Terrain Numéro 55 (2010) Transmettre ..........................................
Terrain Numéro 55 (2010) Transmettre ............................................................................................................................................................................................................................................................................................... Arnaud Halloy « Chez nous, le sang règne ! » L’apprentissage religieux dans le culte Xangô de Recife (Brésil) ............................................................................................................................................................................................................................................................................................... Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Arnaud Halloy, « « Chez nous, le sang règne ! » », Terrain [En ligne], 55 | 2010, mis en ligne le 25 août 2010. URL : http://terrain.revues.org/index14049.html DOI : en cours d'attribution Éditeur : Ministère de la culture / Maison des sciences de l’homme http://terrain.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne à l'adresse suivante : http://terrain.revues.org/index14049.html Ce document est le fac-similé de l'édition papier. Cet article a été téléchargé sur le portail Cairn (http://www.cairn.info). Distribution électronique Cairn pour Ministère de la culture / Maison des sciences de l’homme et pour Revues.org (Centre pour l'édition électronique ouverte) © T errain 41 « Chez nous, le sang règne ! » L’apprentissage religieux dans le culte Xangô de Recife Arnaud Halloy Université de Nice-Sophia-Antipolis, Laboratoire d’anthropologie et de sociologie Mémoire, identité et cognition sociale arnaud.halloy@gmail.com Terrain 55 | septembre 2010, pp. 40-53 La quête de l’Afrique apparaît comme une constante depuis la formation des premières grandes maisons de candomblé 1 au Brésil, à la fin du xxe siècle. Assimilée à un retour aux sources de nature « mystique » ou « spirituelle » par ses membres, plusieurs auteurs ont montré de manière convaincante qu’une telle quête revêt également une forte dimension politique (Dantas 1982 ; Boyer-Araújo 1993 ; Capone 1996, 1999). Elle contribue à la construction d’un discours conduisant – non sans l’aide de certains anthropologues – à la hiérarchisation des modalités des cultes afro-brésiliens fondée sur la proximité, avérée ou imaginaire, avec lesdites « racines » africaines. Des voyages en Afrique, l’étude des langues et des systèmes oraculaires africains, le rejet d’un syncrétisme chrétien ou encore la manipulation des généalogies initiatiques comptent parmi les signes les plus visibles de cette recherche d’« authenticité » ou de « pureté » africaine (Capone 1996, 1999). Ces pratiques constituent une part importante de l’élaboration d’un modèle légitime d’« africanité », pierre angulaire du positionnement des cultes dans le vaste champ religieux afro-brésilien. À partir de mes recherches ethnographiques sur le culte Xangô de Recife – décrit par les afro-brésilianistes comme l’un des plus anciens et « traditionnels » du Brésil –, je m’efforcerai de nuancer ce modèle analytique en montrant que la formation d’un savoir « traditionnel » ne passe pas nécessairement par la poursuite d’un savoir africain « originel » mais bien, dans ce cas précis, par la valorisation d’un savoir et, surtout, d’un savoir-faire familial qui trouve sa légitimité dans ses conditions de transmission. En d’autres termes, perpétrer ou « inventer » une tradition, pour reprendre l’expression chère à Eric J. Hobsbawm (1983), consisterait à appren- dre à transmettre traditionnellement. L’objectif de cet article est de décrire les propriétés de ce « transmettre » coutumier par une analyse du discours des membres du culte sur la « tradition » ainsi que des pratiques qui l’actualisent. 1. Vraisemblablement d’origine bantoue, ce terme désigne la principale religion afro-bahianaise. Il est aujourd’hui fréquemment utilisé pour désigner l’ensemble des cultes afro-brésiliens proches d’un héritage africain. Candomblé peut également être employé comme synonyme de terreiro ou de casa-de-santo, la maison de culte. Bain de « feuilles » (amasí) pendant lequel la tête et le corps de l’initié sont « nettoyés ». (photos A. Halloy) 42 2. Je m’approprie ici une catégorie couram- ment employée par les membres du culte pour désigner l’ensemble des êtres peuplant le monde spirituel, toutes modalités de cultes confondues. 3. J’ai découvert cette dernière appellation dans mes recherches bibliographiques, les personnes avec qui j’ai mené mon enquête ne l’utilisant qu’à de très rares occasions. 4. Pai Adão est un des personnages les plus emblématiques du Xangô de Recife. D’après ses descendants actuels, le Pai Adão serait né en 1877 et aurait été le fils d’un esclave africain originaire de Lagos (Nigéria). Il aurait résidé à Maceió et à Bahia avant d’effectuer un voyage sur le continent africain dans la ville natale de son père. À la mort de Tia Inês, une des Africaines fondatrices du Sítio, il aurait pris en charge la direction de cette maison de culte qui allait ensuite porter son nom, et ce jusqu’à sa mort en 1936. Le culte Xangô de Recife Culte initiatique fondé sur le sacrifice animal et la transe de possession, le Xangô est organisé en « familles-de-saints », des communautés de culte qui reposent sur la création de liens initiatiques entre leurs membres, calqués sur le modèle de la famille biologique. Ainsi, les initiateurs sont appelés « père » et « mère-de-saint », les initiés, « fils » et « filles-de-saint » et les co-initiés d’un même initiateur, « frères » et « sœurs-de-saint ». Chaque maison de culte (terreiro ou casa-de-santo) est dirigée par un « père » et /ou une « mère-de- saint » et les relations initiatiques tissées entre initiés et chefs de culte sont à la base de la constitution de vastes réseaux « familiaux » reliant de nombreux temples entre eux. Cette organisation donne lieu à de constantes tensions et négociations relatives à la distribution et à la légitimation des savoirs et du pouvoir à travers le temps et l’espace (Maggie Alves Velho 2001 ; Capone 1999). Deux catégories d’« entités spirituelles2 » composent le panthéon du Xangô : les eguns ou ancêtres familiaux, et les orixás, les divinités d’origine yoruba associées aux éléments de la Paulo consulte l’oracle (Ifá) pour sa petite-fille afin de connaître ses orixás. « Chez nous, le sang règne ! » 43 5. Une dispute pour la succession du Sítio éclata en 1971 entre Malaquías Felipe da Costa, fils cadet du Pai Adão, et Manuel Felipe da Costa, fils de José Romão Felipe da Costa, un frère aîné de Malaquías. Ce conflit déboucha sur le départ de Malaquías et de ses descendants et initiés – la famille-de-saint sur laquelle j’ai mené mes recherches – ainsi que sur une nouvelle direction du Sítio assumée par Manuel « papai ». 6. Comme le nota Marion Aubrée (1984 : 234) lors de son enquête de terrain sur le site du Pai Adão au début des années 1980 : « Nous avons ici un cas très spécifique puisque c’est la famille génétique qui constitue le noyau de la famille symbolique. » 7. Ethnonyme endogène soulignant l’origine yoruba des esclaves africains ayant fondé le culte. 8. Fils aîné de Malaquías et patriarche de la famille-de-saint étudiée. 9. Un des fils de Paulo. 10. Un autre fils de Paulo. nature (rivière, mer, forêt, orage…) ou à certaines activités humaines (chasse, forge…). Selon les conceptions de la personne dans le culte des orixás, tout individu est le « fils » ou la « fille » d’une ou de plusieurs divinités. Les adeptes du Xangô distinguent l’orixá principal, appelé « orixá-de-tête » (orixá de cabeça) et le juntó ou adjuntó, celui qui, littéralement, « accompagne » l’orixá principal. L’identification des divinités d’une personne s’appuie tantôt sur la recon- naissance d’une série de traits physiques et /ou psychologiques habituellement associés aux « enfants » de telle ou telle autre divinité, tantôt sur la consultation de l’oracle qui, dans tous les cas, statuera définitivement sur l’identité des orixás d’un individu (Augras 1992 ; Goldman 1987 ; Lépine 2000 ; Segato 1995). L’histoire de la famille-de-saint étudiée ici se confond, du moins en partie, avec l’histoire du Ilê Obá Ogunte 3 – mieux connu sous la dénomination « Sítio de Pai Adão » – et, dans une certaine mesure, avec la genèse du Xangô de Recife au vu de l’influence que le Pai Adão4 et plusieurs de ses descendants ont exercée et exercent toujours sur cette tradition religieuse dans la capitale pernamboucaine5 (de Carvalho 1987). Quelle place attribuer à ces quelques élé- ments de l’histoire et de l’organisation sociale du Xangô de Recife dans les mécanismes d’éla- boration et de transmission de cette religion afro-brésilienne ? Deux modèles de transmission religieuse Transmission et consanguinité : une question d’héritage Comme nous venons de le voir, la plupart des leaders religieux de la famille-de-saint étudiée sont des descendants en droite ligne du célèbre Pai Adão6. Ce fut l’une des premières choses que j’appris et qui me fut répétée à maintes reprises au cours des entretiens menés avec ces uploads/Religion/ halloy-chez-nous-sang-le-regne.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 01, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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