LA LAÏCITÉ À L'ÉPREUVE DE L'ISLAM ET DES MUSULMANS : LE CAS DE LA FRANCE Haoues

LA LAÏCITÉ À L'ÉPREUVE DE L'ISLAM ET DES MUSULMANS : LE CAS DE LA FRANCE Haoues Seniguer Editions du Cerf | Revue d'éthique et de théologie morale 2009/2 - n°254 pages 63 à 96 ISSN 1266-0078 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2009-2-page-63.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Seniguer Haoues, « La laïcité à l'épreuve de l'islam et des musulmans : le cas de la France », Revue d'éthique et de théologie morale, 2009/2 n°254, p. 63-96. DOI : 10.3917/retm.254.0063 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Editions du Cerf. © Editions du Cerf. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 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R E V U E D ’ É T H I Q U E E T D E T H É O L O G I E M O R A L E € N 2 5 4 € J U I N 2 0 0 9 € P . 6 3 - 9 6 H a o u e s S e n i g u e r L A L A Ï C I T É À L ’ É P R E U V E D E L ’ I S L A M E T D E S M U S U L M A N S : L E C A S D E L A F R A N C E ‚¹ P R O P O S L I M I N A I R E En préambule à cette intervention, je rappellerai brièvement la préoccupation centrale qui sera mienne au cours de cet exposé, à savoir : si la laïcité, d’un point de vue normatif, est une exigence démocratique fondamentale, indispensable au vi- vre ensemble et fondatrice de la République française moderne, elle ne doit pas alimenter la polémique ou servir de prétexte à l’exclusion et aux intolérances‚; y compris de la part de ceux qui s’en réclament. En d’autres termes, être l’objet de querelles partisanes, de confiscation politique, voire de contorsions idéo- logiques et ce, à la condition d’en comprendre l’esprit (les intentions) conçu avant tout pour mettre fin aux intolérances religieuses, aux conflits incessants, en France, entre le clergé et l’État en raison du statut public de la religion catholique en particulier (officialité), avec en toile de fond les meurtrières guerres de religion. Cependant, je ne donnerai pas une définition exhaustive de la laïcité française. Je me contenterai ici des deux grands prin- cipes consignés dans la loi du 9 décembre 1905 et censés « valoir 1. Texte présenté à l’Université de Lausanne le 27 juin 2008, lors du séminaire de recherche « Raison publique, droits de l’homme et religion dans l’espace européen » mis sur pied par l’École doctorale en théologie de Fribourg, Genève, Lausanne et Neuchâtel, sous la responsabilité de Denis Müller et en discussion avec Jean-Marc Ferry. 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S’il est un sujet qui doit pouvoir faire consensus, c’est bien la laïcité arrachée en 1905 au terme précisément de concessions, de compromis complexes et d’accords d’intérêt général‚; non pour exclure la religion, ses expressions symboliques et son témoignage dans l’espace public, mais plutôt afin de pacifier les relations sociales et d’éviter, tout à la fois, que la religion fixe le droit applicable à tous et que l’État interfère avec la conscience privée. Malheureusement, il y a d’un côté la laïcité, son esprit, ses dispositions normatives ou encore procédurales, puis de l’autre, il y a DES politiques, DES lectures de la laïcité, de la lettre de la loi, qui peuvent être, dans leur effectivité, sujettes à caution suivant le temps et les circonstances et donc mettre l’État, c’est-à-dire ses représentants (gouvernements, pouvoirs poli- 2. Je remercie Christian Bouchindhomme de toutes les indications et précisions qu’il a apportées à l’occasion de la lecture très critique de ce manuscrit, mais en même temps éminemment stimulante. Le philosophe évoque clairement l’ambiguïté de la laïcité française partagée ou tenue en étau entre institutionnalisation de principes « d’une morale universaliste [...] pour les faire valoir et agir de manière purement formelle – hors de tout contenu –, et leur ”substantialisation“ en valeurs (”principes sacralisés“) en se fondant sur une divinisation de la République en Nation ». En effet, Christian Bouchindhomme parvient bien à démontrer qu’il existe un distinguo entre les principes laïques définis par le droit et « une certaine vision laïque du monde » qui, selon lui, est attaquable car elle ne figure pas « dans les textes (je pense que là nous nous rejoignons, c’est moi qui souligne), mais qui révèle que la laïcité, loin d’être une morale détachée de tout contenu, est en réalité une éthique attachée à une vision du monde, sur un mode quasi religieux [...]. À cet égard, l’éthique laïque est une vision concurrente des visions religieuses du monde », dit-il, « et son rapport à celles-ci est un strict rapport de tolérance : elle les supporte, mais les harcèle avec l’ambition à plus ou moins long terme de les faire disparaître. » Si j’accepte tout à fait cette différenciation, je persiste toutefois à penser que cette « éthique laïque » à la française promue par des leaders d’opinion et des représentants de l’État met la laïcité en contradiction avec ses principes originels (historiques), a fortiori en présence du fait religieux islamique‚; ce qui, pour le coup, est fort condamnable. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis-Lumière Lyon 2 - - 159.84.125.236 - 16/07/2014 20h23. © Editions du Cerf Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis-Lumière Lyon 2 - - 159.84.125.236 - 16/07/2014 20h23. © Editions du Cerf 65 L A L A Ï C I T É À L ’ É P R E U V E D E L ’ I S L A M . . . tiques) ou ses agents (services publics) en contradiction jus- tement avec un contenu principiel (articles I et II) intimement lié à cette Histoire que l’on a succinctement esquissée. Les représentants, les agents et les services publics sont à l’État ce que les membres et organes sont au corps humain. Chacune des parties engage « la responsabilité » du tout, assurant ainsi un fonctionnement équilibré. Dans un sens strictement obvie, pourtant, les deux principes précités, complétés, à titre d’exemple, par les articles 34 et 35 au titre V de la « Police des cultes », définissent bien l’esprit de la loi de 1905. Ainsi, en sus de la neutralité de l’État et des services publics en matière d’orientation philosophique ou religieuse, il est exigé de la part des représentants de la foi, de s’abstenir, même dans l’enceinte prévue pour l’organisation des cultes, de tout discours haineux (diffamatoire) vis-à-vis de l’autorité publi- que ou bien d’en appeler à la désobéissance civile. Comme le dit Jean-Marc Ferry, « le principe laïque est une formule – dé- passable, peut-être – de conciliation, autorisant la coexistence au sein d’un même espace politique de différentes doctrines englobantes et exclusives‚³ ». La France est, faut-il le souligner, le pays européen qui compte le plus grand nombre de personnes uploads/Religion/ la-laicite-a-l-x27-epreuve-de-l-x27-islam.pdf

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  • Publié le Apv 02, 2021
  • Catégorie Religion
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