1 Archimandrite Sakharov Sophrony La Prière, Expérience de l'éternité « Le Seig

1 Archimandrite Sakharov Sophrony La Prière, Expérience de l'éternité « Le Seigneur est ineffablement généreux, mais Il se donne à nous dans la mesure où, dans notre liberté, nous sommes prêts à Le recevoir », écrivait le père Sophrony. Mystère de la personne humaine et de la prescience divine : il y a des êtres qui, dès leur baptême, sont dévorés par la soif de l'absolu. Né à Moscou en 1896 dans une famille orthodoxe et nombreuse, le père Sophrony est de ceux-là. Dès son plus jeune âge, il est tourmenté par les grandes questions métaphysiques. Très vite, il prend conscience du caractère tragique de l’existence humaine, par la grande littérature russe, mais aussi par l’histoire, qui s’embrase dans les carnages absurdes de la Grande Guerre, et dans l’eschatologie sanglante de la révolution d'Octobre. Officier dans les troupes du génie, le père Sophrony n'ira pas au front. Mais il sera incarcéré deux fois par la Tchéka, la police des bolcheviques, dans la prison moscovite de Lioubianka. Alors que le monde extérieur bascule dans l'horreur et la barbarie, le père Sophrony connaît, lui, un véritable bouleversement intérieur : la « mémoire de la mort ». Non pas le simple memento mori cher à la tradition ascétique, mais une vertigineuse plongée de l'âme dans les gouffres du néant. Dans sa « mort », il a le sentiment que meurt en lui et avec lui tout ce qui a été englobé par sa conscience : le genre humain, le cosmos et même Dieu. Expérience puissante, dont il retire deux enseignements paradoxaux : une sensation profonde de la vanité de l'existence, une ouverture « en creux » au mystère de la personne - capable d'embrasser le créé et l'incréé - et à la réalité de l’Être infini. « En creux », car, à dix-sept ans, l’idée lui vient un matin que l'absolu ne peut pas être « personnel », que l’éternité contenue dans l’amour évangélique n'est que de la sentimentalité et du « psychisme digne de mépris ». Abandonnant le Dieu vivant de son enfance, il se tourne alors vers le mysticisme de l'Orient non chrétien. Il pratique une forme de méditation orientale, travaille à dépouiller son mental de toute forme relative. Confondant l'individu et la personne, il sert, comme il le dira plus tard, « le dieu des philosophes qui, en réalité, n'existe pas ». Parallèlement, il s’adonne à sa grande passion, la peinture, qu'il a étudiée à l’École nationale des beaux-arts à Moscou. Mais les troubles de la révolution bolchevique perturbent son travail. Il décide d'émigrer. Après un passage en Italie et en Allemagne, il arrive à Paris en 1922. Rapidement, il a l’occasion d’exposer dans ces illustres temples de l'art moderne que sont le Salon d’automne et le Salon des Tuileries. Recherche de l’invisible derrière le visible, la peinture, si elle lui procure des « instants de fine jouissance », ne le satisfait pas : « Les moyens dont je disposais étaient impuissants à rendre la beauté qui règne dans la nature. » Et puis, un jour, Celui que le père Sophrony avait abandonné se manifeste à lui. Expérience bouleversante, à laquelle un texte de la Bible va donner son vrai sens: JE SUIS CELUI QUI SUIS (Ex 3, 14). Comment le Dieu sans commencement, créateur et maître de tout l’univers, peut-Il dire : « Je suis » ? « Tournant dans l'histoire de l'humanité », cette révélation à Moïse de l’Être absolu comme « personne », « hypostase », est pour le père Sophrony un véritable chemin de Damas. « Grand est le mot « Je », écrit-il. Il désigne la personne. Seule la personne vit réellement. Dieu est vivant parce que hypostatique. Le contenu de cette vie, c'est l'amour. Parce que Dieu dit « Je », l'homme peut dire « tu ». Dans 8 mon « je » et dans son « tu » se trouve tout l’Être : et ce monde et Dieu. Hors et au-delà de Lui, il n’y a rien. Si je suis en Lui, alors moi aussi « je suis mais si je suis hors de lui, je meurs. » « Fait suprême et primordial de l’Être », ce principe hypostatique a un nom et un visage, redoutables de force et de sainteté : Jésus-Christ. « Sans Lui, je ne connais ni Dieu ni l'homme 2 », écrit le père Sophrony. Qui contemple dans le Fils incarné du Père le dessein prééternel de Dieu sur l'homme : le salut comme déification. « L’homme est plus qu’un microcosme, il est un microthéos. » Puisque le Créateur, prenant une forme d’esclave, s’est rendu en tout semblable à l'homme, l'homme a la possibilité de devenir en tout semblable à Dieu. Pour le père Sophrony, la sainteté n’est pas d'ordre éthique, mais ontologique : « Saint n’est pas celui qui a atteint un degré élevé dans le domaine de la morale humaine ou dans une vie d'ascèse et même de prière (les pharisiens aussi jeûnaient et disaient de « longues » prières), mais celui qui porte en lui le Saint-Esprit. » Joie infinie, cette autorévélation de Dieu est aussi pour le père Sophrony la source d’une « douleur qui sera le leitmotiv de toute sa vie en Dieu ». Car, en se révélant à lui tel qu’I1 est, Dieu lui permet de se voir tel qu'il est, dans le fond le plus intime de son être. Illuminant son âme, l’Esprit saint lui fait voir la profondeur de son péché et de ses ténèbres intérieures. Péché non pas comme transgression d’une norme éthique, mais comme ignorance du Dieu véritable, refus de l'amour du Père, « séparation d’avec la source ontologique de notre être ». Découvrant avec effroi son « cadavre intérieur », le père Sophrony entre alors dans « l’enfer du repentir ». Un don du ciel, « plus grand que de voir les anges », qu'il considère comme sa troisième naissance, après celle selon la chair et celle selon l'Esprit. Indignité, honte, désespoir, haine de soi, les sentiments les plus extrêmes le terrassent. Comme Pierre après son reniement, il verse des larmes « à se broyer les os ». Pourtant, loin de l’anéantir, cette souffrance métaphysique, pire que la plus grande douleur 9 physique, refond sa nature créée, fait surgir en lui « un autre regard, une autre écoute, l’énergie d'une vie nouvelle ». Du Feu qui consume les passions et purifie à la Lumière qui illumine, il y a un passage dont le père Sophrony recevra la grâce en 1924. La veille de Pâques, juste après la communion, Dieu en effet le visite et lui donne de contempler la Lumière incréée de son Royaume. «Je la perçus comme une touche de l'éternité divine sur mon esprit. Douce, remplie de paix et d'amour, elle demeura avec moi pendant trois jours. Elle dissipa les ténèbres du néant qui se dressaient devant moi. Je ressuscitai et, en moi et avec moi, le monde entier était ressuscité. Le seul véritable esclavage est celui du péché. La seule véritable liberté, c'est la résurrection en Dieu. » Liée à sa connaissance pratique de la mystique orientale, cette expérience de la Lumière incréée, qu'il ne cessera d’approfondir, donnera au père Sophrony une vision pénétrante des différents modes de contemplation, divine, humaine ou démoniaque. Son discernement en fera, dès son installation en Occident, un interlocuteur privilégié de nombreux aventuriers de l'esprit. Nul mieux que lui na montré les illusions et dangers de certaines formes de gnose et de mystique naturelle, fondées sur les méthodes psychotechniques : confusion entre la Lumière incréée (qui vient de Dieu) et la lumière créée de l’intellect (qui n'est que son reflet), autodéification via l'identification de la nature de l'homme à celle de Dieu, pacification intérieure qui n’est souvent qu'une forme de « quiétisme », incompatibilité entre la méditation (détente) et la prière (tension extrême), dissolution de la personne humaine dans « l'immuable océan de l’absolu impersonnel ». Pour le père Sophrony, « la vision de la Lumière incréée est indissolublement liée à la foi en la divinité du Christ ». Elle en découle et la confirme. Nombreux sont les guénoniens, schuoniens, bouddhistes et autres gnostiques que le Christ a convertis à partir de leur rencontre avec le père Sophrony. 10 À l'évidence, Pâques 1924 marque un tournant dans la trajectoire du père Sophrony. L’Esprit saint, comme il le dira, « a versé dans son cœur une inspiration qui ne le quittera plus ». Il lui a donné la «folle audace » nécessaire pour être chrétien. Une vie nouvelle commence. Il se plonge à corps perdu dans la prière, « Vivante rencontre de notre personne créée et de la Personne divine ». Il se sent placé devant un choix radical : soit l'adoption filiale par Dieu le Père, soit les ténèbres du non-être. « Il n’y a pas de voie intermédiaire », estime-t-il. Dans son cœur, une bataille terrible oppose son amour du Christ à sa passion de l'art, qui « le possède 3 comme un esclave ». Après des mois de uploads/Religion/ la-priere-experience-de-l-x27-eternite.pdf

  • 24
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Sep 25, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.4614MB