SEMINARIO INTERNACIONAL NUESTRA SEÑORA CORREDENTORA Mgr Stanislas-Xavier Touche
SEMINARIO INTERNACIONAL NUESTRA SEÑORA CORREDENTORA Mgr Stanislas-Xavier Touchet La SAINTE de la PATRIE Vie de la Bienheureuse Jeanne d’Arc P. LETHIELLEUX, LIBRARIE-ÉDITEUR PARIS – 1921 Préface I Ce livre procède d’un sentiment et d’une observation dont nous voudrions faire confidence à « l’Ami Lecteur », comme on disait jadis avec une courtoisie de bon aloi. Je le prie de me pardonner le côté per- sonnel du récit. Le 8 août 1914, vers cinq heures d’après-midi (car aucun Français qui y fut mêlé n’oubliera les détails de cette journée-là), nous nous trouvions sur la place de Jaude à Clermont-Ferrand, attendant une voiture qui nous conduisît à Royat. Une agitation de caractère éton- nant (elle était à la fois très active et très silencieuse) émouvait la vieille capitale Auvergnate. Le tocsin venait de se taire ; le tocsin de la mobilisation ! Une femme que je ne connaissais point mais qui avait assisté à ma messe, me dit-elle, s’approcha de moi : – Vous êtes Monseigneur l’Évêque d’Orléans ? – Oui, Madame. – Ah ! Priez votre chère petite sainte, la Bienheureuse Jeanne d’Arc, pour moi et mes enfants. Mes trois fils vont partir. Reviendront-ils ? Et les deux pauvres yeux de cette mère, deux yeux qui ont beau- coup pleuré depuis, je l’ai su, se mouillèrent. – Espérez, répondis-je. Mais elle, s’obstinant doucement, presque comme si elle ne m’eût pas entendu, reprenait : – Priez votre chère petite sainte pour moi et mes enfants. Priez-la pour la France. Je regagnai mon diocèse la nuit même. Dans la gare de Montargis où je devais joindre la ligne d’Orléans, un train chargé de dragons ou de cuirassiers, je ne me rappelle plus, stationnait. Un lieutenant très jeune, très beau – qu’est-il devenu ? – me salua. – Monseigneur, priez votre Jeanne pour nous qui nous croyons un peu ses frères, en tout cas, qui voulons l’être. Le samedi suivant, un groupe nombreux de femmes d’officiers se présentaient à mon audience habituelle. – Nous venons vous demander un conseil, Monseigneur. 4 LA SAINTE DE LA PATRIE – Sur quel sujet ? – Nos maris sont en route pour le champ de bataille ; quelques-uns ont déjà subi l’épreuve du premier choc. La séparation a été ce que vous devinez. Nos alarmes ne se peuvent décrire. Nous voudrions mettre les chers absents et nous-mêmes sous la tutelle de votre Jeanne d’Arc, lui faire un vœu ; mais lequel ? J’aurais pu les engager à élever une statue, une église à la Bienheu- reuse ; elles auraient tout accepté ; je le sentais. Dieu me donna cette vue que les lancer sur pareil chemin serait peut-être intéressé de ma part, pourrait même prendre air d’abus d’un effroi sacré. – Sous la réserve que vos maris y consentent, promettez, répondis- je, de faire votre possible après la victoire, tout votre possible, pour obtenir enfin des pouvoirs publics l’établissement d’une fête nationale en l’honneur de la Libératrice. – Comment nous y prendrons-nous ? – Je n’ai pas réfléchi aux voies et moyens ; vous m’interrogez à l’improviste. Cependant… Probablement, pourriez-vous entre veuves, femmes, mères, filles, sœurs d’officiers, de sous-officiers, de soldats, organiser un vaste pétitionnement au nom de vos angoisses, de vos douleurs, de vos deuils, trop à prévoir. Qui osera vous refuser ? N’aurez-vous pas assez souffert et assez offert pour être entendues ? – Et vous pensez que votre Jeanne sera contente, Monseigneur ?… Votre Jeanne ; toujours votre Jeanne. Votre Jeanne, me disaient ces nobles femmes ; votre Jeanne, m’avaient dit la mère de Clermont et le dragon de Montargis. J’ai reçu des lettres et des lettres de partout, écrites dans le même esprit et les mêmes termes. Cette espèce d’attribution par voix populaire peut avoir deux cau- ses : l’une qui m’est totalement étrangère, l’autre qui me regarde un peu plus. La Providence – et en cela je n’ai ni mérite ni démérite, n’y étant pour rien – m’a placé sur le siège épiscopal de cette ville d’Orléans qui maintint Jeanne, par la ténacité de sa mémoire pieuse, au-dessus de l’étrange océan d’oubli où, partout ailleurs, elle fut en danger perpé- tuel de sombrer. La passion de Jeanne ne s’est jamais éteinte, n’a ja- mais subi d’éclipse au cœur des Orléanais. De l’année 1429 à cette an- née 1915, où j’écris, Jeanne et Orléans ont été indissolublement unis ; il n’est pas jusqu’à leurs noms qui ne se puissent diviser. Or, aucun historien ne méconnaîtra que les évêques et le clergé Or- léanais sont au premier chef les artisans de l’infrangible nœud. Ils fu- PRÉFACE 5 rent les initiateurs du mouvement ; ils en ont été les continuateurs et les propagateurs. « Monseigneur l’Évesque d’Orléans, voyant les merveilles de la li- bération de sa ville, avec tout le clergié, et aussi par le moyen et or- donnance de Monseigneur de Dunois, frère de Monseigneur le duc d’Orléans, avec le conseil d’icelui et aussi les bourgeois et habitants d’Orléans, fut ordonné être faicte une procession le huitième du dict May, et que chascun y portast lumière et que on irait jusqu’aux Augus- tins. On y ferait stacion et service propice en chaque lieu, et oraison ; et les douze procureurs de la ville auraient chascun ung sierge en leur main, où seraient les armes de la ville, et qu’il en demeurerait quatre à Sainte-Croix, quatre à Sainte-Euverte et quatre à Saint-Aignan ; et aussi que le dict jour seraient dictes vigilles à Saint-Aignan, et le len- demain messe pour les trespassés, etc. ». Ainsi s’exprime un vieillard qui conte, sans faire connaître son nom, les origines de la fête du 8 mai, dont il a été jadis le témoin 1… Les évêques Thibaud d’Aussigni et François de Brillac entretinrent par des actes dont parlent nos annales, la ferveur première de la popu- lation orléanaise. Ils établirent une tradition que chacun de leurs suc- cesseurs perpétua pieusement. On s’accoutuma d’âge en âge à considé- rer Jeanne comme leur cliente, tandis qu’eux-mêmes naturellement la tenaient pour leur patronne. C’est Mgr Bernier qui obtint du ministre Chaptal, le 22 février 1803, le rétablissement de la solennité supprimée en 1793 2. Il n’est personne qui ignore le zèle de Mgr Dupanloup et du cardinal Coullié notamment pour la vierge sacrée. Ils auraient pu dire comme Léon XIII : Johanna nostra est : Notre Jeanne. Le public avait le droit de leur dire : votre Jeanne ; il le leur disait. J’ai hérité d’eux. Voici maintenant, en toute simplicité, et véritablement pour « l’Ami Lecteur », ce qui pourrait être un peu plus attribué à l’auteur. Mgr Dupanloup avait eu cette intuition, issue tout autant de son grand cœur que de son noble esprit, que Jeanne était plus qu’une hé- 1 Documents relatifs à la fête du 8 mai, Q. V, 296. Il paraît juste de ne pas oublier ici les dames et les jeunes filles d’Orléans, auxquelles il appartenait spécialement, il est vrai, de garder la mémoire de notre Bienheureuse. Le Hollandais Pontus Heuterus leur rend hommage. « J’ai vu de mes yeux, dit- il, sur un pont au-dessus de la Loire à Orléans une belle statue en bronze de la Pucelle. Elle est age- nouillée des deux genoux devant un Christ également en bronze. Jeanne y est représentée avec les cheveux « bellement » épars sur les épaules. Le monument est dû au zèle et à l’argent des jeunes fil- les et des dames d’Orléans. » (Pontus Heuterus, Q. IV, 448). Mgr Dupanloup invita de nouveau les dames et lus demoiselles d’Orléans à lui prêter leur collaboration pour une souscription publique dont le montant servirait à poser des vitraux racontant l’histoire de Jeanne d’Arc dans la cathédrale. Son appel fut entendu. Nous-même avons présidé à l’inauguration de ces verrières en 1897. Lors des fêtes de la Béatification a Rome, les filles de celles qui s’étaient montrées si dévouées aux désirs du grand Évêque, ne nous marchandèrent pas leur concours moral et pécuniaire. Nous pûmes ainsi faire dans la Ville Eternelle des solennités dignes de la Bienheureuse et de la France. 2 QUICHERAT, V, 317. 6 LA SAINTE DE LA PATRIE roïne, qu’elle était une sainte. Il commença de recueillir les traditions qui couraient sur ce point dans son diocèse. Il interrogea ceux qui, comme lui, avaient plus que de l’admiration, avaient de la dévotion pour elle. Il reconnut que des grâces de guérison, de conversion, de préservation, étaient dites provenir de son pouvoir près de Dieu. Mgr Coullié, son successeur et son fils spirituel, continua pieusement ce travail. Les soins des deux Évêques furent couronnés d’un succès mé- rité. En 1894 parut le décret qui permettait de faire la preuve devant la Congrégation des Rites des vertus héroïques de Jeanne et des miracles opérés à sa prière, en vue d’obtenir sa Béatification. Il fut connu et ap- plaudi de la France entière sous le nom de décret de la vénérabilité. Cependant Nous avions été promu au siège d’Orléans. Dès la pre- mière année de notre épiscopat Nous fûmes uploads/Religion/ touchet-la-sainte-de-la-patrie.pdf
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- Publié le Mar 12, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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