L'AN MILLE ET LA CREATION ARTISTIQJ}E ALAIN ERLANDE-BRANDE.NBURG UDC: 7.033(4),
L'AN MILLE ET LA CREATION ARTISTIQJ}E ALAIN ERLANDE-BRANDE.NBURG UDC: 7.033(4),,100" 930.85(4),,100" Original scientific paper Manuscript received:15. 02. 2000. Revised manuscript accepted: 01. 04. 2000. A. Erlande-Brandenburg Ecole nationale d~ chartes 1.9, rue de la Sorbonne Paris France Les annees qui toument autour de I'an mille petmettent de luger de fa St"tuation de fa creatz"on dans Ie domazne de I'an. Le tableau est tres profondement diverStfie a I'z"mage de fa realire nouvelle. II a fallu pres de trois quarts de siecle pour qu'z"l se stabilise a nouveau. Les transforma- tions politiques et sociales ant considerablement transforme les conditions de la creation. ucfatement du monde carolingz"en n' a pas eu que des co1!;Sequences politiques. II a provoque un bouleversement des rapports entre les etres et a accelere Ie processus d'atomisatz"on du pouvoi1: Tout sezgneur retient une pan de I'autorite publz"que, dans taus les domaines dont celui de fa creation. Parnecessite'; il devient un maitre d' ouvrage en puissance. La multzpltcatz"on de fa demande a abouti a une amplification des commandes et a leur diversire. A fa difference de I' epoque carolingienne et du monde antique, l'Empereur n' est plus I'incz"tateur quz" utilise au besoin des refais. ou a des ideologies panz"culieres. L'egoisme du sezgneur dans sa volante de puissance s'y exprime, comme sa soil d' dbsolu dans sa preoccupatz"oit de I' au-dela II en va de mime de I' eveque ou de I' abbe qui cherche a repondre aux besoz"ns de la communaute. L'evocation de l'an mille a toujours provo que chez les historiens des reactions exacerbees. II a fallu attendre les periodes recentes pour que l'imaginaire des hommes ne soit plus hante par la vision catastrophique qu' alimentaient les fameuses terreurs. Les intellectuels du XV' siecle obse- des par l'antiquite, ne pouvaient que se montrer critiques, envers une periode si eloignee de leur interet. lIs noircirent a dessein un tableau qui s'est impose depuis. Aujourd'hui encore les appreciations se montrent divergentes, certains historiens tout en renon~ant a un tableau deliberement noirci, inclinent a penser que l'an mille s'inscrit davantage dansla continuite que dans l'annonce de temps nouveaux!. D'autres au contraire ontmis en evidence l'emergence d'un rythme different prometteur d' avenir2 .La voix des archeo- logues et des historiens de l' art n' a guere ete prise en compte par les uns et par les autres ce qui les prive d'une source d'information exceptionnelle. Et pourtant l'un d'entre eux, Ie plus brillant qui plus est, s'etait penche sur la question et avait propose d'y voir une des dates char- nieres du Moyen Age occidental. Cette absence d'ecoute est d'autant plus etrange que Focillon, dans son regard circulaire, faisait reuvre d'historien. II pla~ait au centre de ce qu'il considerait comme un des grands moments, l'hom- me et les valeurs humaines3. Depuis la publication de cet ouvrage, conclusion des etudes qu'il avait lancees, les ar- cheologues et les historiens ant opere une large moisson qu'il ne peut plus etre question de passer SallS silence. II s' en est degage des personnalites de premier plan, decideurs mais aussi acteurs; un renouvellement d'appreciation des reuvres aboutissant a une nouvelle hierarchie ; une chrono- logie en grande partie renouvelee. Le bilan qu'invite a faire Ie troisieme millenaire et les perspectives de recherche s' appuient en France sur une reflexion qui s' est concretisee lors de la commemoration en 987 de l'election d'Hugues Capet au trone4. Depuis lors les etudes se sont poursuivies sans relache, aboutissant a la reconnaissance de l'an mille comme un noeud essentiel dans l'histoire occidentale, et non pas comme une date fetiche. II se revele indispensable pour mieux saisir les nouveautes de rappeler que la periode precedente s'inscrivait dans une perspective differente. C'est ainsi que l'on saisira l'ampleur des transformations des conditions de la creation. L'uERffAGE CAROIJNGIEN Les hommes de l'an mille ant herite d'un grand reve vaincu. l' aventure carolingienl"\e s' est revelee etre Ie dernier spasme d'une civilisation qui refusait de mourir. Les souve- rains avaient reussi a creer, cantle les forces centrifuges, un empire chretien qu'ils ant inscrit dans la tradition de Cons- tantin. IIs avaient neanmoins rompu avec leur modele dans Ie domaine territorial: ils s' etaient etendus a I 'Est, mills avaient dft renoncer au pourtour de la Mediterranee. La capitale ne pouvait plus etre Rome ou Constantinople impregnees l'un et l'autre de memoire chretienne, mills line obscure ville d' eauAix -la -Chapelle : sa situation geographique etait mieux adaptee a la realite territoriale. Elle se revela bientot trap etendue pour etre efficacement defendue cantle des ennemis exterieurs aussi entreprenants que nombreux. Les forces de dislocation etaient appelees a triompher. Le Partage de Ver- dun, en 843, a ete la premiere remise en cause del'utopie unitaire. 11 ne suffit pas a mettle un terme a une atomisation qui a paru sans fin. L'etat de droit, herite de l'epoque an- tique, disparaissait au profit d'un systeme ou les liens d 'hom- me a hornrne et Ie lignage devenaient prioritaires. La societe s'est recomposee suivant un systeme qui a mis au sammet de la pyrarnide, Ie seigneur. La volante de reconquete de la puissance publique va provoquer des luttes incessantes entre les differents seigneurs qui ant cherche dans un se- cond temps a faire se recouvrir les notions de souverainete et de suzerainete. De nouveaux ensembles se sont consti- tues grace a l'ambition de certains; ils ant ete plus vastes, parfois ,plus homogenes. l' an mille voit Ie jour dans un paysage politique aux multiples seigneurs. Aucun n' emerge encore, lien ne laissait prevail que l'election d'Hugues Ca- pet devait inscrire cette famille dans la longue duree. A. Erlande-Brandenburg : L'an mille et la.. 17 j~~;:~-:-::~ ; / I Fig. 2. La motfe d'Olivet, a Grimbrosq (Calvddos). Reconstitution. V" ~ ~ "' chit..u' . ."',s"s p., '.s ,.,r.. .a"..t.. p.' r.,ch"'09" L~ situation de l'Eglise n'etait pas mains complexe. Certes dans Ie delabrement general de la societe, elle de- meurait Ie garant d'une unite politiquement eclatee. Elle etait surtout Ie conservatoire de la culture, de la memoire et de la science par defaillance complete du monde laIc. Elle facilitait la communication entre les peuples aux langues vernaculaires par l'emploi d'un langage qui trouvait dans Ie passe son origine et qui etait surtout international. Ces atouts auxquels taus etaient sensibles se trouvaient contre- balances par de graves handicaps. Le premier et Ie plus grave avait ete, aI' epoque carolingienne, sa mise en tutelle politique mais aussi spirituelle. Elle se trouvait maintenant en butte aux ambitions des seigneurs qui, en recuperant des parcelles de l'autorite publique cherchaient a s'intro- duire dans son maillage. La lalcisation de I' eglise ne relevait pas de l'utopie, elle se profilait a l'horizon, elle etait line menace. La reaction qui s'imposait, rut Ie fait aussi eton- nante que la chose puisse paraitre, d'un puissant seigneur laIc, Guillaume d'Aquitaine, qui fonda en 909, en Bour- gagne, l'abbaye de Cluny. IlIa confia a des benedictins et pour la libeler de toute entrave politique ou religieuse, la soustrayanta toute obedience et la rattachant directement a Rome. L' empire que constitua la jeune institution a travers l'Europe, en fit l'une des forces majeures du XIe siecle. Le mouvement reformateur eut d' autres incidences: la creation de nouveaux oldIes ; sa prise en compte par Ie clerge secu- lier. L' election d 'un de ses zelateurs sur Ie trone pontifical en 1073, Gregoire VII lui a donne son appellation. Fig. 3. La matte de /a Ferte-en-Braye. determinante. Sa responsabilite concernait Ie domaine fi- nancier, illui revenait egalement de definir Ie programme. L'eclatement de la puissance publique au profit de multi- ples intervenants allait, par v9ie de consequence etendre, leur reconnaitre des responsabilites. Au maitre d' ouvrage unique succedait, pour la premiere fois dans l'histoire, un nombre impressionnant de commanditaires, religieux ou lalcs, qui ant eu taus a creur d'assurerleur role.lls yrepon- daient avec leur gout, avec leurs possibilites financieres. Tenant compte de celles-ci, il avait la liberte de choix du programme, des hommes. La question ne soulevait guete de difficultes chez leg lalcs ; a cette epoque, il apparait que leg religieux ant joui d'une tres grande latitude. Elle etait tres grande chez leg eveques a qui leur hierarchie faisait confiance. Elle existait chez leg benedictins.1l a fallu attendre Ie XIIe siecle pour que leg ordres nouvellement fondes se montrent plus attentifs : chez leg Cisterciens comme chez leg Grandmontains. En l'an mille, il ne pouvait etre ques- tion de se montrer soucieux lorsque naissait une initiative. La prodigieuse activite qui se fit jour dans la plupart des domaines, mills principalement dans celui de l'architecture en a ete la consequence. Ce changement radical allait en- trainer un autre du cote artistique. La demande nombreuse et variee, allait soulever des problemes inconnus jus- qu'alors. On verla comment ils ant ete resolus. LES MAiTREs D'OUVRAGE IAlCS LES NOUVEAUX COMMANDO'AIRES Ces remarques pourraient paraitre trop generales. Elles sont en fait indispensables pour saisir l' ampleur du change- ment des conditions de la creation artistique. L' epoque carolingienne s'inscrivait sur ce point dans la tradition ro- maine uploads/Religion/ hortus-artium-medievalium-volume-6-issue-2000-doi-10-1484-j-ham-2-305178-erlande-brandenburg-alain-l-x27-an-mille-et-la-creation-artistique.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 24, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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