Léo Taxil Les trois cocus roman comique Librairie populaire, 1884. CHAPITRE PRE

Léo Taxil Les trois cocus roman comique Librairie populaire, 1884. CHAPITRE PREMIER LE NOUVEAU LOCATAIRE DU 47. Ce jour-là, le père Orifice, concierge de la maison n° 47 du boulevard Saint-Michel, à P aris, était dans tous ses états. Il avait passé une nuit déplorable. Il racontait ses malheurs à la dame qui tient le kiosque à journaux en face de chez lui. Tout en, sécriait-il, cest la faute au printemps, à la race canine et à ces gredins détu nts ! Pauvre monsieur Orifice ! répondait la dame du kiosque, compatissante ; et ce vaca rme a duré ? Une bonne heure, chère madame, une bonne heure Je dormais comme un bienheureux ; Ag athe ronflait Tout à coup on sonne Je me réveille en cerceau Je frotte mes yeux « Tiens ! que je me dis, mais il me semblait que tous les locataires étaient rentrés » Enfin, tou t de même, je tire le cordon La porte souvre, reste ouverte un grand moment, puis se referme avec fracas il était sur les deux heures du matin Une minute se passe dans le silence Puis, voilà des zhurlements qui remplissent la cour Je réveille Agathe « Enten s-tu ces zhurlements ? que je lui fais. Ah ! mon Dieu ! quelle me répond épouvantée, ces t le jugement dernier » Le fait est que ce nétait pas rassurant du tout Je me lève cepend ant en chemise, comme bien vous pensez et je mets le nez à la fenêtre. Monsieur Orifice, vous me donnez le frisson. Il y avait de quoi, chère madame La cour était pleine dun tas dombres qui sagitaient pa terre Et ça grouillait, et ça zhurlait, quon aurait dit des âmes du purgatoire en train de demander grâce au Père Éternel Puis, voilà que les zhurlements se changent en aboiement s lamentables « Cest des chiens ! que me fait Agathe. Poltron ! est-ce que tu as peu r de quelques chiens ? Par où donc quils sont entrés ? » Pour lors, je prends ma canne je sors toujours en chemise et je tape dans le tas Ah bien oui ! il y en a un gros qu i me saute après et me mord le gras du mollet Impossible de me débarrasser de tous ce s animaux-là Je crie : au secours ! La maison se réveille On me jette des seaux deau sur la tête, sous prétesque de calmer les chiens, qui zhurlaient de plus fort en plus fo rt Enfin, Agathe, qui avait pris le temps de passer une jupe, se glisse le long d es murs jusquà la porte dentrée, louvre toute grande, et cette émeute enragée se décide à r de chez nous Cétait encore une farce de ces maudits étudiants Comme vous le dites, chère madame À la poignée de la sonnette, il y avait une lettre pe ndue. Vous lavez lue, cette lettre ? Agathe sen empara et la rapporta dans la loge Nous allumons la bougie, pendant que les locataires se recouchent en nous injuriant et alors nous lisons cette lettre infernale Voici ce quelle disait : « Recette pour amuser un portier : Prendre à minui t sur le pavé une chienne errante, après sêtre assuré quelle est sous linfluence des ardeu s du printemps ; la promener en la tenant en laisse pendant deux heures, dans la rue Mouffetard ou toute autre rue fréquentée par lespèce canine ; une fois que la demo iselle a récolté à sa suite une trentaine de galants, faire ouvrir la première porte ven ue et introduire la meute dans la cour ; refermer la porte et laisser le portier se distraire en compagnie de ces camarades inattendus. » Cest abominable, monsieur Orifice ! Dautant plus abominable que cela était signé : Sapeck Sapeck, chère madame, un scélérat q est le fléau du quartier latin Ne men parlez pas Il men a déjà fait voir de toutes les couleurs Oh ! si jamais je le tiens seul à seul, dans un coin, il apprendra ce quil en coûte d e troubler ainsi la nuit paisible dun concierge comme moi. Et vous ferez bien ! Cet être là est un monstre ! Pis que cela, chère madame, cest un journalisse. Et là-dessus, le père Orifice réintégra son domicile en jurant comme un charretier. De fait, le concierge du 47 navait pas tort dêtre en fureur. La farce du mauvais pla isant quil avait désigné sous le nom de Sapeck était dun goût détestable. La meute de chien qui avait été introduite à deux heures du matin dans sa cour, grâce à leffet des ardeurs p rintanières dune phryné canine, lui avait littéralement coupé son sommeil, et, quand il sét it rendormi, au point du jour, entre les bras dAgathe, son repos avait été encore tro ublé par dhorribles cauchemars. Il avait rêvé quil était assailli par une bande de chiens enragés. Après tout, pensa-t-il en se réveillant, qui sait si le brigand de chien qui lavait m ordu nétait pas atteint de la rage ? Il fut montrer son mollet au pharmacien le plus proche, qui profita de cette cir constance pour le cautériser dans les hauts prix. Au surplus, le jeune Hyacinthe, son héritier présomptif, âgé de trois ans, avait eu, de son côté, une nuit tellement agitée quil soublia de la belle manière dans sa couche enfant ine ; ce qui lui valut, une fessée soignée de la part de madame sa mère, la hargneuse Agathe. Le père Orifice était à peine cautérisé et prenait le frais sur sa porte, lorsquil lut abor dé par un jeune homme à laspect sympathique. Pardon, monsieur, fît le jeune homme, est-ce vous qui êtes le concierge de cette mai son ? Oui, monsieur. De combien de pièces, sil vous plaît, se compose lappartement dentre-sol qui est à louer ? De quatre pièces, monsieur : un salon, une chambre à coucher une salle à manger et une grande cuisine très claire. Il y a aussi un cabinet sur la cour, lequel est assez vaste et pourrait compter pour une pièce. Le prix ? Mille francs, monsieur. Peut-on visiter ? À votre service. Et voilà le pipelet qui sempresse de montrer au candidat locataire les beautés de lhab itacle. Le jeune homme déclare que lappartement lui convient. Toutefois, il sinforme des per sonnes qui demeurent dans la maison. Il ne voudrait, pour rien au monde, habiter dans une maison qui ne serait pas tranquille et respectable. Pour cela, monsieur, affirme le concierge, vous navez aucune inquiétude à avoir Lentres ol na que deux locataires : celui de lappartement disponible et lépicier du rez-de-ch aussée. Au premier demeure un plumassier de la rue Saint-Denis, M. Paincuit. Au se cond, cest M. Mortier, président à la vingt-cinquième chambre. Au troisième, le colonel C ampistron de Bellonnet, retraité. Tous gens paisibles et fort honorables, menant c hacun dans sa famille une vie patriarcale. Vous voyez que la maison est bien hab itée. Quant aux étages au-dessus, ils sont divisés en deux appartements occupés par des employés de commerce ; ce ne sont pas des bourgeois, mais cest tout comme. Partout, des ménages dune tranquillité dont rien napproche. Bien, ça me va. Et quelles sont les charges du bail ? Six mois à payer davance, défense de faire monter du bois ou du charbon après dix heure s du matin, et interdiction absolue davoir des chiens ou même des chats. Les oiseaux sont-ils aussi interdits ? Pas le moins du monde. Je désirerais que cela fût stipulé sur le bail. M. Tardieu, le propriétaire, ny verra aucun inconvénient. Alors, cest entendu. Je retiens lappartement. Voici trente francs pour le denier-à-D ieu. Grand merci, monsieur, vous me comblez ! Veuillez prendre mon nom et mon adresse. Robert Laripette. Je vis de mes petites rentes. Jai assez voyagé, et je viens me fixer à Paris. Je demeure depuis huit jours à lhôtel de Suez, boulevard de Strasbourg. Dites au propriétaire de me préparer un bail de trois-six-neuf, résiliable au gré du locataire à chaque période de trois ans. Très bien, monsieur. En signant, je remettrai à M. Tardieu les cinq cents francs qui représentent les ter mes de loyer davance. Le portier salua jusquà terre M. Robert Laripette. Celui traversa la cour. Sur le seuil de la porte cochère se tenait, pleurnichant, un moutard renfrogné. Cétait lhéritier présomptif des époux Orifice. Quas-tu, petit ? demanda le nouveau locataire. Maman a fouetté Bébé parce que Bébé a fait caca au lit. Oh ! maman pas gentille, dit Robert Laripette. Bébé bien sage. Tiens, voilà dix sous p our récompenser Bébé davoir fait caca au lit. Toutes les fois que Bébé sera bien sage, le m onsieur lui donnera dix sous pour acheter bonbons. Le jeune Hyacinthe uploads/Religion/ les-trois-cocus.pdf

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  • Publié le Jui 02, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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