ORPHICI Membres des confréries dites orphiques, soi-disant disciples d'Orphée,
ORPHICI Membres des confréries dites orphiques, soi-disant disciples d'Orphée, adeptes des doctrines qu'on lui attribuait, initiés à ses mystères. I. Origines de l'Orphisme Les origines de l'Orphisme sont confuses et semblent complexes. Orphée n'apparait dans la littérature qu'avec Ibycos et Pindare ; les premiers ouvrages orphiques, à notre connaissance, ont été recueillis ou composés dans la seconde moitié du VIe siècle, au temps de Pisistrate. Sur la période antérieure, on ne sait rien de certain ; la question des origines relève donc de la légende ou de l'hypothèse. Ce n'est pas à dire qu'on ne doive tenir aucun compte des traditions. La popularité d'Orphée et le succès de l'Orphisme, dès la fin du VIe siècle, font supposer que les origines de la doctrine étaient déjà lointaines. Les traditions peuvent contenir un fond de vérité ; le difficile est de le dégager. Les récits, les explications ou les suppositions des anciens sont contradictoires, et les modernes n'ont pas mieux réussi à se mettre d'accord. Il est fort possible que l'Orphisme soit une combinaison d'éléments très divers. Suivant la tradition la plus répandue, Orphée avait emprunté à l'Egypte tout l'essentiel de sa doctrine, les règlements de ses mystères, les prescriptions de son rituel funéraire. C'est encore l'opinion qui prévaut chez les savants modernes ; et l'on ne peut nier qu'elle soit fondée en grande partie. On constate de singulières coïncidences entre la cosmogonie des Orphiques et celle des Egyptiens, entre le mythe de Dionysos Zagreus et le mythe d'Osiris, entre les prescriptions ou les rites de l'Orphisme et ceux des cultes égyptiens. La théorie de la migration des âmes, qui tenait tant de place dans les enseignements des Orphiques, était, suivant Hérodote originaire de la vallée du Nil ; et le rituel funéraire des confréries orphiques, tel que nous le connaissons par les auteurs ou les inscriptions, présente beaucoup d'analogies avec le Livre des morts. Il parait donc incontestable que l'Egypte, directement ou indirectement, a fourni bien des éléments à la doctrine des Orphiques. Cependant, l'on a le droit de juger trop simpliste ce système commode, qui par l'influence égyptienne prétend expliquer tout l'Orphisme, comme d'ailleurs le Pythagorisme, les mystères d'Eleusis, tous les mystères. Pour s'en tenir à cette conclusion sommaire, on est obligé de négliger d'autres témoignages, et même des faits certains. D'après les Orphiques, dont l'opinion a bien ici quelque importance, leur doctrine et leur culte étaient d'origine thrace : c'est en Thrace qu'avait vécu Orphée, et c'est là qu'il avait institué ses mystères. Cette tradition s'accorde pleinement avec celle qui faisait venir de Thrace les mystères bachiques, que l'on identifiait souvent avec les mystères orphiques, et dont la fondation ou la transformation étaient attribuées également à Orphée. Une autre légende rattachait l'Orphisme au culte des Cabires. Orphée lui-même avait été initié aux mystères de Samothrace. Au milieu d'une tempête, les Argonautes, sur le conseil de l'aède, firent voeu de relâcher dans cette île et de s'y faire initier. Aussitôt s'apaisa l'orage. Jason et ses compagnons tinrent leur promesse. Ils abordèrent à Samothrace ; conduits par Orphée, qui avait précédemment reçu l'initiation, ils se rendirent au sanctuaire des Cabires, et furent initiés à leur tour. D'après cet ensemble de faits et de légendes, on ne peut douter que la Thrace ait joué, comme l'Egypte, un rôle important dans la genèse de l'Orphisme. D'autres traditions mettaient Orphée en rapports avec la Phrygie, notamment avec le roi Midas ; bien des gens pensaient que le culte de Zagreus était venu de Phrygie, et le grand dieu des Orphiques a été souvent confondu avec le Sabazios des Phrygiens. On cherchait aussi en Crète l'origine de l'omophagie et du mythe de Zagreus, que l'on identifiait avec le Zeus de l'Ida. Ajoutons que l'Orphisme s'est développé en partie sous l'influence de Pythagore et de son école, puisque bien des ouvrages orphiques étaient l'oeuvre de Pythagoriciens. Enfin, s'il fallait en croire les chrétiens des premiers siècles, Orphée lui-même aurait fait beaucoup d'emprunts aux livres de Moïse. Mettons à part les livres de Moïse, que les chrétiens ont fait intervenir ici, comme ailleurs, par habitude d'esprit, en vertu de cette idée fixe que toute vérité venait nécessairement de la Bible. Mais toutes les autres traditions ont trouvé de sérieux défenseurs ; toutes se peuvent justifier par des textes et de bonnes raisons. Qu'est-ce à dire, sinon que les origines de l'Orphisme sont multiples ? Elles sont à la fois en Egypte, en Thrace, en Phrygie, en Crète, dans les loges pythagoriciennes. Ou plutôt, elles sont surtout en Grèce, dans cette Grèce du VIe siècle où fermentaient les esprits et les âmes, où s'éveillaient de nouvelles curiosités et des besoins nouveaux. La mythologie homérique et les vieilles religions nationales avaient pu suffire à des peuples jeunes, à ces tribus naïves de laboureurs et de soldats, de commerçants et de marins, qui façonnaient les dieux à leur image, et qui aimaient trop la bataille ou le gain pour s'inquiéter beaucoup des mystères de l'au-delà. Au VIe siècle, l'esprit grec s'ouvre à la philosophie, à la science, à la vie morale ; et, pour l'élite, c'en est fait de la belle sérénité d'autrefois, toute d'ignorance et d'insouciance. Désormais, à quiconque réfléchissait ou s'inquiétait, les religions officielles parurent bien sèches. On n'y trouvait aucune réponse aux deux questions qui de tout temps ont tourmenté la pensée consciente d'elle-même : explication du monde, destinée humaine. Et de nouvelles religions naquirent, des religions savantes, secrètes et libres, qui prétendaient apporter la solution, mais en la réservant à leurs adeptes. Les mystères sont nés, avant tout, du développement naturel des conceptions helléniques ; mais ils ont beaucoup emprunté à l'Orient, parce que, du côté de l'Orient, les Grecs étaient partout en contact avec des peuples de civilisation plus ancienne, qui s'étaient déjà posé les mêmes questions. L'Orphisme n'est que la plus savante, la plus philosophique, et, en principe, la plus pure de ces religions libres. Il est né du culte mystique de Dionysos, qui apparaissait alors dans la Grèce proprement dite et y avait l'attrait de la nouveauté. Parmi les adorateurs du dieu, il a recruté une élite. Dans sa doctrine et dans son rituel, il s'est développé suivant la loi de toutes les religions, empruntant aux traditions helléniques, aux mystères orientaux, aux cultes exotiques, aux philosophies, tout ce qui répondait à son idéal, théories, croyances, rêveries et pratiques. Ainsi posé, le problème des origines de l'Orphisme prend un aspect nouveau. Quels sont au juste les emprunts au Pythagorisme, à la Crète, à la Phrygie, à la Thrace, à l'Egypte ? Il serait fort intéressant de le déterminer avec précision ; et malheureusement nous ne pouvons saisir que des détails ou hasarder une hypothèse. Mais ce n'est pas là l'essentiel. L'important serait de savoir exactement ce que l'Orphisme a fait de ces éléments d'emprunt, comment cette religion mystérieuse, née ou développée sur le sol de la Grèce, et recrutée dans l'élite des Hellènes, a pu satisfaire pendant des générations sa clientèle de choix, se renouveler plusieurs fois, et se survivre même quelque temps en face du christianisme. Or, il faut bien l'avouer, ni les débris de la littérature orphique, ni les nombreux témoignages de l'antiquité, ni les travaux des savants modernes ne nous donnent la clef de cette énigme. A la question des origines se rattache celle des rapports de l'Orphisme avec les autres mystères. Certains savants ont aperçu partout le rayonnement de l'Orphisme, dans la religion comme dans la philosophie, dans la littérature, dans l'évolution morale, jusque dans l'art. Qu'il y ait des analogies entre les divers mystères, c'est évident ; et il n'y a pas lieu de s'en étonner, puisque tous sont nés des mêmes besoins. Qu'il y ait eu des emprunts, c'est probable ; et nous en avons même la preuve sur quelques points. Cependant, l'on doit se garder de conclure, d'une analogie, à un emprunt. Les anciens avaient constaté des ressemblances entre l'Orphisme et les mystères des Cabires ; d'où la légende qui faisait d'Orphée un initié de Samothrace. De même, les traditions qui plaçaient en Crète, en Phrygie, en Egypte, les origines de l'Orphisme, prouvent que l'on remarquait des analogies entre les mystères orphiques et les mystères crétois, phrygiens ou égyptiens. La question est plus complexe en ce qui concerne le Pythagorisme, les mystères bachiques, et les mystères d'Eleusis. On a signalé des rapports frappants entre l'Orphisme et le Pythagorisme : théories communes, vie ascétique, prescriptions semblables. Hérodote et Plutarque paraissent même identifier les deux doctrines. On racontait que Pythagore avait été initié à l'Orphisme. C'est probablement une légende ; car rien ne prouve qu'il ait existé des confréries orphiques dès le temps où vivait le philosophe. Il est certain, au contraire, que le Pythagorisme a réagi sur l'Orphisme. Quand se disloquèrent les communautés pythagoriciennes, vers la fin du VIe siècle, beaucoup de leurs membres semblent s'être affiliés aux thiases orphiques. Ils y apportèrent naturellement leurs doctrines et leur goût des spéculations. Beaucoup des premiers ouvrages orphiques ont été écrits par des Pythagoriciens, Cercops, Brontinos, Zopyros, Arignoté, Persinos, et uploads/Religion/ orphici.pdf
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- Publié le Mar 31, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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