Quelques remarques sur le motif de l'enroulement du ciel dans l'iconographie by
Quelques remarques sur le motif de l'enroulement du ciel dans l'iconographie byzantine du Jugement Dernier Victoria KEPETZI Δελτίον XAE 17 (1993-1994), Περίοδος Δ'. Στη μνήμη της Ντούλας Μουρίκη (1934-1991)• Σελ. 99-112 ΑΘΗΝΑ 1994 Victoria Kepetzi QUELQUES REMARQUES SUR LE MOTIF DE L'ENROULEMENT DU CIEL DANS LTCONOGRAPHIE BYZANTINE DU JUGEMENT DERNIER .La petite église voûtée à nef unique de Saint-Georges de Babylas, au Sud-Est de Néapolis, à Epidavros Limera, située près du village de Lachi, présente un intéressant décor peint qui couvre les trois murs ainsi que la voûte du narthex. Il s'agit surtout d'une ensemble de fresques qui illustrent le cycle du Jugement Dernier et qui, en fonction de données iconographiques et stylistiques, peuvent être datées de la première moitié du XlVe siècle1. La scène qui nous occupera ici, et que j'ai choisi de présenter en hommage à la mémoire de Doula Mouri- ki — l'un des premiers chercheurs à avoir contribué à l'étude du Jugement Dernier dans les monuments grecs2 — sera celle des anges enroulant le ciel (Fig. 1). Cette scène est localisée sur le mur ouest, et on lit, au- dessus, en caractères blancs assez soignés, l'inscription : Ι ΑΝΓΓΕΛΙ ΤΙΛ[ΙΣ]ΣΟΝΤΕΣ TON O(YPANON). On sait que ce sujet iconographique est l'illustration du verset 6, 14 de l'Apocalypse. Dans un article paru en 1969, Herbert Hunger a tracé l'histoire du verset d'Isaïe 34, 4 que l'Apocalypse reprend3. A la fin de son texte, l'au- teur s'interroge sur le fait que les anges qui accom- pagnent dans l'iconographie le ciel qui s'enroule — pré- sents de façon quasi constante dans tous les décors byzantins du Jugement Dernier — ne sont pas mention- nés dans ce verset, non plus que dans les textes dérivés4. La présente note aura pour but d'apporter quelques précisions sur la représentation de ce sujet et de poser quelques questions sur la typologie de ces anges. Dans l'iconographie habituelle du Jugement Dernier, et plus précisément dans celle qui reproduit la composition «monumentale»5 du sujet, la tradition ne retient, parmi les différents phénomènes qui, dans les textes, annoncent la fin des temps6, que l'enroulement du ciel et les anges buccinateurs. Le ciel est enroulé, la plupart des fois, par un ange seul qui, figuré en mouvement et, parfois même, se retournant (Fig. 2), semble lancer dans le ciel un rouleau, le βιβλίον des textes apocalyptiques. Ainsi, que se soit dans une composition serrée, reproduite sur les surfaces verticales comme dans l'église de la Vierge de Chalkéon à Thessalonique, dans les manuscrits (Par. gr. 74, Hortus Deliciarum) et sur les icônes (les deux icônes du Sinai), ou, plus libre, sur les parties hautes des églises (église ossuaire de Baôkovo et église de Sion à Aténi) — oeuvres qui suivent plus ou moins les mêmes principes Μη λυπηθώμεν ώς μόνοι τελεντώντες και αστέρες τελευτώσι, αλλ' ίσως πάλι εγείρον ται, είλίσσει δέ τους ουρανούς ό Κύριος ούχ ίνα άπολέση τούτους, άλλ' αυτούς πάλιν καλλίονας έγείρτ). (Cyrille de Jérusalem, 15ème Catéchèse baptismale III, 4-5) 1. Le décor de cette église, présenté au XVIIIe Congrès International des études byzantines (Moscou 1991. Résumés de communications, I. p. 529) sous le titre «A propos du décor peint d'une église de Laco- nie», fera l'objet d'un article examinant la place de ce Jugement Der- nier dans la tradition picturale. Brève description du décor dans Ν. B. D r a n d a k i s , N. Gkiolès,E. Dori, S. Kalopissi,V. Kepetzi, Ch. Konstantinidi, M. K o n s t a n t o u d a k i e t M. Panagiotidi, "Ερευνα στην 'Επίδαυρο Λιμηρά, ΠΑΕ 1982, ρ. 445-450. 2. D M ou ri ki, An Unusual Representation of the Last Judgment in a Thirteenth Century Fresco at St. George near Kouvaras in Attica, Δ Χ Α Ε Δ - Η ' (1975-1976), p. 145-171. 3. H. Hunger, Έλιγήσεται ό ουρανός ώς βιβλίον, Κληρονομιά Ι, Α ( 1969), ρ. 79-82. Pour la relation des notions temps et ciel, cf. H. F. Weiss, Untersuchungen zur Kosmologie des hellenistischen und pa lästinischen Judentums, Berlin 1966, p. 18, 19. 4. Hunger, op.cit., p. 81, n. 4. G. Millet, La Dalmatique du Vati- can, Paris 1945, p. 15. Pour l'angelologie de cet exégète, cf. W. Cra- mer, Die Engelvorstellungen bei Ephraem dem Syrer, OCA 173 (1965), et p. 127 et 128 pour son caractère liturgique. 5. Pour les deux traditions dans le développement iconographique du Jugement Dernier, voir la thèse de Shigebumi Tsuji, The Study of the Byzantine Gospel Illustrations in Florence, Laur. Plut. VI 23 and Paris, Bibl. Nat. cod. gr. 74, Princeton 1968, p. 53, 54 n. 42. En ce qui concerne l'illustration originelle du cycle du Jugement Dernier dans la peinture murale à Constantinople, cf. K. Weitzmann, Byzantine Miniature and Icon Painting in the Eleventh Century, The Proceed- ings of the XHIth International Congress of Byzantine Studies (Ox- ford, 5-10 September 1966), Londres 1967, p. 207-224; idem, Studies in Classical and Byzantine Manuscript Illumination, Chicago 1971, p. 301, 304. Pour la confrontation des deux compositions monumentales du Jugement Dernier à des scènes énonçant la fin des temps illustrées littéralement dans le Par. gr. 74, cf. S. Der Ne r sessi an, Recherches sur les miniatures du Parisinus graecus 74, Festschrift für Otto De- nnis. Zum 70. Geburtstag, JOB 21 (1972), p. 110 n. 8. 6. Kai οι αστέρες του ούρανοΰ έπεσαν εις τήν γήν, ώς συκή βάλλου σα τους όλύνθους αυτής, ύπο άνεμου μεγάλου σειομένη, και ό ουρα νός άπεχωρίσθη ώς βιβλίον έλισόμενον (Αροα 6, 14). Ευθέως δέ μετά τήν θλίψιν των ήμερων εκείνων, ό ήλιος σκοτισθήσεται, και ή σελήνη ού δώσει το φέγγος αυτής, και οι αστέρες πεσοΰνται άπό του ούρανοΰ, καί αϊ δυνάμεις των ουρανών σαλευθήσονται (Mtth. 24, 29). P. Α. U n d e r w o o d (The Kariye Djami, New York 1966, 1, p. 201) comprend l'enroulement du ciel comme équivalent aux signes annonçant dans Mtth. 24, 29 la Seconde Venue. Pour leur illustra- tion, presque toujours littérale dans le texte évangélique, cf. T. Vel- mans, Le tétraévangile de la Laurentienne, Paris 1971, p. 32, fig. 106 (Mtth. 24, 26-31) et où le v. 28 est illustré au P 50r par des sarco- phages: Tsuji, op.cit., p. 49. 99 VICTORIA ΚΕΡΕΤΖΙ compositionnels pour la scène du Jugement Dernier7 sous la forme où celle-ci s'est cristallisée dès avant le Xle siècle — l'ange exécute des mouvements qui évoquent plutôt le déploiement du rouleau du ciel. Cela a, par ailleurs, entraîné l'emploi presque régulier de ce verbe «déployer» dans la plupart des descriptions de la scène, tant le mouvement esquissé est vif et la position de l'ange dans l'espace libre et dynamique8. Influencé, semble-t-il, par la figuration habituelle des rouleaux dans l'iconographie (rouleaux des prophètes), le peintre représente l'ange tenant le bout du ciel sous forme de parchemin déroulé et s'apprêtant à commencer, comme dit le texte, l'enroulement autour de l'omphalos9 ; l'ac- cent étant mis sur la phase précédant l'enroulement, le texte n'est donc pas vraiment suivi à la lettre. En peinture, la plus ancienne représentation du sujet connue à ce jour se trouve, vers 800, dans l'église de Saint-Johann à Müstair (Fig. 4). Les deux anges qui demeurent visibles (sur les quatre qui auraient figuré à l'origine) sont presque statiques, et le rouleau du ciel, tendu et semé d'étoiles rouges et vertes, est placé à leur hauteur. Ils se tiennent debout, l'un près de l'autre, et enroulent, en le poussant, le ciel figuré en un grand Fig. 1. Eglise de Saint-Georges de Babylas. Anges enroulant le ciel. Fig. 2. Hortus Deliciarum, Par. gr. 74, Λ 25Ir. Jugement Dernier (dessin). 100 LE MOTIF DE L'ENROULEMENT DU CIEL DANS L'ICONOGRAPHIE DU JUGEMENT DERNIER volumen à l'antique. Cette image de ce décor carolin- gien, étrangère à l'iconographie occidentale du Juge- ment Dernier, semble témoigner d'une influence byzan- tine directe10; quant à la variation du sujet qu'elle nous transmet, elle paraît, au contraire des exemples byzan- 7. Pour les origines du sujet (seconde moitié du Ville siècle), ainsi que pour une bibliographie des deux exemples, mentionnés cf. B. Brenk, Die Anfänge der byzantinischen Weltgerichtsdarstellung, BZ 57 (1964), p. 106-126; idem, Tradition und Neuerung in der christlichen Kunst des ersten Jahrtausends, Wien 1966, p. 79-93. Pour les icônes du Sinai, cf. G. et M. So ti rio u, Εικόνες της μονής Σινά, 1 (planches), Athènes 1956, pi. 150, 151, et également Weitzmann Studies... (note 5), p. 301, 304, 306, pi. 303, 304. Pour le Hortus Deliciarum (Xlle siècle) et les rapports de son Jugement Dernier avec l'iconographie byzantine voir S. G. Tsuji, Hortus Deliciarum et Mi- leseva. Esquisse d'une étude sur l'iconographie du Jugement Dernier, Orient XXI (1985), p. 62, n. 4, p. 63, fig. 2. Pour Baökovo, cf. infra note 8. Pour l'église d'Aténi (1060-1080), où figure cette même illus- tration (sur la clef de la voûte de la conque ouest au dessus de la Déisis du Jugement Dernier), cf. T. Virsaladze, Rospisi Atenskogo Cio- na, Tbilissi 1984, p. 14, pi. 103, sch. 10.2 que reproduit T. Velmans, L'image de la Déisis uploads/Religion/ kepetzi-victoria-quelques-remarques-sur-le-motif-de-enroulement-du-ciel-dans-iconographie-byzantine-jugeent-dernier-1994-pdf.pdf
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- Publié le Mai 19, 2021
- Catégorie Religion
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