H O M O RELIGIOSUS 7 ÉRASME ET LA MONTÉE DE L'HUMANISME NAISSANCE D'UNE C O M M
H O M O RELIGIOSUS 7 ÉRASME ET LA MONTÉE DE L'HUMANISME NAISSANCE D'UNE C O M M U N A U T É EUROPÉENNE D E LA CULTURE édité par Julien RIES contributions de Jean-Pierre MASSAUT, Julien RIES, Jean-Michel COUNET, Jean-Claude MARGOLIN, Monique M U N D - D O P C H I E , Jean-François GILMONT, Christian L O U B E T , Françoise PICHON CENTRE D'HISTOIRE DES RELIGIONS Chemin du Cyclotron, 2 B-1348 LOUVAIN-LA-NEUVE D / 2 0 0 1 / 2 6 8 4 / 2 2 0 0 1 2 0 J.-P. MASSAUT ΟΚΙΕΝΤΑΉΟΝ BIBLIOGRAPHIQUE Sur Érasme, nous ne citerons que le récent et remarquable ouvrage de Léon-E. H A L K I N , Erasme parmi nous, Paris, Fayard, 1987, qui comporte une importante bibliographie. Sur la Renaissance et l'humanisme, signalons: E. CASSIRER, individu et cosmos dans la philosophie de la Renaissance, trad, de l'allemand par P. QUILLET, Paris, 1983. A. ( ^ A S T E L , Art et humanisme à Florence au temps de Laurent le Magnifique, Paris, M. DE GANDILLAC, La philosophie de la Renaissance, dans Histoire de la philosophie (Encyclopédie de la Pléiade), t. Il, Paris, 1973, pp. 3-358. H . D E LUBAC, Pic de la Mirandole, Études et discussions, Paris, Aubier, 1 9 7 4 . J. DELUMEAU, La civilisation de la Renaissance (Coll. "Les Grandes Civilisations"), Paris, 1967,-éd. de poche, 1984. S. DRESDEN, L'humanisme et la Renaissance, Paris, 1967. E. G A R I N , La Renaissance. Histoire d'une révolution culturelle, Verviers, 1970. M.P. GILMORE, Le monde de l'humanisme, 1453Ί517, Paris, 1955. R. MARCEL, Marcile Ficin, Paris, 1958. J.C MARGOLIN (éd.). L'avènement des temps modernes 1492-1559 {CoW. "Peuples et civilisations"), Paris, 1977. Ch. T R I N K H A U S , in our image and Likeness. Humanity and Divinity in Italian Humanist Thought, 2 vol., Chicago-Londres, 1970. LES HUMANISTES, PIONNIERS DE LA RENCONTRE DES RELIGIONS Julien RIES UCL Louvain-La-Neuve Le mot humanisme date du XIX' siècle. Il fut d'abord utilisé pour désigner la période de l'histoire que Myron Gilmore de l'université de Harvard situe entre la chute de Constantinople en 1453 et la révolte de Luther en 1517'. A propos de ce vaste mouvement culturel, intellectuel, religieux et social qui a opéré une profonde mutation dans la conception de l'homme et de la société au cours du XV siècle et a préludé à la Renaissance, les historiens des idées et de la culture ont longuement discuté. A l'heure actuelle l'accord semble se faire sur un point: le vrai manifeste de l'humanisme fut le De dignitate hominis de Pic de la Mirandole, publié en 1486^ Sans cesse le vocable humanitas revient sous la plume de Pico, de Thomas More, de Guillaume Budé, de Marsile Ficin, de Juan Vivès, de Lefèvre d'Etapies, afin d'exprimer l'accomplissement intellectuel, moral, religieux, physique et esthétique de l'homme. Pour réaliser son idéal l'homme se tourne vers les grands horizons et explore la culture antique: Rome et Athènes, le platonisme et le stoïcisme, l'héritage juif et l'Islam. A partir de Nicolas de Cuse le mot concordia balise le même sentier des humanistes qui s'en servent pour s'opposer aux affrontements religieux, politiques et militaires, lot quotidien de cette époque de mutation. Humanitas et concordia définissent les deux axes d'un projet de société élaboré lentement par des intellectuels, par des artistes et des poètes, par des juristes et des théologiens, par des mécènes, des laïcs et des hommes d'Église qui tentent d'apaiser les conflits dans la cité terrestre et dans l'Église du Christ. 1. M.P. GILMORE, Le monde de l'humanisme, 1453-1517, Paris, Payot, 1955. Fr. HERMANS, Histoire doctrinale de l'humanisme chrétien, 4 vol., Tournai, Castcrman, 1948. 2. G. Pico della Mirandola, De la dignité de l'homme. De hominis dignitate, trad, et présenté par Yves HERSANT, Combas, Ed. de l'éclat, 1993. Olivier BOULNOIS et Giuseppe TOGNON, Jean Pic de la Mirandole, Oeuvres phibsophiques, texte latin er traduction, Paris, PUF, 1993, p. 2-71, Coll. Epirhémée. 22 J. RIES LES HUMANISTES. PIONNIERS DE LA RECONTRE DES RELIGIONS 23 I. NICOLAS DE CUSE (1401-1464), UN ÉVEILLEUR ET UN PRÉCURSEUR 1. Une formation européenne Né à Kues, une ville de la Moselle enchâssée dans les vignobles entre Trêves et Coblence, Nicolas Krebs que la postérité va connaître sous le nom de Cusanus ou Cusano est un des grands penseurs du XV siècle: philosophe platonicien et thomiste, mathématicien, initié aux sciences de son temps comme l'astronomie et la mécanique étudiées à Heidelberg, à Padoue et à Cologne, théologien et juriste^ En 1417 il commence le droit à Padoue, où durant six ans il vit au contact des artistes italiens et des humanistes imprégnés d'hellénisme. Après son ordination sacerdotale à Rome en 1425, il va à Cologne achever sa formation théologique au confluent du courant thomiste et de la mystique rhénane imprégnée des idées du Pseudo-Denys et de toute la mouvance néo- platonicienne des V' et VF siècles: harmonie céleste, concordance, correspondance entre les hiérarchies divines et le monde des hommes. Très vite il sera connu comme canoniste et va occuper le poste de doyen de l'église St Florin de Coblence. En 1431, le pape Eugène IV convoque le concile de Bale afin de donner une réponse à la difficile question de la primauté du pape ou du concile comme autorité dans l'Église. Nicolas y est envoyé comme expert. Les discussions s'éternisent et, comme au concile de Constance en 1418, l'échec se profile à l'horizon. En vue de sauver la situation le Cusain publie en 1433 le De concordantia catholica, un ouvrage dans lequel il donne une grande place aux premiers conciles orientaux. Bientôt des voix se font entendre pour réclamer un concile de l'union des Eglises. En 1436 s'achève le concile de Bale mais une nouvelle étape va commencer'*. 2. Entre l'Occident et l'Orient A Bale les idées du Cusain sur la concorde dans l'Église et sur la réconciliation entre l'Orient et l'Occident apparaissaient comme le prélude d'une époque rénovatrice. En août 1437 il reçoit du pape la mission d'aller avec une délégation à Constantinople afin d'Inviter à un concile le patriarche d'Orient et des délégués de l'Église grecque. Nicolas ne perd pas son temps. 3. E. VANSTEENBERGHE, Le cardinal Nicobs de Cues, Paris, 1921. M . DE GANDILLAC, La vie et l'œuvre, clans Œuvres choisies de NicoLs de Cues, Paris, Aubier, 1942, pp. 5 - 4 8 . La graphie française adaptée est Cuse si o n la fait dériver du latin Cu.sa ou Cues si on la fait dériver de Tallemand Kues. N o u s adoptons Cuse comme fait le Robert des n o m s propres. 4. Nicolas de Oies, Concordance catholique, Introd. et analyse par J. DOYON er J. TCIIAO, tr. par R. GALiBOiSet M. DE GANDILIAC, Université de Sherbrooke, 1977. Non seulement il rassemble de nombreux textes grecs, il prend contact avec des Turcs et des notables musulmans et il ramène à Venise puis à Florence une délégation de spécialistes de l'Église orthodoxe. Le concile de Ferrare-Florence peut commencer en 1438. Au contact des Grecs, en méditant les textes du Pseudo-Denys, Nicolas a une illumination venue "du Père des lumières": il va en faire le fondement de sa philosophie. C'est le principe de la coïncidence des opposés dont il publie un Traité commenté en 1440, De docta ignorantia. Il explique que "le fmi est fini et que l'infmi est sans proportion avec le fini". Sur la métaphysique de la coïncidence des opposés le Cusain va bâtir sa construction du dialogue des religions et des cultures. "Si on lit ce que j'ai écrit dans divers opuscules, on verra que j'y use fréquemment de la coïncidence des opposés et que je m'y efforce souvent de conclure en faisant appel à une vision intellectuelle qui dépasse la puissance de la raison"^ Pour le Cusain le principe de la Coincidentia oppositorum se trouve à la base d'une rénovation de toutes les disciplines du moyen âge finissant. C'est à partir d'exemples tirés des connaissances de l'homme, de la nature et surtout des mathématiques qu'il propose un sentier d'analogies destinées à faire comprendre comment des contradictoires peuvent coincider"^. A ses yeux, toute recherche est comparative et le nombre, synthèse de l'unité et de l'altérité, est bien la clé universelle des proportions. Les nombreuses charges qui vont peser sur ses épaules à partir de son cardinalat en 1448 l'empêcheront de mener à bien sa réflexion sur "la coïncidence des opposés" dont il voulait faire une méthode de rénovation dans le domaine de la pensée. Il devra se contenter de répondre à ses contradicteurs qui s'inspiraient de l'aristotélisme. C'est au cours des négociations avec les orientaux que Nicolas de Cuse a pu réfléchir sur le problème de l'unité et de la communion. Il est arrivé à la conclusion que dans le domaine religieux, la diversité des rites est compatible avec l'unité de la foi. En 1450, à l'occasion du grand jubilé, le nouveau cardinal est chargé de proclamer la vraie doctrine catholique en Allemagne, en Bohême et dans les uploads/Religion/ julien-ries-erasme-et-la-montee-de-l-x27-humanisme-pdf.pdf
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- Publié le Mar 15, 2021
- Catégorie Religion
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