Jean-Marie Hyacinthe QUENUM, SJ ¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨ LE MYSTÈRE DE LA RÉUNION SP
Jean-Marie Hyacinthe QUENUM, SJ ¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨¨ LE MYSTÈRE DE LA RÉUNION SPIRITUELLE DE L’HUMANITÉ. LA SIGNIFICATION DE CE THÈME DANS CATHOLICISME DE HENRI DE LUBAC ET SES ENJEUX THÉOLOGIQUES AU SEUIL DU XXIème SIÈCLE. Je dédie ce modeste ouvrage à Henri de Lubac Henri Sonier de Lubac, d’heureuse mémoire, né le 20 février 1896 et rappelé à Dieu le 4 septembre 1991, à l’âge de quatre vingt quinze ans, fut un théologien éminent dont les beaux écrits théologiques et socio-culturels remplis de sagesse, de lucidité de jugement et de finesse d’esprit ont profondément influencé la vie de l’Église Catholique. Consulteur à la commission théologique internationale préparatoire au concile Vatican II, Henri de Lubac a apporté une contribution remarquable au concile comme Expert. Il fut l’un des architectes des textes du concile Vatican II. Durant plus d’un demi-siècle de production théologique, Henri de Lubac a touché toutes les questions essentielles de la pensée contemporaine. Enraciné dans la tradition Catholique et fidèle à son magistère, il s’est fixé comme objectif de désensabler le lit du fleuve de la tradition théologique et ecclésiale. En revisitant la tradition théologique , il utilisa ses ressources intellectuelles et spirituelles au service de l’intelligence de la foi et des préoccupations de l’homme de son temps. Il fut aussi un humaniste soucieux de dialoguer avec les cultures de son temps qu’il considérait comme des réseaux de sens mettant en jeu les rites, les mythes, les idéologies et les conduites dont la compréhension est nécessaire pour assurer les chances de pertinence à la foi chrétienne. Théologien de l’histoire et des religions, Henri de Lubac a abordé de façon toujours novatrice, l’actualité historique du message chrétien en spécialiste du dogme. Il est l’un des théologiens francophones qui privilégie l’histoire comme lieu du déploiement de la révélation du Dieu des chrétiens. En lisant attentivement l’immense œuvre théologique, riche et variée, du Père Henri de Lubac, Je n’ai pas résisté à la tentation de le qualifier de Théologien de l’accomplissement plénier du mystère éternel de Dieu. C’est dans le sentiment de gratitude pour le Père Henri de Lubac qui m’a fait découvrir par ses écrits, certains aspects du mystère chrétien que J’ai choisi ce théologien exemplaire pour me guider dans ma recherche d’inculturation de la foi chrétienne dans les sociétés africaines d’aujourd’hui et de demain. In Christo Domino Jean-Marie Hyacinthe Quenum SJ. 1 INTRODUCTION. Le beau et grand livre Catholicisme1 de Henri de Lubac a exercé une grande influence sur mon discernement théologique durant mes années de formation religieuse. Aussi j’attache une importance essentielle à cet ouvrage qui fut novateur en son temps et qui réhabilite le paradoxe chrétien de la transcendance divine au cœur de la condition humaine. Catholicisme est la colonne vertébrale de l’œuvre historique et théologique de Henri de Lubac qui s’est inscrite sur un demi-siècle de confrontation du christianisme avec le monde moderne. Comme le précise le Père Michel Fédou, auteur de plusieurs écrits sur Henri de Lubac, « L’ouvrage de 1938 présentait de manière condensée, les idées fondamentales qui allaient commander toute l’œuvre. Avec le coup d’archet de Catholicisme, c’est toute la mélodie qui était en quelque sorte donnée. Elle allait se déployer autour de trois thèmes : la commune vocation de l’humanité, le sens chrétien de l’histoire, et le " drame" des doctrines ou mystiques athées. »2 Le thème de la réunion spirituelle de l’humanité, qui est l’objet de cet essai de théologie fondamentale, est suggéré par la perspective principale de Catholicisme : les aspirations du genre humain à l’unité. Antonio Russo, auteur d’une biographie de Henri de Lubac présente le thème de la réunion spirituelle de l’humanité dans les termes de sa première grande œuvre. « Les Pères avaient déjà vu et compris à propos de la création du premier homme, que Dieu a fait l’humanité comme un seul tout brisé en mille morceaux et en une myriade d’individus à cause et à la suite du péché originel. Ainsi les Pères considéraient l’œuvre de Rédemption comme un rétablissement de l’unité originelle de l’homme avec Dieu et des hommes entre eux. Une telle perspective apparaît chez Paul (Col.1, 20) et (Jean 2, 52) chez qui le Christ est Celui qui réunira du haut de sa croix les membres dispersés de l’humanité et fera de tous les peuples un seul règne, rétablissant ainsi l’unité perdue. L’œuvre rédemptrice et la constitution de la société religieuse sont ainsi intimement liées. »3 1 Henri de Lubac, Catholicisme. Les aspects sociaux du dogme, coll. « Unam Sanctam », Paris, Éditions du Cerf, 1938. 2 Michel Fédou, « Henri de Lubac, Théologien. ». Études. Mars 1997 (3863) p. 375. 3 Antonio Russo, Henri de Lubac. Éditions Mame, Paris, 1993, pp.9-10. 2 Le thème de la réunion spirituelle de l’humanité apporte de multiples éclairages sur la vocation personnelle et commune de l’humanité. Il permet d’approfondir le sens chrétien de l’histoire. Il favorise le développement d’une mystique de la communion. Il met en valeur les nouveaux rapports spirituels d’unité, de fraternité et de solidarité de Jésus-Christ inscrivant par sa vie, sa mort et sa résurrection la puissance vivifiante de l’amour trinitaire au cœur de l’histoire humaine. Il montre le caractère historique, social et mystique du salut qu’apporte le Christ à l’humanité. Il fait pressentir la création avant la chute et la création déjà transfigurée au sein de laquelle Dieu fait « l’univers nouveau » (Ap. 21,5). C’est en essayant de comprendre le caractère social, historique et mystique de la réunion spirituelle de l’humanité dans le langage symbolique et sacramentel de la tradition de l’Église, présentée en toute rigueur théologique par Henri de Lubac, que nous avons décidé de confronter ce thème aux défis culturels du XXIe siècle. Certes, selon Christoph Schönborn, la vision de l’unité où tous ne font qu’un dans le Christ (Col 3, 11), à l’image du Dieu Père, Fils et Esprit Saint, « s’est concrétisée dans l’Église une qui chante en toute langue la louange de Dieu, dans laquelle tous les hommes peuvent se sentir chez eux, sans distinction d’origine, de formation ni de race 4 ». Cependant la mondialisation des échanges culturels remet radicalement en question la compréhension de la réunion spirituelle de l’humanité, en un temps où il faut prendre en compte l’importance des mutations culturelles, le défi de l’incroyance et la présence des autres traditions religieuses de la planète qui ont acquis reconnaissance et droit d’exister. Avant de présenter plus précisément la démarche de notre étude, il convient de la justifier par référence au projet même de Catholicisme et à la manière dont ce projet a été compris par plusieurs interprètes de cette œuvre. Sans doute est-il possible d’étudier le livre selon des perspectives très diverses. On pourrait par exemple s’attacher à la méthodologie historique du recours aux sources patristiques, méthodologie qui fut en son temps l’une des grandes nouveautés de Catholicisme ; nous sommes en tout cas très sensible à la manière dont Henri de Lubac lit la Parole de Dieu et les commentaires qu’en ont donnés les docteurs et les saints de la tradition vivante de l’Église. Mais le titre général de notre travail indique bien l’angle particulier, en même temps que central, sous lequel nous abordons Catholicisme. 4 Christoph Schönborn, L’unité de la foi. Éditions Mame, Paris, 1993, pp. 9-10. 3 Les mots « réunion spirituelle » sont employés par Henri de Lubac lui–même dans un passage du livre : « L’Église, qui est "Jésus–Christ répandu et communiqué", achève – autant qu’elle peut être achevée ici–bas – l’œuvre de la réunion spirituelle rendue nécessaire par le péché, commencée à l’Incarnation et poursuivie au Calvaire. »5 Avons–nous le droit de nous appuyer sur cette seule occurrence pour développer toute une étude sur la réunion spirituelle de l’humanité ? Nous espérons justement démontrer que le thème évoqué par cette expression est en réalité présent, sous bien des formes, à travers maints passages de l’œuvre. Nous verrons même qu’il peut être considéré comme un thème unificateur du livre : même si celui–ci, selon l’aveu de Henri de Lubac, « est fait de pièces et de morceaux, d’abord indépendants, cousus tant bien que mal en trois parties, sans plan préconçu »6 ; il n’en manifeste pas moins une cohérence très profonde, qui est notamment liée à la perspective du mystère désigné à travers l’expression « réunion spirituelle de l’humanité ». Sans anticiper sur notre démonstration, nous pouvons dès maintenant mentionner trois auteurs qui, par leurs commentaires de Catholicisme, nous encouragent à développer notre propre recherche. Le premier est Hans Urs von Balthasar qui, dans une étude consacrée à Henri de Lubac, tente de mettre en évidence le caractère « organique » de son œuvre. Il observe en particulier que toute la première partie de Catholicisme est centrée sur « l’idée de solidarité totale » - une idée qui, d’ailleurs, réapparaît dans d’autres passages du livre. Celui–ci, dit–il encore, a pour objet essentiel « L’ouverture de l’Église, par delà sa figure limitée, à l’ensemble de l’histoire du salut de Dieu avec le monde. »7 De son côté, Jacques Guillet présente Catholicisme uploads/Religion/ le-mystere-de-la-reunion-spirituelle-de.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 15, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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