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Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome Ops et la conception di

Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome Ops et la conception divine de l'abondance dans la religion romaine jusqu'à la mort d'Auguste Pierre Pouthier Citer ce document / Cite this document : Pouthier Pierre. Ops et la conception divine de l'abondance dans la religion romaine jusqu'à la mort d'Auguste. Rome : Ecole française de Rome, 1981. pp. 5-366. (Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome, 242) doi : 10.3406/befar.1981.1226 http://www.persee.fr/doc/befar_0257-4101_1981_mon_242_1 Document généré le 15/10/2015 BIBLIOTHÈQUE DES ÉCOLES FRANÇAISES D'ATHÈNES ET DE ROME Fascicule deux cent quarante deuxième OPS ET LA CONCEPTION DIVINE DE L'ABONDANCE DANS LA RELIGION ROMAINE JUSQU'À LA MORT D'AUGUSTE PAR Pierre POUTHIER Ancien élève de l'École normale supérieure Ancien Membre de l'École française de Rome Professeur à l'Université de Limoges ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME PALAIS FARNÈSE 1981 © École française de Rome - 1981 ISBN 2-7283-0017-8 Diffusion en France: DIFFUSION DE BOCCARD 11 RUEDEMÉDICIS 75006 PARIS Diffusion en Italie: «L'ERMA» DI BRETSCHNEIDER VIA CASSIODORO, 19 00193 ROMA SCUOLA TIPOGRAFICA S. PIO X - VIA ETRUSCHI, 7-9 - ROMA Ce travail doit beaucoup à mes maîtres du Lycée d'Auxerre, du Lycée Louis le Grand, de l'École Normale Supérieure et de la Sorbonne. Ma respecteuse gratitude va à la mémoire de Jean Bayet, qui m'a appris Rome et les Romains, ainsi qu'à Pierre Grimai, qui m'a montré la voie de cette recherche et m'a toujours prodigué ses précieux conseils avec un souriant et bienveillant dévouement. Mes remerciements chaleureux s'adressent à toutes celles et à tous ceux qui m'ont apporté aide et soutien. Enfin ma reconnaissance va à Georges Vallet, Directeur de l'École française de Rome, qui a bien voulu accueillir cet ouvrage dans la Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome, ainsi qu'à Michel Gras, qui a bien voulu accepter de veiller à l'impression du livre. INTRODUCTION II en a été longtemps des dieux comme des poètes; ils ont été poursuivis par leur légende, légende antique et légende moderne, véritable écran à la transparence variable, qui laisse filtrer comme à regret la personnalité authentique. Et, comme dans le domaine de l'histoire littéraire, ces légendes ont été diversement dorées. Naissent ainsi sous la plume de l'exégète ou du commentateur des fantômes successifs du dieu, qui tous présentent une part de vérité, de lumière, et une part d'ombre, de faux ou d'inexpliqué. Le risque de voir ceux-ci se multiplier était particulièrement grand et a été souvent couru quand il s'agissait de divinités proches de la terre et de l'agriculture et incarnant les notions complexes d'abondance ou de fécondité. Soumise à la règle commune, Ops a eu sa longue série de portraits, jamais complets et toujours brefs, souvent illusoires ou décevants, dans la mesure même où le terme d'abondance faisait rêver. L'interprétation dominante a été en effet longtemps prisonnière d'un certain naturalisme simplificateur, qui s'imposait à toutes les divinités «des champs» et en qui l'on voyait une des constantes du paganisme romain. S'y ajoutait une prédilection marquée pour les commencements, qui permettait le triomphe d'un mélange de folklore, d'ethnographisme, d'agrarisme et, plus récemment, de «dynamisme», ou, isolément, de chacune de ces notions. L'abondance à ce niveau sociologique ne pouvait être qu'agricole et même céréalière et, à partir de cette idée globalement juste, la mode intellectuelle du temps, soucieuse de rapprocher toujours plus les dieux de la nature, créait des images d'Epinal «originelles», qui poursuivaient les Immortels tout au long de leur carrière urbaine. Parmi ces dernières, la vieille divinité romaine, née chez les rudes paysans du Latium et conservant de sa préhistoire quelques traces du réalisme italique, quelques caractères aussi de dieu des humbles. Cet agrarisme se modifiait à peine, lorsque l'image de la déesse était saisie plus tard, notamment à 10 INTRODUCTION l'époque d'Auguste - de tels schémas reposaient en effet sur l'étude privilégiée de deux temps forts chronologiquement, ce qu'il était convenu d'appeler les origines et d'autre part le siècle d'or de César et surtout d'Auguste -, où les poètes revêtaient ces notions, en fait permanentes et sans terroir, d'un habit grec, dont au reste on retardait beaucoup trop l'apparition à Rome, et entouraient mythologiquement du cortège des divinités champêtres helléniques les rugueuses divinités italiques. Celles-ci d'une part gambadaient en liberté dans une nature souvent conventionnelle, parfois délicate, d'autre part servaient inconsciemment la politique du Prince dans une perspective agreste, où l'idée d'abondance ou de fécondité avait des relents campagnards. La pointe extrême de ce ruralisme impénitent s'exprimait dans des théories fort éloignées des réalités de l'Urbs et aboutissait dans le souci d'un concret agricole et primitif à l'identification de la déesse avec le tas de blé divinisé. Pour toutes ces spéculations fondées en fait sur un optimisme naturiste, où l'esprit de la pastorale le disputait tantôt à un rousseauisme moralisant tantôt à un primitivisme réducteur - l'abondance agricole récompense, malgré quelques traces de magie, la piété de l'immuable paysan du Latium que les poètes chanteront -, la ville n'est pas une réalité et une déesse de l'abondance, même si toute son «histoire» s'est déroulée de façon privilégiée à l'intérieur des murs de Rome, ne se conçoit qu'aux champs et en fonction des champs, qu'ils soient grecs ou romains. En fait une véritable mythologie suggérée souvent par les Anciens et recréée par bien des exégètes modernes impose à la divinité des masques de circonstance, qu'il faut faire tomber. Dans le cas d'Ops, cette entreprise de mise au clair, de démystification a été lors de ces dernières années menée essentiellement par G. Dumézil, qui, sans pourtant lui consacrer de livre ou même d'essai, a fait de la déesse une de ses favorites, peut-être parce que le cas lui semble privilégié pour éprouver ses thèses, dans la mesure où Ops peut être considérée comme une déesse-carrefour un peu éparpillée, dont le nom a couvert, successivement ou simultanément, bien des idées ou des concepts divers. Royale, céréalière, saturnienne, abstraite, mythologique, etc..., elle laisse cependant plus aisément cerner les caractères liés à ses différents modes et zones d'activité qu'un grand dieu, dont l'importance a appelé et appelle plus immédiatement l'inévitable conciliation. Aussi G. Dumézil a-t-il tenté d'apporter une explication unitaire en définissant une situation d'Ops dans un canevas d'organisation du divin romain, grâce à deux démarches complémentaires et concomitantes, que l'on peut pour ce qui concerne la déesse INTRODUCTION 1 1 très schématiquement présenter ainsi1. Elle est d'abord, sur le plan d'une vision globale de la religion, intégrée, dans une perspective d'héritage indo-européen, à une troisième fonction multiforme et une troisième fonction insérée dans la vie concrète d'une société à laquelle ses divinités représentatives apportent la satisfaction des besoins quotidiens et notamment l'abondance et la prospérité. De façon plus précise et dans une seconde étape, mais sur le plan logique et non chronologique, elle est engagée dans une structure calendaire très rigide, qui permet de déterminer avec certitude son mode d'intervention ainsi que ses liens privilégiés avec Consus au premier chef, secondairement avec Quirinus, Vulcain et surtout Saturne, tous «dieux de T. Tatius». Ainsi est gommée la diversité des nombreux aspects, et qui pouvaient apparaître contradictoires, de la déesse, aspects qui sont désormais regroupés au sein d'un seul principe d'explication lui donnant un rôle fondamentalement identique dans ses différentes manifestations et bien défini à l'intérieur d'une construction religieuse qui refléterait la mentalité profonde des Romains. Autrement dit, l'ambition est de fixer à Ops une place à la fois dans une structure d'ensemble et dans des structures de détail qui en dépendent, le mot ne devant pas faire peur, puisqu'il ne s'agit pas d'une question de mode ou de doctrine et que G. Dumézil s'est expliqué franchement sur ce point2, estimant que sa recherche n'avait rien à voir avec le structuralisme constitué en école. 1 II est clair que la richesse de la pensée et de la documentation duméziliennes va pâtir d'une présentation aussi sommaire. Mais nous ne cherchons pour l'instant qu'à définir le sens et la vigueur de l'effort de l'auteur dans ce qu'il a de neuf par rapport à bien des tentatives hésitantes ou simplement descriptives. Inutile donc de citer ici tous les travaux de G. Dumézil où Ops apparaît et d'examiner dans le détail les divers aspects des démonstrations proposées, le plus souvent avec une sobriété et un bonheur d'expression également grands; ils trouveront leur place et seront discutés dans la suite de nos chapitres. Tout au plus peut-on dire que l'essentiel se trouve dans Les cultes de la Regia, les trois fonctions et la triade Jupiter, Mars, Quirinus, Latomus, 13, 1954, p. 129-139, dans la somme de La religion romaine archaïque (citée par la suite RRA; l'édition utilisée sera la deuxième, 1974) et dans Idées romaines, Ops et Consus, 1969, p. 289-304. Il faut ajouter que l'auteur a peu tenu compte des interprétations primitivistes, souvent aventureuses et qui concernent presque uniquement l'Ops des Opalia, de V. Basanoff, Regifugium, 1943, passim et surtout p. 38-114, ainsi que de la brève dissertation contemporaine de ses travaux, mais plus «linguistique» que «religieuse» et souvent très hardie dans ses conclusions, de P. Stehouwer, Étude sur Ops et Consus, 1956. 2 Par exemple uploads/Religion/ ops-et-la-conception-divine-de-l-x27-abondance-dans-la-religion-romaine-jusqu-x27-a-la-mort-d-x27-auguste.pdf