Le canon de l'Ancien Testament dans l'église byzantine par Martin JUGIE (Assomp
Le canon de l'Ancien Testament dans l'église byzantine par Martin JUGIE (Assomptioniste) article paru dans Echos d'Orient n° 64 Mai 1907 (Voir note complémentaire n°1, en fin d'article) Jusqu'à ces derniers temps, on croyait généralement en Occident que l'Eglise orthodoxe d'Orient était d'accord avec l'Eglise catholique sur la question du canon des Saintes Ecritures. On n'a, pour s'en convaincre, qu'à ouvrir quelqu'un des nombreux manuels d'introduction biblique parus depuis une vingtaine d'années. En 1901, M. l'abbé Alexandre Dombrovski, professeur au Séminaire épiscopal de Kovno en Lithuanie, exposa brièvement, dans un article donné à la Revue biblique, la doctrine des théologiens russes sur le canon de l'Ancien Testament, et montra que ces derniers refusaient la canonicité et l'inspiration aux Deutérocanoniques. Tout récemment, M. le Dr Jachék a traité le même sujet dans les Slavorum litterae theologicae, en apportant de nouveaux détails. Mais, comme M. Dombrovski, il ne s'est occupé que des Russes et n'a rien dit de la doctrine actuelle des Grecs. Il ne sera donc pas inutile de reprendre la question, en la complétant pour ce qui regarde les premiers, et en examinant l'attitude prise par les seconds devant l'innovation doctrinale que se sont permise leurs frères dans l'orthodoxie. Mais, en pareille matière comme dans bien d'autres, la connaissance du passé est souvent nécessaire pour apprécier sainement le présent. C'est pourquoi, avant d'examiner les opinions des théologiens actuels, une étude préalable sur la croyance de l'ancienne Eglise grecque nous a paru s'imposer. La partie de notre travail publiée aujourd'hui regarde la période byzantine, à partir du concile in Trullo (692). Remonter plus haut eût été inutile, l'enseignement des Pères grecs sur le canon se trouvant suffisamment exposé et discuté dans tous les manuels d'introduction. En arrêtant pratiquement le développement dogmatique au IXe siècle, l'Eglise grecque s'est mise en retard sur l'Eglise latine relativement à un grand nombre de questions où elle ne veut voir que des innovations hérétiques. Chose curieuse, pour ce qui regarde le canon des Ecritures, on peut dire qu'elle a eu une avance de plus de huit siècles sur l'Occident. Pendant qu'au moyen âge des théologiens latins, opposant saint Jérôme à saint Augustin, rejetaient ou mettaient en suspicion les Deutérocanoniques de l'Ancien Testament, les Orientaux n'avaient qu'à lire les décisions du concile in Trullo, qui fut toujours considéré par eux comme ne faisant qu'un avec le sixième concile oecuménique, pour y trouver des indications suffisamment précises sur le nombre des Livres Saints. Le 2e canon de ce concile accepte les 85 canons transmis sous le nom des apôtres, en faisant seulement une restriction : les constitutions apostoliques de Clément, présentées comme écriture sainte par la dernière de ces pièces, doivent être rejetées, parce qu'elles ont été altérées par les hérétiques et qu'il est impossible de distinguer ce qui est authentique de ce qui ne l'est pas. Nous sanctionnons aussi de notre autorité, continue le concile, les autres saints canons portés par les saints et bienheureux Pères, c'est-à-dire par les 318 théophores assemblés à Nicée...., par les Pères du synode de Laodicée en Phrygie..... par ceux qui se sont réunis à Carthage ..... Il n'est permis à personne de falsifier ou de violer les canons mentionnés ou d'en admettre d'autres qui seraient apocryphes. (Voir note complémentaire n° 2) Parmi les canons ainsi approuvés, il s'en trouve trois qui donnent chacun un catalogue des livres inspirés. Le 60e du synode de Laodicée (360-381) ne mentionne comme écrits de l'Ancien Testament qui doivent être lus que les Protocanoniques, disposés de façon à fournir le nombre 22. Il faut remarquer qu'à Jérémie on joint explicitement Baruch, les Thrènes et les Lettres. Esther et Daniel sont nommés sans distinction de parties protocanoniques et deutérocanoniques. Le canon 85e des apôtres, un des derniers venus de la série, tout en conservant le nombre 22, fait entrer dans la liste des livres saints et vénérables, "σεβασµια και αγια, les trois livres des Machabées, et ajoute : "En outre, sachez que vos jeunes gens doivent étudier la sagesse du savant Sirach." Enfin, dans le canon 47e du IIIe concile de Carthage (397), on rencontre le catalogue des Ecritures canoniques, canonicae scripturae, tel qu'il a été fixé par le concile de Trente. Ainsi, pour savoir quels étaient les livres inspirés de l'Ancien Testament, les Grecs n'avaient qu'à comparer entre elles les trois listes que nous venons d'indiquer et à compléter la moins riche par les deux autres. Celle de Laodicée est la plus courte, celle de Carthage la plus longue. C'est donc cette dernière qui devait faire loi, sauf sur un point : sur le nombre des livres des Machabées; le 85e canon apostolique en mentionnant trois, le troisième de ces livres devait logiquement être admis comme canonique. Que les Byzantins aient raisonné de la sorte, c'est ce qu'il est facile de constater, en examinant leurs ouvrages publiés dans la Patrologie de Migne. On ne saurait évidemment exiger d'un auteur qu'il cite comme écriture sainte tous les Deutérocanoniques; il suffit qu'il accepte deux ou trois de ces livres pour qu'on puisse légitimement supposer qu'il ne s'en est pas tenu au canon 60e de Laodicée, mais l'a complété par le 85e canon apostolique et surtout par le 47e canon de Carthage. Comme il serait très fastidieux de relever une à une toutes les citations de Deutérocanoniques faites par les Grecs de 692 à 1453, nous nous contenterons d'interroger les principaux écrivains ecclésiastiques qui ont vécu avant la consommation du schisme, sous Michel Cérulaire. Pour la période suivante, on ne s'adressera qu'aux canonistes. Le premier écrivain de marque qui s'offre à nous est saint André de Crète (mort en 740). C'est dans ses oeuvres que nous avons trouvé les témoignages les plus importants. Tous les livres et fragments deutérocanoniques sont représentés par une ou plusieurs citations. La Sagesse (Sap 7.21 ; 4.7 ; 3.1-4 ; etc : Migne PG 97.1208, 1241) et l'Ecclésiastique (Eccli 3.22 ; 24.13 ; 29.16 ; etc : PG 97. 857, 865, 1180) reviennent naturellement plus souvent que les autres. Les fragments de Daniel sont cités au moins quatre fois (Dan 14.30 ; 3.94 ; 3.60 ; 14.35 : PG 97. 1041, 1188, 1200, 1396), ceux d'Esther une fois (Esth 13.9 : PG 97. 1392), Judith une fois (Judi 13.9 : PG 97. 1041), Tobie deux fois (Tob 12.7 ; 12.9 : PG 97. 1076, 1180), le premier des Machabées une fois (1 Mach 2.24 : PG 97. 1181). On remarquera que l'origine palestinienne de l'auteur donne une importance spéciale à son témoignage. Un des contemporains de saint André de Crète, saint Germain, patriarche de Constantinople, emprunte des textes à la Sagesse (Sap 5.1 ; 14.12-14 : PG 98.149, 180), à l'Ecclésiastique (Eccli 23.29 : PG 98. 113), à Judith (Judi 13.1 : PG 98. 155), aux fragments de Daniel (Dan 14.32 : PG 98. 367, 153) Quant à saint Jean Damascène, on sait qu'il présente certaines difficultés. S'inspirant d'un passage de saint Epiphane, il déclare qu'il y a 22 livres de l'Ancien Testament, chiffre correspondant au nombre des lettres de l'alphabet hébraïque. Son énumération ne renferme que les Protocanoniques. Est-ce à dire que le saint docteur n'ait reconnu comme inspiré que le canon palestinien ? Il ne semble pas. Tout d'abord; il faut faire attention à ce qu'il ajoute à la fin du catalogue des 22 : Quant au Panaretos, c'est-à-dire à la Sagesse de Salomon et à la Sagesse de Jésus ..... ce sont des livres excellents de tout point, mais ils ne sont pas comptés, et n'étaient pas placés dans l'arche. Ces derniers mots n'insinuent-ils pas que Jean, tout comme saint Epiphane, vise directement le canon juif ? Remarquons ensuite qu'il range parmi les écritures canoniques du Nouveau Testament les fameux canons apostoliques. Or, nous avons vu que le dernier de ceux-ci fait entrer dans le canon de l'Ancien Testament les trois livres des Machabées et l'Ecclésiastique. Pour être d'accord avec lui-même, le Damascène devait donc reconnaître l'inspiration à ces ouvrages. Si maintenant on examine ses propres écrits; on constate que Baruch, qui n'est pas nommé parmi les 22, devait ne faire qu'un pour lui avec Jérémie, car rien que dans la Foi Orthodoxe, le passage : "Postea in terris visus est et cum hominibus conversatus est » revient jusqu'à cinq fois (Bar 3.38 : PG 94. 852, 1000, 1113, 1172). On doit affirmer aussi qu'il ne fait pas de distinction entre les parties protocanoniques et les parties deutérocanoniques de Daniel, puisque ces dernières sont représentées dans le même ouvrage par deux textes au moins (Dan 13.42 : PG 94. 837 ; Dan 3.89 : PG 94. 884). Quant à la Sagesse, elle figure plusieurs fois, soit dans la Foi orthodoxe, soit dans les Discours sur les images (Sap 13.5 ; 12.5 ; 1.13 ; 14.7 ; etc : PG 94. 532, 789, 856, 962, 1273). On peut même vair une allusion à II Mach 9.5, dans le passage suivant : "Αλαθητος και παντων εποπτης ο Θεος" (PG 94. 837) Enfin, si les Paralléles Sacrés ont quelque chose à voir avec notre uploads/Religion/ le-canon-de-l-x27-ancien-testament-etudes.pdf
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- Publié le Sep 13, 2022
- Catégorie Religion
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