Un débat sur les Hymnes en 633 au IVéme concile de Toléde A l'auteur d'In hymni
Un débat sur les Hymnes en 633 au IVéme concile de Toléde A l'auteur d'In hymnis el canticis en hommage amical L'effort accompli par les Eglises hispaniques en vue de se réformer, au sortir des graves désordres causés, au veme siécle, par l'invasion de la péninsule aussi bien que par les vaines ten- tatives armées d'y rétablir le pouvoir impérial, s'est traduit au long du viéme siécle dans les décisions de divers conciles. Ceux- ci n'ont pas seulement visé á réformer la morale et la discipli- ne des clercs et des laTcs; ils se sont aussi proposé de préciser et unifier les rites liturgiques, sur des aires régionales puis sur l'Espagne entiére, á mesure que progressait sous des monar- ques germaniques une nouvelle unification politique. D'abord autour de métropoles régionales comme Tarragone, Braga ou Séville; puis autour de Toléde, devenue Vrbs regia dés le milieu du siécle, et siége de grands conciles nationaux depuis 589. Le 111'e Concile tolédan, qui se réunit cette année-lá, consacra la conversion des Wisigoths au catholicisme, et donc l'unification religieuse du royaume wisigothique I. I Pour le contexte historique de l'Espagne chrétienne du siécle, voir p. ex. les synthéses classiques de L. A. García Moreno; de J. °dandis; de M. Soto- mayor et T. González dans la BAC Mayor 16; et la hibliographie analytique la plus Universidad Pontificia de Salamanca 384 JACQUES FONTAINE Dés le début du vi' siècJe, sous la régence hispanique (ou le régne: on en discute) de Théodoric, le roi ostrogoth de Ravenne qui rétablit une «préfecture des Espagnes», les conci- les de Tarragone et de Gérone (516-517) prescrivent que «dans toute la province de Tarraconaise, on sauvegarde aussi bien le rituel de la messe que les chants et le service coutumiers» 2 • La formulation montre qu'il ne s'agit pas d'innover, mais de res- taurer une liturgie plus ou moins tombée en désuétude. Cette restauration porte sur trois points essentiels: les rites de la messe, le chant, les divers «services» liturgiques 3 . Un demi-siécle plus tard, dans le cadre politique du royau- me suéve, les évéques de Galice réunis á Braga en 561 placent en téte des 22 canons qu'ils promulguent —á la suite de 17 anathémes «contre l'hérésie priscillianiste»— celui qui s'intitu- le De uno ordine psullendi. 11 prescrit, á l'unanimité des pré- sents, «un seul et méme ordo des chants aux offices du matin et des vépres» 4; mais surtout, ce premier Concile de Braga sti- pule, en son canon 12, qu'«en dehors des Psuumes (et des can- tiques) appartenant aux Ecritures canoniques du Nouveau Testa- ment et de l'Ancien, aucune composition poétique ne soit chantée dans une église, ainsi que le prescrivent les saints canons» 5 . récenle dans “I'Hispanie chrétienne el wisigothique», in: REA, 97, 1995 (1996), 1-2, 385 sq. Voir aussi nos trois chapitres sur l'Espagne du vtê0e siécle, dans llistoire du christianisme, i.3 (sous presse); el les notices que nous avons rédigées sur les écri- vains hispaniques du vi siécle pour le Handbuch der lateinischen Literam - der Antike,1. 7 (en cours de préparation). 2 CONC. Ger. canon 1, p. 285. F. Rodríguez (dans G. Martínez Díez y F. Rodríguez, La colección canónica Hispana, 4, 1984): ‹<In omni Terraconensi prouin- cia iam ipsius missae ordo quam psallendi uel ministrandi consuetudo seruetur». 3 Car sous le verhe psallere, ji faut entendre, dans une acception large qui est ancienne, non seulement la psalmodie au sens strict --le chant des 150 Psaumes attri- hués á David—, mais aussi l'hymnodie. Cene ambivalence est illustrée, au toumant du iv" .` au vè siécle, par le double titre du célebre opuscule de Nicétas de Rémé- siana: De psalmodiae bono ou De utilirate hymnorum . Voir le support manuscrit de ce double titre dans l'éd. critique de C. Tumer (qui avec le ms. R préfére le second titre), in: .1ThS, 24, 1923, p. 225 sq. 4 CONC. Brac. I, canon 1, p. 111 Barlow (Martini Bra(arensis opera onmia, New Haven 1950): «Placuit omnibus communi consensu ut unos atque idem psallen- di ordo in matutinis uel uespertinis officiis teneatur, et non diuerse ac private, neque monasteriorum consuetudines cum ecclesiastica regula sint permixtae». 5 /h., canon 12, p. 112 Barlow: «ltem placuit ut extra psalmos uel (caniica?) canonicarum Scripturarum Noui el Veteris Testamerui nihil poetice compositum in Universidad Pontificia de Salamanca UN DÉBAT SUR LES HYMNES EN 633... 385 Ces «saints canons» sont probablement ceux du Concite de Laodicée. Car les Actes des deux Concites de Braga sont suivis, dans leur tradition manuscrite, par des Chapitres tirés des syno- des orientaux, mis en ordre et compilés par l' évéque Martin (de Braga), et adressés par lui «á l'évéque Nitigisius et á tout le Con- cile de l'Eglise de Lugo» 6. Parmi ces 84 canons, traduits des ori- ginaux grecs, le canon 67 est la traduction latine du canon 59 du Concite de Laodicée qui s'était tenu en Asie au milieu du siécle. On y lit «qu'il est illicite de chanter á l'église des «psau- mes poétiques» ou de tire des livres apocryphes. ne faut pas chanter dans une église des psaumes nouvellement composés et populaires, ni y tire des livres non canoniques, mais n'user que de textes canoniques de l'Ancien Testament et du Nouveau» 7 . Si Martin de Braga s'est intéressé á ce canon ancien, c'est sans doute ecclesia psallatur, sicut el sancti praecipiunt canones» (le mot cantica a dú disparaitre par suite d'un saut «du méme au méme» entre les deux premieres syllabes des mots cantica canonicarum; ce mol est indispensable á la construction de la phrase). 6 Capitula es- orienta/mm patrum synodis a Monino episcopo ordinata atque collecia, p. 123. Barlow: «Domno... in Christo fratri Nitigisio episcopo uel uniuerso concilio Lucensis ecclesiae Madinus episcopus». 7 Capitulum 67 (= canon 59 du Concile de Laodicée), p. 140, Barlow: «De eo quod non liceat psalmos poeticos in ecclesia dicere uel libros apocryphos legere — Non oportet psalmos compositos et uulgares in ecclesia dicere neque libros qui sunt extra canonem legere, nisi solos canonicos Noui el Veteris Testamenti». Sur l'équivalence ancienne de psalmum dicere = canere, voir comment, dans sa célebre lettre ù "'rajan sur les chrétiens de Bithynie (epist.. 10, 96, 7), Pline le Jeune écrit «carmenque Christo quasi Deo dicere», que M. Durry traduit avec justesse «chanter un hymne au Christ comme á un dieu»; passage reproduit par Tertullien (apol., 2, 5) sous la forme: «ad canendum Christo ut deo». Autres exernples de cette valeur d'em- ploi de dicere chez des auteurs du ivé"' siécle: voir le Dictionnaire de Blaise, s. v., sens 5. Les trois adjectifs poetici, rompes/ti (cf. poetice compositum dans le canon de Braga cité sup. n. 4), /migares, désignent sous trois métaphores la méme réalité: des chants liturgiques non-canoniques, par opposition à ceux qui, ayant été nouvelle- ment composés par des poétes, sont dépourvus de la noblesse que confére aux chants bibliques leur inspiration divine. D'ailleurs, cette antithesc est á rapprocher de celle qu'Isidore a formulée entre les piéces «divines» et celles qui doivent leur existence au «talent des hommes»: voir ((TI. qff inf n. 39 et le canon 13 du Concile de Toléde IV. Mais 'migares peut faire allusion aussi á des compositions orales et populaires, en particulier dans les fétes liées au culte des madyrs: voir le curieux teste des Vitas patrum Enzeretensiunz 5, 12, p. 93, 26 sq. Maya (dont je conserve l'orthographc): pour rendre gráces d'avoir été vengé de ses oppresseurs, l'évéque Massona de Mé- rida, aprés la louange d'un «psalmodie canticum» (sans doute dans la cathédrale), «ad aulam uirginis Eolalie cum omni plebe plaudentes manibus ymnizantesque uenerunt». Ce chant en l'honneur de la sainte martyre, rythmé par des applaudissements ou plutOt par un battement de mains régulier, devait étre d'une toute autre nature que le précé- Universidad Pontificia de Salamanca 386 JACQUES FONTAINE qu'il le jugeait susceptible de garder une certaine actualité, en particulier dans le diocése de Lugo, oil le priscillianisme avait gardé longtemps des adeptes 8. Et s'il s'est seulement proposé de corriger cette traduction á l'intention d'un confrére qui le lui avait probablement «commandé» 9, c'est avec l'intention d'une refor- matio d'abord textuelle— qui raméne toutes les Eglises du royaume suéve á une observance plus stricte de la législation canonique antérieure, y compris en matiére de chant. A cette interdiction correspondra curieusement l'attitude du clergé hostile aux hymnes composés en dehors des Ecritu- res, contre laquelle prend durement position le canon 13 du IV"le Concile de Toléde inspiré et présidé par Isidore de Sé- vine en 633. Comme le dit clairement le mot interpretatio, le premier commentaire d'un texte est sa traduction. Nous com- mencerons donc par traduire: 1. «Sur le chant des hymnes aussi, nous avons l'exemple du Sauveur aussi bien que des Apótres. Car il est attesté que le Sauveur aussi chanta en personne un hymne, au témoignage de l'évatigéliste Matthieu: «Et une fois l'hymne chanté, ils sorti- rent sur le Mont des Oliviers» (Matth. 26, 30 = Mc. 14, 26); et l'Apótre Paul a écrit aux uploads/Religion/ fontaine-hymnes-en-633-au-iv-concilie-de-tolede-helmantica-1999-vol-50-n-o-151-153-pag-383-402-pdf.pdf
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- Publié le Jan 22, 2022
- Catégorie Religion
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