1 Élégies Marceline Desbordes-Valmore Charpentier, Paris, 1860 Exporté de Wikis

1 Élégies Marceline Desbordes-Valmore Charpentier, Paris, 1860 Exporté de Wikisource le 04/16/20 2 L’Inquiétude Le Concert Prière aux Muses Le Billet L’Insomnie Son Image L’Imprudence À l’Amour Les Lettres La Nuit d’hiver À Délie, I À Délie, II À Délie, III Le Souvenir La Séparation La Promenade d’automne Élégie À Délie, IV Les deux Mères Le Pressentiment Élégie Élégie Élégie À ma Sœur Élégie Élégie 3 Élégie Prière pour lui L’Attente L’Isolement Souvenir À Mlle Georgina Nairac Point d’Adieu Le vieux Crieur du Rhône Suite du vieux Crieur du Rhône La Fleur du sol natal À mes Enfants Le Berceau d’Hélène Le Bal des champs, ou la Convalescence Les deux Ramiers Au Sommeil Le Présage Élégie Aux Enfants qui ne sont plus Regret Le Retour chez Délie Élégie Élégie Albertine La Vallée de la Scarpe Le Retour à Bordeaux La première Captivité de Béranger L’Exil 4 Les deux Amitiés Prière 5 L’INQUIÉTUDE Qu’est-ce donc qui me trouble, et qu’est-ce que j’attends ? Je suis triste à la ville, et m’ennuie au village ; Les plaisirs de mon âge Ne peuvent me sauver de la longueur du temps. Autrefois l’amitié, les charmes de l’étude, Remplissaient sans effort mes paisibles loisirs. Oh ! quel est donc l’objet de mes vagues désirs ? Je l’ignore, et le cherche avec inquiétude. Si pour moi le bonheur n’était pas la gaieté, Je ne le trouve plus dans ma mélancolie ; Mais, si je crains les pleurs autant que la folie, Où trouver la félicité ? Et vous qui me rendiez heureuse, Avez-vous résolu de me fuir sans retour ? Répondez, ma raison ; incertaine et trompeuse, 6 M’abandonnerez-vous au pouvoir de l’Amour ?… Hélas ! voilà le nom que je tremblais d’entendre. Mais l’effroi qu’il inspire est un effroi si doux ! Raison, vous n’avez plus de secret à m’apprendre, Et ce nom, je le sens, m’en a dit plus que vous. 7 LE CONCERT Quelle soirée ! ô dieu ! que j’ai souffert ! Dans un trouble charmant je suivais l’Espérance ; Elle enchantait pour moi les apprêts du concert, Et je devais y pleurer ton absence. Dans la foule cent fois j’ai cru t’apercevoir ; Mes vœux toujours trahis n’embrassaient que ton ombre ; L’amour me la laissait tout à coup entrevoir, Pour l’entraîner bientôt vers le coin le plus sombre. Séduite par mon cœur toujours plus agité, Je voyais dans le vague errer ta douce image, Comme un astre chéri, qu’enveloppe un nuage, Par des rayons douteux perce l’obscurité. Pour la première fois insensible à tes charmes, Art d’Orphée, art du cœur, j’ai méconnu ta loi : J’étais toute à l’Amour, lui seul régnait sur moi, Et le cruel faisait couler mes larmes ! 8 D’un chant divin goûte-t-on la douceur Lorsqu’on attend la voix de celui que l’on aime ? Je craignais ton charme suprême, Il nourrissait trop ma langueur. Les sons d’une harpe plaintive En frappant sur mon sein le faisaient tressaillir ; Ils fatiguaient mon oreille attentive, Et je me sentais défaillir. Et toi ! que faisais-tu, mon idole chérie, Quand ton absence éternisait le jour ? Quand je donnais tout mon être à l’amour, M’as-tu donné ta rêverie ? As-tu gémi de la longueur du temps ? D’un soir… d’un siècle écoulé pour attendre ? Non ! son poids douloureux accable le plus tendre ; Seule, j’en ai compté les heures, les instants : J’ai langui sans bonheur, de moi-même arrachée ; Et toi, tu ne m’as point cherchée ! Mais quoi ! L’impatience a soulevé mon sein, Et, lasse de rougir de ma tendre infortune, Je me dérobe à ce bruyant essaim Des papillons du soir, dont l’hommage importune. L’heure, aujourd’hui si lente à s’écouler pour moi, Ne marche pas encore avec plus de vitesse ; Mais je suis seule au moins, seule avec ma tristesse, Et je trace, en rêvant, cette lettre pour toi, Pour toi, que j’espérais, que j’accuse, que j’aime ! 9 Pour toi, mon seul désir, mon tourment, mon bonheur ! Mais je ne veux la livrer qu’à toi-même, Et tu la liras sur mon cœur. 10 PRIÈRE AUX MUSES Votre empire a troublé mon bonheur le plus doux ; Muses, rendez-moi ce que j’aime ! L’Amour fut son maître suprême : Il n’en a plus d’autre que vous. Je ne suis plus dans son délire ; Il a banni mon nom de ses écrits touchants. Ô Muses ! loin de lui sourire, Par pitié pour l’Amour, n’écoutez plus ses chants ! Cette fièvre qui le dévore En rêvant le transporte à vos divins concerts ; Et, doucement pressé sur le cœur qui l’adore, Je l’entends murmurer des vers. Que cherche-t-il ? est-ce la gloire ? Il la plaçait dans mon amour ; Les aveux d’un tendre retour Étaient sa plus douce victoire. Pensive, et seule au rendez-vous, Que devient sa jeune maîtresse ? 11 Elle est muette en sa tristesse, Quand l’ingrat chante à vos genoux. Que sert de lui donner ma vie. S’il est heureux sans moi ? Que deviendra l’amour dans mon âme asservie, S’il échappe à sa loi ? Cette loi si simple, si tendre, Quand je l’apprenais dans ses yeux, Ses yeux alors me la faisaient comprendre Bien mieux qu’Ovide en ses chants amoureux ! Ah ! sans la définir, notre âme la devine : L’art n’apprend pas le sentiment. Il est gravé pour moi par une main divine Dans le regard de mon amant ! Où donc est-il ce regard plein d’ivresse ? Il brûle encor, mais c’est d’une autre ardeur : J’ai donné toute ma tendresse ; Cœur partagé peut-il payer mon cœur ? Mais, si d’une brillante et trompeuse chimère L’ambitieux est épris pour jamais ; Si vous rejetez ma prière, Muses ! qu’il soit heureux, du moins, par vos bienfaits ! Heureux sans moi, je fuirai son exemple ; Trop faible, en le suivant je pourrais m’égarer : Livrez-lui vos trésors, ouvrez-lui votre temple ; À celui de l’Amour, seule, j’irai pleurer. 12 L’obscurité que le sort me destine M’éloigne d’un mortel ivre de vos faveurs : Eh bien, j’irai l’attendre au pied de la colline Qu’il gravira par un sentier de fleurs. Si quelquefois la romance attristée Peint mon ennui, le trouble de mes sens, Inspirée au village, elle y sera chantée, Et les bergers naïfs rediront mes accents. Adieu, Muses ! la gloire est trop peu pour mon âme ; L’amour sera ma seule erreur ; Et, pour la peindre en traits de flamme, Je n’ai besoin que de mon cœur. 13 LE BILLET Message inattendu, cache-toi sur mon cœur ; Cache-toi ! je n’ose te lire : Tu m’apportes l’espoir ; ne fût-il qu’un délire, Je te devrai du moins l’ombre de mon bonheur ! Prolonge dans mon sein ma tendre inquiétude ; Je désire à la fois et crains la vérité : On souffre de l’incertitude, On meurt de la réalité ! Recevoir un billet du volage qu’on aime, C’est presque le revoir lui-même. En te pressant, déjà j’ai cru presser sa main ; En te baignant de pleurs, j’ai pleuré sur son sein ; Et, si le repentir y parle en traits de flamme, En lisant cet écrit je lirai dans son âme ; J’entendrai le serment qu’il a fait tant de fois, Et j’y reconnaîtrai jusqu’au son de sa voix. Sous cette enveloppe fragile 14 L’amour a renfermé mon sort… Ah ! Le courage est difficile, Quand on attend d’un mot ou la vie ou la mort. Mystérieux cachet, qui m’offres sa devise, En te brisant rassure-moi : Non, le détour cruel d’une affreuse surprise Ne peut être scellé par toi. Au temps de nos amours je t’ai choisi moi-même ; Tu servis les aveux d’une timide ardeur, Et sous le plus touchant emblème Je vais voir le bonheur. Mais, si tu dois détruire un espoir que j’adore, Amour, de ce billet détourne ton flambeau ! Par pitié ! Sur mes yeux attache ton bandeau, Et laisse-moi douter quelques moments encore ! 15 L’INSOMNIE Je ne veux pas dormir. Ô ma chère insomnie ! Quel sommeil aurait ta douceur ? L’ivresse qu’il accorde est souvent une erreur. Et la tienne est réelle, ineffable, infinie. Quel calme ajouterait au calme que je sens ? Quel repos plus profond guérirait ma blessure ? Je n’ose pas dormir ; non, ma joie est trop pure ; Un rêve en distrairait mes sens. Il me rappellerait peut-être cet orage Dont tu sais enchanter jusques au souvenir, Il me rendrait l’effroi d’un douteux avenir, Et je dois à ma veille une si douce image ! Un bienfait de l’Amour a changé mon destin : Oh ! qu’il m’a révélé de touchantes nouvelles ! Son message est rempli ; je n’entends plus ses ailes : J’entends encor : demain, demain ! Berce mon âme en son absence, 16 Douce insomnie, et que l’Amour Demain me trouve, à son retour, Riante comme l’espérance. Pour éclairer l’écrit qu’il laissa sur mon cœur, Sur ce cœur qui uploads/Religion/ 124marceline-desbordes-valmore-elegies.pdf

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  • Publié le Dec 12, 2021
  • Catégorie Religion
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