a Le Bateleur = l'Unité = le Principe = l'Objet, le Diable CHAPITRE I LE DIABLE
a Le Bateleur = l'Unité = le Principe = l'Objet, le Diable CHAPITRE I LE DIABLE u sens vulgaire — familier à tous ceux que la Science divine ne compte pas au nombre de ses adeptes — le Serpent de la Genèse symbolise le Diable, l'Esprit du mal personnifié dans Satan. — Satan? le Diable? le Malin?... Allons, vous vou- lez rire! Qui donc l'a vu jamais, ce spectre fait de fumée? Où se montre-t-il, si ce n'est dans le brouil- lard des imaginations troubles et malsaines, ou dans le kaléidoscope obscur des âmes faibles et timo- rées?... A-t-il jamais pris une forme accessible à mes sens, au témoignage exclusif desquels je fais profession de croire? — Non. Pas plus que Dieu, son tyrannique antagoniste, pas plus que Dieu, son bourreau sans merci, Satan ne manifeste sa pré- sence dans l'Univers... Le Diable, Monsieur! vous plairait-il m'enseigner où il habite? Au matérialiste qui parle ainsi, nul ne s'avise d'objecter une réplique assez simple: — I1 habite en vous. A 52 LE TEMPLE DE SATAN Partout où les ténèbres fétides de la négation, offusquant l'intelligence de l'homme, abolissent en lui la vie spirituelle et peuvent oblitérer ce sens in- térieur qui donne l'intuition du divin et l'assenti- ment de l'éternel, — en vérité, Satan est là sous sa forme métaphysique: l'Erreur. Partout où la perversité corrode les pauvres âmes jusqu'à dissoudre les liens intimes de solidarité qui les rattachent l'une à l'autre; partout où le scepti- cisme déprave les consciences, jusqu'à confondre en elles les notions du juste et de l'injuste, — en vé- rité, Satan est là sous la forme psychique: l’Egoïs- me. Partout enfin où la libre volonté de l'homme, induisant la Nature (ce miroir du divin) au plus épouvantable mensonge, la force de renier la gloire de son type céleste, en substituant la discordance arbitraire des mauvais vouloirs individuels à la sage harmonie des lois générales, — en vérité, Satan est là sous la forme sensible: la Laideur. Erreur, cécité des esprits! Egoïsme, mauvaise haleine des âmes! Laideur, difformité des corps!... C'est toujours la silhouette infâme de Satan, reflé- tée dans les trois mondes de la pensée, du senti- ment et des choses sensibles. Mais nous sonderons à loisir, dans notre livre III, la nature de cet être équivoque; le sens démotique de l'emblème nous doit seul préoccuper ici. Admirons la prudence de l'Eglise enseignante, qui s'est toujours refusée à définir Satan et son em- LE DIABLE 53 pire, laissant à ses docteurs le soin de proposer des solutions, sous garantie de leur propre autorité faillible. Divers textes des saintes Ecritures mentionnent l'existence du Diable: c'est un fait certain; mais l'interprétation de ces textes douteux reste libre: In dubiis libertas. Permis aux théologiens de s'es- crimer pour et contre; nulle décision prise à Rome ex cathedra ne fige définitivement la doctrine au moule d'un article de foi (1). Quant au sentiment commun sur le Diable, voici : Ange déchu de sa splendeur première, créature précipitée dans l'abîme pour avoir prétendu s'égaler au Créateur et rivaliser sa puissance, Satan occupe, avec ses légions complices, le séjour maudit des ténèbres extérieures, où sont les larmes et les grin cements de dents. Là se tordent, dit la légende populaire, les agents du Mal éternel, dans les convulsions d'une éternelle agonie. Pêle-mêle avec ses frères rebelles comme lui, Satan rage son éternité. La seule consolation (1) Je prie les catholiques de noter ce fait avec soin. — En vain objecteront-ils l'avis formellement exprimé par certains papes ; cet avis n'a de valeur et d'autorité, que proportionnelles à la science et à l'inspiration particulière du pontife, s'exprimant en ce cas comme docteur et non pas comme chef infaillible de l'Eglise : voir la définition de l'infaillibilité : le pape n'est infaillible que lorsqu'il monte dans la chaire de Saint-Pierre pour promulguer un dogme urbi et orbi. Encore ne fait-il que définir et imposer à la foi des fidèles une croyance qui était de tradition dans l'Eglise. Telle est la doctrine catholique sur ce point, ne l'oublions pas. 5 4 LE TEMPLE DE SATAN permise à son malheur est dans la croissante mul- titude des âmes damnées, que, tentateur insinuant et protéiforme, il s'ingénie à séduire au jour le jour de la terrestre épreuve; de même qu'en Eden, ja- dis, sous la figure du serpent, il a su perdre Eve, par l'attrait magique du fruit défendu. Car il faut bien dire qu'à titre de purs esprits — ou, si l'on préfère, d'esprits impurs — le Diable et ses suppôts jouissent, dans l'imagination du peuple et même dans la croyance des maîtres de l'exégèse, du don précieux d'ubiquité... Tandis qu'aux gouf- fres souterrains, in inferioribus terrae, ils subis- sent la peine de leur crime, ils parcourent aussi le monde des vivants; et sans cesse à l'affût de quel- que âme lasse et chancelante sur la voie du salut, ils se tiennent prêts à tirer profit de la moindre •défaillance, pour l'enrôlement dans l'armée du Mal et l'accroissement des infernales cohortes. Ainsi, c'est dans la bergerie et sous la houlette même du bon pasteur, que se fait le recrutement du loup vorace... et les brebis succombent Tune après l'autre. Voilà pourtant l'interprétation abusive que l'on fait de cette belle et profonde parole de Jésus: Beau- coup sont appelés, mais peu sont élus! Qu'on s'étonne maintenant que les théologiens agnostiques, fauteurs d'une aussi lugubre ineptie, restent piteusement indignés, si quelque ami de l'inflexible logique, les poussant au pied du mur, leur décoche à bout portant ce captieux dilemme: — Dieu, dites-vous, est tout-puissant, omnipré- LE DIABLE bï) voyant, infiniment miséricordieux et bon. D'autre part, vous enseignez que la grande majorité des hommes est promise à l'Enfer... Il faut être consé- quent, même en théologie. Donc Dieu a voulu le Mal et l'Enfer... Vainement objecteriez-vous l'invio- labilité du libre arbitre humain: car le mauvais usage que l'homme fait de ce libre arbitre, si Dieu ne l'a pas prévu, son omniscience est en défaut; s'il l'a prévu mais n'a pu l'empêcher, c'est sa toute-puis- sance que je nie; si le prévoyant et pouvant l'empê- cher, il ne l'a pas fait, je conteste sa toute-bonté. N'est-ce pas en poussant à leurs dernières consé- quences les pitoyables prémisses de tels théologiens, qu'un poète et un penseur de l'envergure de M. Sou- lary fut conduit à clamer ce sublime et diabolique blasphème: ET VIDIT QUOD ESSET BONUM...... L'homme a dit : J'ai voulu tout savoir, je sais tout! Dans mon domaine étroit je ne tiens plus en place ; J'ai vécu tout mon temps, couru tout mon espace ; J'ai la vie en horreur et la terre en dégoût ! La Terre a dit : Mon sein s'appauvrit et se glace, Et mon lait en poison pour l'homme se résout ; La lèpre du péché qui l'envahit partout S'étend jusqu'à mes os... D'enfanter je suis lasse ! Le Ciel a dit : L'éclair se rouille au glaive ardent Et l'ange, au saint parvis, s'ennuie — en attendant Qu'un élu des élus commence enfin le nombre ! L'Enfer a dit : Satan se fatigue à tasser Le damné qui pullule au charnier qui s'encombre ! LE VERBE A DIT : NEANT! C'EST A RECOMMENCER (1) 1 (1) Joséphin Soulary, Poésies complètes (Lemerre, in-12, 3 vol.). Ephémères, page 119. 56 LE TEMPLE DE SATAN Ces quatorze vers ne sont-ils pas vraiment épou- vantables, le dernier surtout? Telle est — il faut bien le reconnaître! — la conclusion logique du problème posé en des ternies si témérairement naïfs par les philosophes de sacristie. Et tandis que des logiciens, comme Pierre Bayle, poussent en ricanant le dilemme infernal que j'ai dit; tandis que de rares poètes restés des penseurs osent bien, comme Soulary, prostituer la langue des dieux à d'aussi magnifiques débauches de verbe, les théologiens se flattent de résoudre le problème for- midable du Mal, épuisent leur dialectique en de sté- riles disputes touchant la grâce efficace et la grâce suffisante; le docteur anglais Swinden soutient, en un gros livre (1), que les damnés se tordent dans la substance enflammée du soleil, lequel n'est autre que l'Enfer visible à l'œil nu (2) ! Dom Calmet dis- cute gravement la virginité de saint Joseph, et les plus autorisés docteurs décident que le Diable pré- side en personne à la danse des chapeaux et des guéridons ! Mais passons. — La légende de la chute angéli- que est trop universellement connue, et je dirai po- (1) Recherches sur la nature du feu de l'Enfer et du lieu où il est situé. Traduit par Bion. Amsterdam, 1728, in-8, fig. (2) Thèse reprise par M. Péladan dans Istar et défendue en un morceau lyrique de la plus grande allure : la Légende de l'Inceste. — Je dois faire observer que les traditions una- nimes de la Théosophie concordent pour enseigner, au con- traire, que le soleil est, pour notre tourbillon, l'astre paradi- siaque par excellence : le bienheureux séjour des âmes glo- rifiées. LE DIABLE 57 pulaire, pour qu'il uploads/Religion/ le-diable-par-s-de-guaita.pdf
Documents similaires
-
19
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 17, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
- Taille du fichier 0.4059MB