L’OBEISSANCE D’APRES SAINT THOMAS D’AQUIN Ce texte ancien, particulièrement cla

L’OBEISSANCE D’APRES SAINT THOMAS D’AQUIN Ce texte ancien, particulièrement clair, est d’une actualité étonnante en cette époque où le seul argu- ment final utilisé par l’église conciliaire est : obéissez. Le lecteur ayant déjà bien compris que cette église, à la foi œcuménique, charismatique, gnostique, cabaliste, franc-maçonne, s’étant substituée à l’Eglise Catholique, est plus fille de Satan que de Notre-Seigneur Jésus-Christ sera conforté dans ses jugements et choix. Il mérite une lecture attentive et une vraie méditation tant la doctrine y est importante. Nous avons hésité à supprimer le dernier paragraphe (qui n’apporte plus grand chose à notre époque, mais qui se comprend en 1882), mais nous savons que le lecteur saura surtout retenir tout le reste de l’article. En union de prières et de Foi. L-H R. REVUE CATHOLIQUE DES INSTITUTIONS ET DU DROIT. SEPTEMBRE 1882 A nos lecteurs, La Révolution, qui ne parlait d’abord que de liberté, arrive à se démasquer, et ne se fait plus connaître que par le DESPOTISME. Elle ne reconnaît aucun droit qui la domine. D’après elle l’Etat est tout-puissant et tout droit vient de lui. La loi imposée par la majorité est la règle de toute justice : toute réclamation de la conscience indi- gnée est une révolte. Elle ne peut supporter cette noble parole prononcée d’abord par les apôtres et qui s’est re- nouvelée de siècle en siècle : il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes. Même au péril de la vie ce cri a été celui de toutes les âmes libres de la vraie liberté, lorsqu’il y a eu conflit entre la loi de Dieu et le commandement des puissances humaines. C’est le moment d’établir les vrais principes de l’obéissance, de dire ce que peuvent les pouvoirs publics, les limites de ce pouvoir, et quels sont les principes immuables qui sauvegardent les droits, non seulement de la Religion, mais de l’individu et de la famille. On verra, par l’étude suivante, comment la doctrine catholique indique une voie droite et sûre ; comment tout en éle- vant bien haut l’obéissance au pouvoir, parce que cette obéissance est la condition de l’ordre, et parce que tout pouvoir vient de Dieu, elle trace les limites de cette autorité qui n’est qu’un rayon de l’autorité divine et une communication de la puissance de Dieu pour un but déterminé. Cette doctrine, qui est la seule vraie, établit pour fondement de tout ordre que l’homme a été créé pour Dieu et pour le posséder éternellement, que toute autorité humaine a pour mission de l’aider à arriver à ce but, et qu’elle perd toute force lorsqu’elle tend à s’en détourner ; qu’elle se brise contre les principes immuables du bien, lorsqu’elle veut ou les attaquer, ou ne pas les reconnaître. C’est à ce point de vue que nous recommandons l’étude suivante de M. Robert Monteith. Encore un peu et les doctri- nes du Contrat social et de l’Etat-Dieu nous conduiront à la barbarie légale ; il est temps d’aviser. DE L’OBEISSANCE DUE AU POUVOIRS HUMAINS - DOCTRINE DE SAINT THOMAS D’AQUIN. La soumission de l’homme à Dieu, dit l’Ange de l’École, est entière, sans restriction et sans limites, tandis que la soumission de l’homme à l’homme est partielle, limitée, et restreinte à certains objets déterminés. Deo subjicitur homo simpliciter, quantum ad omnia, interiora et exteriora1. Subditi autem rayon subjciiuntur suis superioribus quantum ad omnia, sed quantum ad aliqua determinata (ibid.). Aussi, après avoir posé en termes formels cette question : "Les sujets sont-ils tenus d’obéir à leurs supérieurs en toutes choses ?" il la résout négativement2. Les limites de l’obéissance sont déterminées par la mesure même du droit du supérieur à commander : Secundam rationem superioritatis (ibid.) lequel est essentiellement limité ; et d’abord quant à son objet. Ainsi, le religieux n’est tenu d’obéir que dans les choses qui regardent la vie de communauté, son prélat n’ayant d’autorité sur lui que pour cet objet3. Le chrétien séculier ne doit l’obéissance au sien que dans la matière des engagements du Baptême4. Le citoyen ne la doit que dans les choses civiles ; le soldat que dans le cercle de la discipline militaire. Le droit du supérieur est ensuite toujours limité par la morale : on ne doit jamais lui obéir dans les choses illici- tes5. Il l’est encore par le droit des supérieurs plus élevés dans la hiérarchie. Ici saint Thomas cite la Glose sur ce verset de l’Epître aux Romains : Celui qui résiste au pouvoir, résiste à l’ordre de Dieu6. Il se trouve que la Glose en cet endroit n’est autre que saint Augustin, dont saint Thomas s’approprie la lumineuse explication que voici : - Mais quoi ! Si le curial commande une chose défendue par le proconsul, est-ce qu’on doit lui obéir ? Si le proconsul à son tour commande une 1 THOMAS AQUINAS. Summ. Théolog. 2a 2a quest. 104, de obedientia art. V, respond ad 2. 2 Ibid., in corpore articuli. 3 Ibid. Ad tertium dicendum quod religiosi profitentur quantum ad regularern conversationem, secundum quam suis prae- latis subduntur. Et ideo quantum ad illa sola obedire tenentur quae possunt ad regularem conversationem pertinere. 4 2a 2a Quest. 186, art. V ad 1. 5 …dum tamen illa non sint contra Deum, quia talis obedientia esset illicita. 2a 2a q. 104, art. V, R. ad 3. 6 Ibid., art. V in corp. chose et l’empereur une autre, est-il permis d’hésiter un instant ? Ne doit-on pas mépriser le proconsul pour obéir à l’em- pereur ? Enfin, si l’empereur donne un ordre contraire au commandement de Dieu, il est évident que l’empereur est à mépriser, c’est à Dieu qu’il faut obéir (ibid.). Ergo si aliud Imperator aliud Deus jubet, comtempto illo, Deo obtemperandum est. Après s’être approprié saint Augus- tin, le grand théologien s’assimile Sénèque. Le droit des supérieurs est encore restreint d’une autre manière, ajoute-t-il. Car, pour parler comme Sénèque, c’est être dans une grande erreur de croire que l’homme tout entier descend dans la servitude : la meilleure partie de lui-même est exceptée. Les corps seuls sont soumis et adjugés aux maîtres, l’âme de- meure suis juris. En ce qui est au mouvement intérieur de la volonté, l’homme ne doit pas obéissance à l’homme mais à Dieu seul. L’homme n’est obligé à l’obéissance envers l’homme que dans certaines choses extérieures qui s’opèrent au moyen du corps ; parmi celles-ci mêmes, il en est qui lui appartiennent par droit naturel : en quoi l’homme ne doit encore l’obéissance qu’à Dieu. Telles sont la subsistance, la paternité, et beaucoup d’autres semblables. C’est pour cela, ajoute saint Thomas, que les fils ne sont pas tenus d’obéir à leurs parents en matière de mariage à contracter ; non plus que de continence à vouer ; mais à Dieu seul. C’est dans la sphère des actes extérieurs et des choses humaines que les infé- rieurs doivent l’obéissance à leurs supérieurs, et dans les strictes limites du droit de ceux-ci à commander : ainsi le servi- teur à son maître, pour l’exécution des œuvres serviles ; le fils à son père, pour la conduite de la vie et le soin de la mai- son. Et ainsi des autres (ibid.). Saint Thomas d’Aquin dit encore : l’obéissance est une partie de la justice Justitiœ pars est1. Comment ? En ce qu’il est de droit divin, Juris divini, qu’il y ait des hiérarchies sociales. C’est la raison pour laquelle la désobéissance est un péché grave, parce qu’elle viole l’ordre établi par Dieu même2. Mais Dieu a voulu qu’il y ait des hiérarchies sociales pour aider les hommes à obtenir leur fin, qui est son règne, c’est-à-dire la justice3 pratiquée ici-bas et couronnée dans l’autre vie. Voilà pourquoi, dit-il avec saint Grégoire-le-Grand, la valeur, le mérite de l’obéissance procède de l’amour, de la justice et non pas du servilisme4 ou de l’intérêt propre (ibid.). Mais voilà pourquoi aussi, dit le saint docteur en terminant ses thèses sur l’obéissance, si les supérieurs sont eux-mêmes hors de la justice on ne leur doit pas l’obéissance. Or, ils peuvent être hors de la justice en deux manières : s’ils ont une autorité usurpée ou s’ils commandent des choses in- justes. Si non habent justum principatum sed usurpatum, vel si injuste praecipiunt5. De là trois sortes d’obéissance : - les uns obéissent dans les choses obligatoires : cela suffit pour le salut ; - d’autres obéissent dans les choses mêmes qu’on n’a pas droit d’exiger d’eux, pourvu qu’elles ne soient pas en op- position à Dieu ni aux devoirs de leur état : c’est la perfection ; - enfin, d’autres vont jusqu’à obéir dans des choses illicites6. Celle-là est criminelle. Telle est en abrégé la doctrine de saint Thomas d’Aquin sur l’obéissance, en sa Somme au Traité de la justice et des vertus qui en dépendent. La raison métaphysique et logique de toutes ces sentences, qui déjà portent en elles-mêmes le caractère de l’évi- dence, est d’une hauteur et d’une profondeur merveilleusement lumineuse. Je n’hésiterai pas, messieurs, à l’exposer ici, sachant bien que vous ne partagez pas l’aversion uploads/Religion/ obeissance-selon-st-thomas.pdf

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  • Publié le Nov 17, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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