Dieu sauve : le salut en Jésus-Christ Une approche du salut par une démarche qu

Dieu sauve : le salut en Jésus-Christ Une approche du salut par une démarche qui présuppose la confession de foi de l’Église. Quelle cohérence et pertinence pour aujourd’hui ? Il serait possible de recueillir le point de vue de l’histoire ou des autres sciences humaines, comme nous pourrions privilégier une approche biblique ou bien considérer comment tel ou tel philosophe a réfléchi cette notion de salut. Mais mon but n’est pas de faire, ici, la synthèse de toutes ces approches, mais plutôt, par une démarche qui présuppose la confession de foi de l’Eglise, d’en dégager la cohérence et la pertinence pour aujourd’hui. En ce début de Carême, je vous propose de réfléchir à la notion de salut en Jésus-Christ. La période liturgique y invite tout particulièrement. Mais ce n’est pas la seule raison ! Ouvrez, par exemple, la nouvelle édition de « Matins d’Évangile ». De nombreuses fiches approchent cet article de foi. Si chacun de nous n’hésite pas à dire que Dieu sauve, cela ne signifie pas pour autant que nos idées soient claires sur le sujet. Que disons-nous lorsque nous soutenons, à un catéchumène par exemple, que le salut est donné en Jésus-Christ ? Et nous savons bien que la question se pose pour quelqu’un qui entre dans la foi de l’Eglise lorsque vient le temps de travailler, avec lui, le Credo : « Pour nous les hommes et pour notre salut, disons-nous, il descendit du ciel, par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie et s’est homme. Crucifié sous Ponce Pilate, il souffrit sa Passion et fut mis au tombeau pour ressusciter le troisième jour, conformément aux Écritures ». Quel éclairage donnons-nous à cette notion de salut ? Tel est l’objet de ce dossier que nous ouvrons aujourd’hui. La question du salut en tant que telle Remarquons tout d’abord que si nous pouvons réfléchir à cette question du salut, c’est parce que les premières communautés chrétiennes sont porteuses d’un message de salut. Joseph Moingt, dans son livre L’homme qui venait de Dieu1 parle de la « rumeur de Jésus ». Et le terme est fort justement employé. Il s’agit bien d’une rumeur car, pour nos pères dans la foi2, le salut devait être annoncé en peu de mots. De cette rumeur qui s’est répandue dans les pays méditerranéens, quelques caractéristiques peuvent être mises en avant : Tout d’abord, le monde dans lequel cette annonce s’est propagée attendait le salut. Les paroles de Zacharie, au moment de la naissance de Jean Baptiste, sont sans équivoque : « Béni soit le Seigneur le Dieu d’Israël Il a fait surgir la force qui nous sauve Dans la maison de David son serviteur Comme il l’avait dit par la bouche des saints Par ses prophètes depuis les temps anciens » Luc 1, 68-70 Israël attendait le salut comme les nations étaient elles-mêmes en quête de salut. L’époque hellénistique témoigne de cette recherche dans les religions dites à mystères ou les écrits de littérature gréco-romaine. Et si les Pères de l’Eglise ont fait cet effort immense pour montrer combien l’annonce chrétienne correspondait à l’attente d’Israël et des nations, c’est parce que ce monde attendait le salut. Mais – seconde caractéristique – cette annonce chrétienne de salut a rencontré de nombreuses oppositions. Pensons à celle des juifs, celle des grecs ou des romains qui ne reconnaissaient pas cette nouvelle religion, sans oublier la gnose pour qui salut et connaissance de Dieu3 sont étroitement liés. Troisième caractéristique. L’annonce chrétienne de salut était liée à un événement bien précis : l’Incarnation de Dieu dans l’histoire de l’humanité. La foi chrétienne repose sur un événement au travers duquel Dieu se communique lui-même par un homme et en un homme. Le salut n’est pas simplement lié à une amélioration du régime de la Loi et du Temple. Il est référé à aux actes et paroles de Jésus de Nazareth, à sa mort et à sa résurrection d’entre les morts. Et dès lorsqu’il est confessé, il est à son tour source de salut : « Si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur et si ton cœur croit que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé » (Rm 10,9). Quatrième caractéristique. Cette annonce de salut était diffusée par une communauté dont les membres avaient tous fait l’expérience d’être sauvés personnellement. La reprise des paroles et des gestes du Seigneur, les relations qui s’instaureront entre les personnes, notamment envers les plus pauvres etc. donneront à cette communauté une identité marquée par une fraternité et communion agissante. Cinquième caractéristique : ce salut annoncé parle d’un accomplissement à venir. Terre nouvelle, cieux nouveaux ne sont pas encore là ; ils sont promis. C’est pourquoi l’annonce chrétienne de salut s’exprimera sans cesse dans une prière qui implore la venue de ce Jour : « Viens, Seigneur Jésus » (Ap 22,20). Cette proposition chrétienne de salut a connu quelques difficultés plutôt internes au cours des siècles. La querelle pélagienne au cours du Vème siècle, comme la scission entre catholicisme et protestantisme en sont des moments de l’histoire de l’Eglise que nous ne pouvons ignorer. Mais ce passé n’a rien de commun avec les temps actuels, souvent qualifiés de « modernité ». Ceux-ci dressent de nouveau pour l’Eglise un certain nombre d’obstacles à franchir. Obstacles actuels Il importe d’identifier les raisons qui font que la proposition chrétienne du salut rencontre, depuis plusieurs années, un certain nombre d’obstacles. Nous en avons recensé sept : les deux premiers datent quelque peu et sont aujourd’hui, pour une part, surmontés. Les suivants sont plus récents et constituent de vrais défis pour notre époque ou pour les catéchumènes que nous rencontrons. 1. Le premier obstacle est lié à ce qu’on appelle la modernité. Vous savez que celle-ci se caractérise, entre autres, par l’affirmation d’autonomie de tout individu. Cette requête d’autonomie est légitime et heureuse mais a menacé en son temps la proposition chrétienne du salut. Elle cautionnait en effet une dangereuse émancipation de l’homme par rapport à Dieu, voire une volonté de tout être humain de s’affirmer lui-même contre Dieu. C’est cette crainte qui a inspiré la réflexion du Père de Lubac dans son livre Le drame de l’humanisme athée. Il dénonce « l’humanisme athée » que certains philosophes (Nietzsche, …) appellent de leurs vœux et considèrent comme l’aboutissement de la requête d’autonomie. C’est la même crainte qui contribue à expliquer les prises de position de ce même théologien contre la théorie de la « nature pure » où Dieu se trouve comme expulsé de la vie sociale et où le surnaturel n’a plus aucune place. Mais n’entrons pas dans tous ces arguments et retenons que l’homme moderne a tellement pris acte de son autonomie qu’il se pose non seulement en face de Dieu mais contre lui, ou, si l’on veut, qu’il se sauve lui-même au lieu d’attendre son salut de Dieu seul. L’obstacle était de taille, mais il a été surmonté par l’apport d’autres théologiens. Ainsi est-il grâce à Karl Rahner, par exemple. Il a montré avec force que la requête d’autonomie n’entraînait pas nécessairement les excès dénoncés par le Père de Lubac, qu’elle était en elle-même bonne et voulue par Dieu C’est parce que l’homme est vraiment créé qu’il est livré à luimême comme un sujet libre et autonome, qui a vocation d’accueillir le salut mais auquel le salut ne peut s’imposer pas au détriment de sa liberté et de son autonomie. Plus radicalement, l’obstacle a été surmonté dans la théologie d’E.Jüngel, où l’homme a la possibilité d’être humain sans référence à Dieu. Du coup, l’auteur invite à penser Dieu non pas comme une nécessité qui s’imposerait à l’homme mais comme le Dieu plus que nécessaire, s’offrant à l’homme sans autre raison que la pure gratuité de l’amour. 2. Deuxième obstacle, relativement ancien lui aussi et relativement surmonté : l’objection, vigoureusement formulée depuis Karl Marx, selon laquelle le christianisme ne s’intéresserait qu’à un salut transhistorique. Il servirait ainsi de caution pour maintenir le statu quo de sociétés structurellement marquées par la confiscation des moyens ou biens de production et par l’exploitation des uns par les autres. Cet obstacle n’a pas résisté, dans le courant du XXème siècle, à la pression de plusieurs facteurs : d’abord la prise de conscience, par certains théologiens des années 1930- 1940, du caractère social du christianisme (cf le livre du Père de Lubac, Catholicisme, paru en 1938) ; puis le témoignage concrètement donné par des chrétiens qui, durant la seconde guerre mondiale et dans les années suivantes, ont su manifester leur préoccupation de la terre et de l’avenir de nos sociétés : époque où « celui qui croyait au ciel » et celui qui n’y croyait pas » pouvaient se battre ensemble sur le terrain, là où la liberté et la justice étaient en cause. Enfin, dans les années 1960, la rénovation de l’eschatologie chrétienne, déjà au temps du concile (avec l’insistance de Gaudium et spes sur l’engagement dans la cité terrestre), et plus radicalement dans la théologie post-conciliaire –que ce soit sous la forme de la Théologie uploads/Religion/ histoire-du-salut.pdf

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  • Publié le Mai 20, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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