvons trouver là une ressemblance avec la position qui fut adoptée à l'origine par le bouddhisme, par la « doctrine de l'éveil », dans sa réaction au même brahmanisme dégénéré et son aversion pour les spéculations et le ritualisme vide 4. Un texte tan- trique, parmi tant d'autres, est très significatif :« C'est affaire de femme que d'asseoir une supériorité par des arguments et des démonstrations; affaire d'homme, au contraire, que de conquérir le monde par sa puissance propre. Aussi laissons- nous raisonnements, arguments et inférences aux autres écoles (castra) ; ce qui importe au Tantra c'est plutôt d'ac- complir des actes surhumains et divins par la force de ses paroles de puissance (montra) 5. » Et encore : « La particula- rité du Tantra réside dans le caractère de son sâdhana (de sa pratique). Ce n'est ni une lamentation, ni une contrition, ni un repentir devant une divinité. C'est le sâdhana de l'union depuruska et deprakrti, le sâdhana destiné à unir dans le corps le principe masculin et le principe maternel, à rendre libre d'attributs ce qui a des attributs [c'est-à-dire à déconditionner l'être]... Ce sâdhana s'accomplit par le réveil des forces dans le corps... Ce n'est pas là pure philosophie; il s'agit, non de se préoccuper de peser des formules vides, mais de quelque chose de pratique. Les Tantra disent : « Commencez à vous exercer sous la surveillance d'un maître qualifié. Si vous n'obtenez pas tout de suite des résultats positifs, vous êtes libres d'abandonner 6. » C'est ainsi que souvent les Tantra évoquent, par analogie, la démonstration de l'efficacité 3. Le rôle décisif de la pratique est souligné, par ex., dans la Çiva-Sarphitâ, II, passim, IV, g sqq. 4. Cf. J. EVOLA, La Doctrine de l'Éveil, essai sur l'ascèse bouddhiste, Adyar, Paris, 1956. t . Tantratattva, op. cit., I, pp. 125-137. . P. BANDYOPÂDHYAYA, in Sâhitya, Calcutta, juillet-août 1913, cité par J. WOODROFFE, Shakti and Shâkta, 3e éd., Londres-Madras, 1928, p. 18. j . LE YOGA TANTRIOJUE d'un remède : de même que cette efficacité est prouvée par les résultats obtenus, de même est prouvée la vérité de la doctrine, et, en particulier, par les siddhi, les « pouvoirs » qu'elle assure 7. Et les pouvoirs, ajoute un autre texte, « ne s'obtiennent pas en portant un vêtement [de brahmane ou d'ascète] ni en dissertant sur le yoga; la pratique infati- gable seule mène à l'accomplissement. Il n'y a pas de doute là-dessus 8 ». Cette phrase, qui se réfère au corps, signale un autre point fondamental. A examiner l'aspect qu'offre le dernier âge, « l'âge sombre » ou kali-yuga, l'on remarque deux traits essen- tiels. Le premier, c'est que l'homme de cet âge-là est désormais étroitement lié à son corps; il ne peut en faire abstraction; la voie qui lui convient n'est pas celle du détachement pur (comme dans le bouddhisme uploads/Religion/ le-yoga-tantrique-julius-evola.pdf
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- Publié le Fev 28, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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