Revue des Sciences Religieuses La messe pour l'unité des chrétiens Robert Amiet

Revue des Sciences Religieuses La messe pour l'unité des chrétiens Robert Amiet Citer ce document / Cite this document : Amiet Robert. La messe pour l'unité des chrétiens. In: Revue des Sciences Religieuses, tome 28, fascicule 1, 1954. pp. 1-35; doi : 10.3406/rscir.1954.2030 http://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1954_num_28_1_2030 Document généré le 03/06/2016 LA MESSE POUR L'UNITÉ DES CHRÉTIENS Parmi les messes votives qui sont groupées à la fin du Missel Komain se trouve un formulaire qui, jusqu'il y a une quinzaine d'années, n'avait pas eu le privilège de retenir beaucoup l'attention des fidèles, ni même celle de leurs pasteurs. Nous avons nommé la messe ad tollendum schisma. Il faut croire que l'intention de prière proposée par son titre même n'était pas — ou n'était plus — d'actualité : non seulement les prêtres ne la célébraient pratiquement jamais, mais encore les fidèles ne pouvaient même pas avoir connaissance de son existence, attendu que les divers missels publiés depuis trente ans à l'usage des laïcs par les pionniers du renouveau liturgique — Dom Lefebvre en tête — en avaient, on ne sait pourquoi — délibérément écarté le texte (l). Grâces à Dieu, il n'en va plus aujourd'hui ainsi, depuis que, sous l'influence et la poussée du mouvement et des idées œcuméniques, la chrétienté, sortant de sa léthargie, commence à prendre conscience qu'elle est morcelée, c'est-à-dire en état permanent de schisme. Dans les diverses Eglises a germé l'idée d'une octave de prières pour l'unité chrétienne, qui a lieu chaque année entre le 18 et le 25 janvier, et le Catholicisme Romain s'est associé à ce courant de supplications en autorisant et en recommandant, par la voix de ses évêques, la célébration, spécialement durant la (1) II est juste de noter que la dernière édition du missel de Dom Lefebvre (1951) a très heureusement fait place à notre formulaire sous le titre de Messe votive powr l'unité de l'Eglise. ROBERT AMIET Semaine de l'Unité, de la messe ad tollendum schisma. Quelle est l'origine de cette messe, et dans quelles circonstances a-t-elle vu le jour ? C'est la réponse à ces questions que nous voudrions exposer ici. Le 13 décembre 1370, mourait à Avignon le pape bénédictin Urbain V, et le Sacré Collège, aussitôt réuni en conclave, lui donnait onze jours après comme successeur Pierre-Koger de Beaufort, cardinal-diacre de Sainte-Marie-la-Neuve, qui fut solennellement couronné le 5 janvier 1371 sous le nom de Grégoire XI. Dès les premiers jours du règne, il s'avéra que les difficultés ne manqueraient pas au nouveau pontife. En revenant de Rome, où l'on avait cru un moment qu'il allait réinstaller la papauté, exilée en Avignon depuis 1309, Urbain V avait provoqué dans toute l'Italie, qui désirait ardemment ce retour, un redoublement notable de réaction contre les pontifes français. Presque aussitôt après son accession à la chaire de Saint Pierre, Grégoire XI se vit aux prises avec une ligue redoutable, constituée par Barnabo Visconti de Florence, la reine Jeanne de Naples et de nombreuses villes italiennes, s'attaquant aux « mauvais pasteurs » envoyés d'Avignon pour gouverner les Etats pontificaux, et, chose plus grave, sapant les bases du pouvoir temporel. Après de vaines négociations, il dut excommunier les Florentins et envoyer des troupes sous la conduite de l'évêque de Cambrai, Robert de Genève, qu'il éleva., peu de temps après, pour le récompenser de son zèle et de ses services, à la pourpre cardinalice. C'est alors que Florence adressa au pape une ambassade, avec Sainte Catherine de Sienne. Les avis de cette illustre sainte, joints au grand péril que courait la papauté de perdre les restes de son pouvoir en Italie, triomphèrent enfin des hésitations de Grégoire XI qui, malgré les instances de son entourage et du roi de France, quitta Avignon le 13 septembre 1376. Après différentes péripéties, il entrait à Rome le 17 janvier 1377. A peine de retour, le pape se vit en butte à de nouvelles et grosses difficultés avec les Florentins et les Romains, toujours hostiles à la domination de l'Eglise, malgré leurs promesses. Aussi bien Grégoire XI avait si peu confiance dans l'état d'esprit des Romains ses sujets qu'il crut devoir prendre des mesures extraordinaires pour en prévenir les effets. LA MESSE POUR i/UNITÉ DBS CHRÉTIENS 3 Par avance, il avait validé toute élection qui réunirait les voix de la majorité du Sacré-Collège, même si les cardinaux n'auraient pu attendre l'expiration des délais canoniques, même s'ils auraient dû quitter la Ville, même enfin s'ils n'auraient pu s'enfermer en conclave. Il avait en outre interdit au gardien du Château Saint- Ange de livrer à qui que ce fût les clefs de cette forteresse sans un ordre des cardinaux demeurés en Avignon. Toutes ces précautions s'avérèrent inefficaces, car il avait eu le tort de nommer trop de cardinaux français. A peine Grégoire XI eut-il expiré (27 mars 1378) que les Trans- tévérins d'une part, et les officiers municipaux de l'autre, multiplièrent auprès des cardinaux électeurs des démarches réitérées et comminatoires. Des désordres éclatèrent dans la rue. Non content d'avoir obtenu la garde du proche conclave, le peuple expulsa les nobles et appela les contadins et des montagnards armés qui semèrent la panique dans la ville. Ce que le peuple romain voulait, c'était d'abord empêcher un nouveau départ de la cour pontificale pour Avignon, puis, et surtout, que le nouvel élu, quel qu'il fût, ne fut pas français. Lorsque le 7 avril les cardinaux se rendirent au Vatican pour entrer en conclave, ils durent se frayer sur la place Saint-Pierre un chemin à travers une foule hystérique qui hurlait : « Nous voulons un pape romain, ou au moins italien ! », les menaçant de les réduire en charpie s'ils n'accédaient à ce désir. Sur le soir, des officiers municipaux vinrent leur confirmer qu'il y aurait pour eux péril de mort à braver la volonté populaire. Le lendemain matin, à la sonnerie générale du tocsin, la foule accourut à nouveau encore plus menaçante que la veille; il ne fallut rien moins pour la calmer que le serment fait par les cardinaux de lui donner satisfaction. Après une délibération confuse, ponctuée par les hurlements de la foule demeurée sur place, et dans laquelle se manifestèrent à la fois la crainte de s'exposer aux fureurs du peuple et celle de faire une élection nulle, faute de liberté, ils fixèrent leur choix, à l'unanimité moins une voix, sur l'archevêque de Bari, Barthélémy Prignano. On envoya quérir l'intéressé, mais, avant qu'il eût pu exprimer son consentement, l'entrée du conclave fut forcée par la populace, ce qui donna lieu à une odieuse mascarade dont les détails n'ont pas à nous retenir ici. Prignano, enfin rejoint, donna son assentiment à son élection, et il fut solennellement intronisé à Saint-Pierre, le jour de Pâques, sous le nom d'Urbain VI (18 avril 1378). Tout, dans le choix du nouveau pontife, paraissait annoncer 4 ROBERT AMIET une ère d'accalmie et de paix. Les contemporains qui l'avaient approché de près louaient en lui sa dextérité dans l'expédition des affaires temporelles, sa sagacité, sa prudence, sa piété, son humilité, sa chasteté, son équité- Aussi bien quelque dramatiques qu'eussent été les circonstances qui avaient entouré son élection, quelque forte qu'eût été la pression qui avait été exercée sur leur vote, les cardinaux les auraient peut-être vite oubliées si le nouvel élu s'était montré égal à sa réputation. Au contraire, il semble, hélas ! que le résultat le plus clair de cette élection fut de faire perdre à Prignano la maîtrise de lui-même. Son naturel rugueux et à enclin la sévérité se donna brusquement libre cours. Se montrant agressif et violent dans ses discours, il dépassa rapidement toute mesure : « Accomplissez votre tâche avec mesure, lui écrivait sainte Catherine de Sienne, car le défaut de mesure gâte plus de choses qu'il n'en arrange : agissez avec bienveillance et tranquillité de cœur. Pour l'amour du Christ crucifié, modérez un peu ces mouvements subits que vous inspire votre nature ». Très rapidement, au jugement même de son entourage, il fut estimé fou (delirus), insensé (fatus), colérique (furiosus). Ses exigences maladroites et ses procédés violents à l'égard des cardinaux, ses électeurs de la veille, qui étaient — ne l'oublions pas — en grande majorité français, eurent tôt fait, en leur faisant regretter de l'avoir placé à leur tête, de raviver les doutes que certains avaient pu concevoir sur la légitimité canonique de son élection. La réaction ne se fit pas attendre. Profitant de l'autorisation qui leur était donnée de quitter Rome aux approches de l'été, les cardinaux français se réunirent secrètement à Anagni, d'où se sentant en sécurité, ils lancèrent le 2 août, — moins de quatre mois après l'élection d'Urbain — , un manifeste retentissant dans lequel ils s'efforçaient de prouver que cette élection était entachée de nullité, ayant été faite sous l'empire de la violence et de la terreur, et ils invitaient l'élu à déposer les insignes du souverain pontificat. Sans attendre sa réponse, ils lançaient contre lui l'anathème et le déposèrent comme « intrus » (9 août), lui reprochant de s'être entendu avec les chefs de la uploads/Religion/ la-messe-pour-l-x27-unite-des-chretiens-histoire.pdf

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  • Publié le Sep 08, 2022
  • Catégorie Religion
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