Fiche 18 : Des noms divins, Pseudo-Denys l’Aréopagite Moyen Âge 50 Fiches de le

Fiche 18 : Des noms divins, Pseudo-Denys l’Aréopagite Moyen Âge 50 Fiches de lecture en philosophie. 1. De Platon à Kant 00h00.com/Bréal Fiches 16 à 24 Reproduction interdite Des noms divins PSEUDO-DENYS L’ARÉOPAGITE L’importance des œuvres du pseudo-Denys, et en particulier du traité Des noms divins (in « Œuvres complètes », Aubier, 1943 ; 1989) pour tout le Moyen Âge, ne saurait être surestimée, dans la mesure où tout le Moyen Âge a cru qu’il s’agissait bien d’une œuvre rédigée par Denys l’Aréopagite lui-même, converti en personne par saint Paul selon le récit des Actes des Apôtres : il s’agissait donc, plus que d’écrits d’un Père de l’Église, même éminent, des écrits d’un « quasi-apôtre ». La légende d’une œuvre émanant directement de Denys l’Aréopagite n’a été définitivement battue en brèche qu’au XIX e siècle. L’œuvre semble dater du début du VI e siècle. La question de son véritable auteur reste ouverte (peut-être un moine syrien ?). Aux dires de l’auteur lui-même, il ne s’agit pas d’un ouvrage de théologie au sens classique du terme : il ne faut y chercher ni démarche systématique, ni argumentation rationnelle ou dialectique. Il faut plutôt le prendre comme un texte quasi liturgique, consacré à chanter les louanges et à célébrer la gloire de Dieu : c’est un hymne (humneîn), seul genre « littéraire », si l’on ose dire, qui convienne à la dignité de son propos. SOMMAIRE 1. LE PROPOS DES NOMS DIVINS 2. UN DIEU AUX NOMS EN NOMBRE INFINI ? 3. LA « THÉOLOGIE COMMUNE » ET LA « THÉOLOGIE DISCRÈTE » Fiche 18 POUR EN SAVOIR PLUS SUR L’AUTEUR FICHE 22 POUR EN SAVOIR PLUS SUR LES NOTIONS NOMS DE DIEU : FICHES 20, 24 THÉOLOGIE : FICHEs 21, 24, 33 Fiche 18 : Des noms divins, Pseudo-Denys l’Aréopagite Moyen Âge 50 Fiches de lecture en philosophie. 1. De Platon à Kant 00h00.com/Bréal Fiches 16 à 24 Reproduction interdite 1. Le propos Des noms divins • Ainsi que l’indique le titre lui-même, il s’agit d’une méditation sur les noms divins. Le pluriel revêt ici toute son importance : quel nom unique pourrait convenir à la Divinité « suressentielle », située au-delà de tout être et de toute distinction ? L’auteur « descend dans la lice théologique » (III § 3) pour ne pas lais- ser sans aucun secours ceux qui sont incapables par eux-mêmes d’accéder à la contemplation des vérités divines : comment mieux dire que le registre du discours théologique n’est pas le registre adéquat pour parler des vérités divi- nes, ou plutôt qu’il n’existe aucun discours adéquat à ces vérités et qu’elles sont faites pour être contemplées en silence, les anges eux-mêmes n’étant, selon la belle formule de l’auteur, « que les ambassadeurs et les colporteurs du Silence divin » (IV § 2) ? • Dès le début du livre, l’auteur s’interroge sur la légitimité de son entreprise. Même le genre de l’hymne (la célébration ou la louange) est indigne de Celui auquel il s’adresse. Vouloir Le contenir dans un nom — même sublime — serait à l’évidence Le limiter, et donc rester en deçà de l’Être qu’on entend célébrer — voire blasphémer. L’auteur rappelle que lorsque Jacob voulut connaître le Nom de Dieu, celui-ci le rabroua par ces mots : « Pourquoi me demander mon nom ? Il est admirable. » Dieu semble donc à la fois rabrouer Jacob et lui reprocher d’avoir voulu connaître son nom — comme pour l’y enfermer ou l’y réduire — et d’un même mouvement malgré tout accéder à sa demande en lui communiquant un « nom » ou du moins un qualificatif : « Admirable ». • Un Dieu anonyme ? Tout le traité Des noms divins est porté par cette ambiguïté. En un sens aucun nom ne conviendra jamais à Dieu parce qu’Il est Celui qui trans- cende toutes les oppositions et toutes les différences. Essence suressentielle, situé au-delà de tout Être, Monade unificatrice pourtant située au-delà de l’oppo- sition de l’Un et du multiple, Dieu est par essence ineffable et incommunicable : en ce sens, aucun nom ne Lui conviendra jamais, Dieu est transcendant à tout nom, Il est littéralement anonyme (anonumos). • Le projet de l’ouvrage semble donc, d’entrée de jeu, voué à l’échec, et l’auteur acculé à une impasse. L’auteur retient comme première leçon qu’il faut se garder d’avancer toute parole téméraire sur Dieu, et de discourir sur Lui comme si nous disposions d’un « savoir » à Son sujet. Dieu est et restera, tout au long du traité, l’objet d’une inconnaissance radicale : Dieu est par excellence ce qui nous est inconnu (sur l’origine scriptuaire de l’expression « Dieu inconnu », voir les Actes des Apôtres, 17, 23). En ce sens, même un discours négatif (consistant à dire que Dieu est infini, n’est limité par rien, etc.) serait encore aventureux et s’exposerait à énoncer des propos téméraires dans la mesure où il nierait ou retrancherait quel- que chose de la divinité. • Mais il ne suffit pas de ne pas parler de façon téméraire sur Dieu : toute pensée téméraire serait aussi blasphématoire et indigne de son divin objet que toute parole. Dieu est, à la limite, Celui à qui il ne faudrait jamais penser, parce que toute pensée humaine serait indigne de Lui et nous laisserait en deçà de son « Objet ». La seule méditation digne de Lui serait alors l’absence de toute pensée : il faudrait s’en tenir à un « sage silence », tant intérieur qu’extérieur. ♦ Se reporter au chapitre I, § 1-16. Fiche 18 : Des noms divins, Pseudo-Denys l’Aréopagite Moyen Âge 50 Fiches de lecture en philosophie. 1. De Platon à Kant 00h00.com/Bréal Fiches 16 à 24 Reproduction interdite 2. Un Dieu aux noms en nombre infini ? • Toutefois tout espoir d’accéder à Dieu n’est pas perdu, dans la mesure où Dieu Lui-Même s’est révélé à travers les textes sacrés, à travers la Bible, donc en acceptant de recourir à un langage humain. L’attitude juste du théologien ne pourra alors jamais consister à s’efforcer d’appuyer les vérités révélées de la foi sur les probabilités issues de la sagesse et de l’intelligence humaines, mais au contraire d’illuminer l’intelligence humaine en l’exposant aux vérités de la foi. Les seu- les paroles, les seules pensées non téméraires concernant la divinité sont celles qui proviennent directement de l’Écriture sainte. • Car dans la mesure où, comme nous le révèle la Parole divine, Dieu est toute bonté, il ne peut que se communiquer infiniment aux créatures. En ce sens, tous les noms lui conviennent maintenant, et il pourra être affirmé de Dieu qu’Il est de toute réalité : la Cause, le Principe, la Source, l’Essence, la Vie. On peut main- tenant, appuyé sur Sa révélation dans l’Écriture sainte, tout affirmer de Dieu sans crainte de se tromper, on peut dire de Lui qu’Il est la Source première de toute réalité et de toute perfection. • Ce que nous disons de Dieu ne fait alors que manifester où nous en som- mes nous-mêmes, et de quoi nous sommes en quête : pour la créature déchue, Dieu est le salut et la résurrection ; pour ceux que meut un trouble impur, Dieu est saint raffermissement ; pour ceux qui demeurent fermes, Dieu est absolue sécurité ; pour ceux qui montent vers Lui, Dieu est une main secourable, etc. Dieu recevra alors autant de noms qu’il existe de situations humaines à partir desquelles on peut se rapporter à lui : Dieu est Celui aux noms multiples (poluonomos) et même le Seul aux noms en nombre infini (apeironumos). • Dieu est alors non seulement le divin Porteur de tous les noms, mais encore la Source suressentielle dont toute réalité reçoit son être et son nom. Dieu est donc tout à la fois tout ce qui est (Soleil, Étoile, Esprit, Rosée, Nuée, Roc absolu, etc. : rien de ce qui est n’existe en dehors de Lui) et rien de ce qui est (Dieu n’est limité par aucune des déterminations de ces choses finies et créées). Toute réalité, qu’elle soit sensible (une chose matérielle) ou intel- ligible (un nom ou une pensée) peut être appréhendée comme une théopha- nie, c’est-à-dire une manifestation de la « suressence divine », pour qui comprend que « tout vient de Dieu » (1 Corinthiens 11, 12), que « tout a été fait par et pour lui » (Jean 1, 3), que « tout subsiste en lui », que « tout est de lui, par lui, en lui et pour lui » (Romains 11, 36), et qu’en définitive « Dieu sera tout en tous » (1 Corinthiens 15, 28). • Toutefois, si Dieu se communique sans réserve et conformément à son infinie Bonté à toutes les créatures, Il le fait à chaque fois en respectant les faiblesses et les limitations de ces créatures : Dieu ne fait pas violence à la faiblesse des créatu- res. Il convient en cela au vrai théologien d’imiter la sagesse divine et de ne pas révéler au profane plus uploads/Religion/ des-noms-divins.pdf

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  • Publié le Aoû 21, 2021
  • Catégorie Religion
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