Dossier : Augustin 75 La Règle de saint Augustin « Ce qui nous était commun, c’

Dossier : Augustin 75 La Règle de saint Augustin « Ce qui nous était commun, c’’était un domaine immense et in niment riche : Dieu lui-même. » (Sermon 355) Regula sancti Augustini : ce titre  gure sur le manuscrit de la Règle le plus ancien actuellement connu, qui date du VIe ou VIIe siècle, et dont plusieurs fragments sont reproduits sur la couverture du livre du P. Athanase Sage, assomptionniste, La Règle de saint Augustin commentée par ses écrits1. La Règle n’’est certes pas l’’œœuvre la plus prestigieuse de l’’évêque d’’Hip- pone, même si quantité d’’instituts religieux l’’adoptèrent, après que le IV e concile du Latran (1215) eût limité à quatre le nombre des Règles autorisées : saint Basile pour l’’Orient, saint Benoît, saint François et saint Augustin pour l’’Occident. Alors que de nombreux instituts vivent, aujourd’’hui encore, « sous la Règle d’’Augustin », celle-ci n’’est souvent qu’’un « pavillon de complai- sance », selon le mot d’’un supérieur général de l’’Assomption. Pourtant, à y regarder de près, elle est l’’écho d’’un idéal exi- geant, qui a d’’abord été vécu avant d’’être mis par écrit. « Notre mode de vie est là devant vos yeux » (Sermon 355, 1) Si l’’on veut comprendre l’’idéal communautaire qui est la marque de fabrique des communautés augustiniennes, il faut Marcel NEUSCH Marcel NEUSCH est bien connu des lecteurs de La Croix ; professeur émérite de l’’Institut Catholique de Paris où il a longtemps dirigé l’’Ins- titut de science et de théolo- gie des religions (ISTR), il dirige la revue bi-annuelle de spiritualité augustinienne, Itinéraires augustiniens. Auteur d’’une Initiation à saint Augustin, maître spirituel (Cerf, 1996), c’’est aussi com- me Augustin de l’’Assomption qu’’il parle de la Règle. 1. Etudes Augustiniennes, 1961. Sur l’’état actuel des re- cherches, on peut se référer à l’’étude de Goulven MADEC, L’’idéal communautaire de la Règle, paru dans « Itinéraires Augustiniens » n° 4 (juillet 1990), un numéro tout entier consacré à la Règle (Centre de Recherche Augustinienne de Bonnelles (CRAB) 78 830 Bonnelles). ĸ Antonello da MESSINA, Saint Augustin, vers 1450, Pinacothèque de Palerme. Lumière & Vie n°280, octobre-décembre 2008 - p. 75-80 76 remonter au-delà de la Règle, au-delà même de la conversion d’’Augustin, et rappeler l’’expérience avortée qu’’il évoque dans ses Confessions : « Nous étions plusieurs amis, qui avions agité un projet dans notre esprit : au cours d’’entretiens communs, et dans notre horreur pour les tracas et les embarras de la vie hu- maine, nous avions déjà presque arrêté de nous retirer de la foule, et de mener une vie de loisir tranquille. Ce loisir, nous l’’avions organisé ainsi : tout ce que nous pourrions posséder, nous le met- trions en commun, pour fonder en un patrimoine unique tous les biens ; de cette façon, en vertu d’’une loyale amitié, il n’’y aurait plus ceci à l’’un, cela à l’’autre, mais, de ces biens qui feraient un seul tout, l’’ensemble appartiendrait à chacun, et le tout à tous. » (VI, 14, 24). On ne peut guère rêver d’’un « communisme » plus avancé. Mais le projet devait échouer « à cause de ces faibles femmes (mulierculae), celles que certains d’’entre nous avaient déjà, et celles que nous, nous voulions avoir » (ib.). Relisant cet échec, Augustin y voit surtout la main de Dieu. « Tu te moquais de nos plans, et tu formais le tien ! » Pourtant cet idéal communautaire, d’’inspiration philosophique, se retrou- vera à l’’arrière-plan de tous les projets ultérieurs, d’’inspiration évangélique. Il fera une première expérien- ce à Cassiciacum, un « jardin champêtre » (ib. IX 3, 5), où, en attendant le baptême, il mènera, avec un groupe d’’amis, une vie « quasi monastique ». Avant son retour en Afrique, il visitera aussi les monastères de Milan et surtout de Rome (De moribus cath. eccl. 33, 70), dont il retient en particu- lier que les moines y « vivent du travail de leurs mains ». Lui- même donnera bientôt forme à cet idéal monastique, d’’abord à Thagaste où il s’’établit avec des frères en 388, « dans la maison et sur les terres qui lui appartenaient … sans plus tenir ces biens comme propriété personnelle », comme l’’écrit Possidius, son premier biographe, qui ajoute : il enseignait « présents et absents, les premiers par ses conversations, les seconds par ses livres ». Sans l’’appel au sacerdoce, en 391, il n’’aurait sans doute rien changé à ce choix initial. Il évitait à cette époque, dit-il, les villes dont le siège épiscopal était vacant. En voyage à Hippone, voici la surprise qui l’’attendait : « Je vins dans cette ville pour voir un ami que je pensais gagner à Dieu et l’’inviter à partager notre vie au monastère. J’’étais tranquille puisque Hippone était pourvu « Ce qui nous était commun, c’’était un domaine immense et in niment riche : Dieu lui-même » 77 LA RÈGLE DE SAINT AUGUSTIN 2. Saint Augustin, La vie commune. Traduction an- notée des Sermons 355- 356 par Goulven Madec, NBA 6, Institut d’’Etudes Augustiniennes, 1996. 3. Luc VERHEIJEN, Nouvelle approche de la Règle de saint Augustin, col- lection « Vie monastique » n° 8, Abbaye de Bellefontaine, 1980, p. 7. d’’un évêque. Je fus empoigné, fait prêtre, et cela me conduisit  nalement à l’’épiscopat » (Sermon 355, 1)2. Son évêque, cédant à son désir, mit à sa disposition une maison au fond d’’un jardin où il pourrait continuer à vivre avec des frères. « Ce qui nous était commun, c’’était un domaine immense et in niment riche : Dieu lui-même » (ib.). Il quittera bientôt ce monastère du jardin pour la maison épiscopale, sous le motif que l’’évêque se devait « d’’accueillir ceux qui passaient », un devoir d’’hospitalité qui lui paraissait incompatible avec la nécessaire tranquillité d’’un mo- nastère. Sans renoncer à l’’idéal de vie commune, il rassemblera désormais tous ses clercs dans sa maison épiscopale, la transfor- mant en véritable monastère. « Devenu évêque malgré lui, écrit Mandouze, il resta moine malgré tout ». « Selon la Règle instituée sous les saints apôtres » (Possidius, Vie de saint Augustin, 5, 1) Il était indispensable de rappeler ce contexte, ne serait-ce que pour se convaincre qu’’avant d’’avoir été mise par écrit, la Règle a été expérimentée. La vie avant la Règle ! La question de l’’origine de cette Règle, tout comme sa date, reste en débat. Si, de l’’avis des spécialistes, Augustin en est bien l’’auteur incontes- té, lui-même ne la compte manifestement pas parmi ses œœuvres majeures. Il n’’en fait aucune mention dans les Révisions, où il passe pourtant en revue l’’ensemble de ses écrits. La question se complique dans la mesure où, dans l’’état actuel des recherches, on dispose de trois pièces : - la Règle au masculin, dont la rédaction peut remonter à 397 et dont les destinataires furent sans doute les « frères-laï- ques avec lesquels Augustin avait vécu à Hippone, jusqu’’à son départ pour la maison épiscopale »3 ; - la Règle au féminin, ajoutée à la lettre 211, qui pourrait dater de 424. Cette lettre est une remontrance (objurgatio) adres- sée aux religieuses d’’Hippone, un monastère auparavant dirigé par la sœœur d’’Augustin et qui connut des troubles par la suite ; - quant au Règlement du monastère (Ordo monasterii), il ne serait pas d’’Augustin, mais de son ami Alypius qui l’’aurait 78 rédigé, au retour d’’un voyage en Palestine, à l’’intention de la communauté de Thagaste. Quoi qu’’il en soit de ces hypothèses, il est clair que la Règle est un « texte de circonstance », un « résumé », qui n’’a pas la prétention d’’offrir une charte en bonne et due forme de la vie monastique. Elle s’’attache surtout à corriger des abus ou à remédier à des crises. « La Règle se présente comme un mélange déconcertant de grands principes et de petites prescriptions : la jalousie, l’’envie, l’’orgueil … et de tentations très ordinaires … Ce n’’est assurément pas un condensé de la spiritualité augustinien- ne : on n’’y trouve qu’’une mention du Christ, à la  n (VIII, 1), dans une reprise apparemment banale d’’une formule paulinienne sur la bonne odeur du Christ (2 Co 2, 15) »4. Il ne faut donc pas chercher dans la Règle plus que ce qu’’elle ne peut donner. « Une seule âme et un seul cœœur tournés vers Dieu » (Règle 1, 2) Regardons le contenu. On a pu dire, un peu hâtivement, que la Règle de saint Augustin ne contenait que des « généralités un peu passe-partout », sans « aucune doctrine bien dé nie ». Si elle n’’a pas la précision d’’autres Règles, elle ne contient pas moins une doctrine, qu’’on pourrait sans peine expliciter à la lu- mière de ses écrits. Cela a justement été fait par le P. Athanase Sage. On se limitera donc ici à un bref commentaire qui, sans s’’attacher aux détails des huit chapitres, voudrait aller à l’’es- sentiel, cet essentiel étant donné dès les premiers mots : « Avant uploads/Religion/ lv-280-pages-75-80.pdf

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  • Publié le Apv 21, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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