Revue d'histoire et de philosophie religieuses La théologie de Karl Barth Pierr
Revue d'histoire et de philosophie religieuses La théologie de Karl Barth Pierre Scherding Citer ce document / Cite this document : Scherding Pierre. La théologie de Karl Barth. In: Revue d'histoire et de philosophie religieuses, 6e année n°4, Juillet-août 1926. pp. 336-349; doi : https://doi.org/10.3406/rhpr.1926.2588 https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1926_num_6_4_2588 Fichier pdf généré le 22/11/2019 La théologie de Karl Barth Notre génération, et surtout les jeunes de notre génér ont besoin d'autorité. A preuve le succès des publications d Barth. L'assurance avec laquelle le célèbre professeur de tingen lance ses anathèmes à droite et à gauche, sa prétenti mettre enfin l'ordre où il ne voit qu'anarchie, sa résolution d serrer le courant relâché de la pensée théologique et de la ram dans un lit plus étroit, où désormais elle roulera majestu ment, tout cela témoigne d'un esprit qui se sent fort. Mais grandes prétentions supposent des droits bien fondés. Le sy est-il assez résistant pour servir de refuge à une foi de t parts attaquée? A vrai dire, l'essai d'une nouvelle orientation vers l'o tivité n'a rien de déconcertant. La rapidité avec laquelle un tème théologique suit l'autre ne démontre pas seulement la f de ces constructions, mais plus encore la nécessité duremen sentie de donner à l'enseignement théologique une1 base solide. A* l'heure qu'il est rien ne nous effraye autant q richesse même de ces formules, dont chacune en dépit des a veut exprimer le fond de la foi protestante. N'est-ce pas pr ment la variété des teintes éclatantes qui, en automne, annon chute des feuilles? Nous serions donc prêts à saluer avec en siasme le prophète qui nous arracherait à la misère intellec et morale dans laquelle un individualisme à outrance n poussés. Cependant nous sommes convaincus que pour qu effort ne soit pas vain, la nouvelle théologie devra d'abord plir deux conditions essentielles: 1° Elle sera en relation avec la crise actuelle, dans tout parties étroitement liée aux tendances de son époque et réag contre l'insuffisance et la défectuosité des systèmes dominan 2° D 'autre part elle apportera les moyens pour vainc crise, elle répondra aux problèmes soit en les résolvant en les posant à nouveau. Car l'histoire semble prouver ne gagne rien à vouloir contourner les problèmles que le d nous fait rencontrer sur le chemin; au moment où l'on cr en être débarrassé, ils retomjbfent d'un poids pkus loujrd les esprits. — 337 — A première vue la théologie de Barth se donne comme la quintessence de l'Evangile paulinien. Ce ne serait d'ailleurs pas la première fois qu'une renaissance du sentiment religieux pro¬ céderait de l'étude approfondie des écrits de saint Paul. Aussi le savant professeur se pose en interprète de l'épître, comme s'il s'agissait de réintégrer en ses pleins droits un génie méconnu. Qu'a-t-on fait de sa théologie 1 L'analyse historique aurait mis en pièces, ce qui formait une unité vivante. Peu importent les distinctions par lesquelles on arrive à attribuer tel point de vue caractéristique du disciple de Gamaliel à la tradition rabbinique, telle conception originale du chrétien helléniste à l'influence de la philosophie alexandrinienne ou du culte des mystères, quand on sent palpiter dans chaque phrase le cœur d'un homme que Dieu a détaché de ce monde. Pour reconnaître la vraie théologie du grand apôtre, il faudra savoir faire abstraction de toutes rela¬ tions historiques. Devant le Dieu absolu Paul de Tarse devient l'homme absolu. Comprendre sa prédication comme l'écho invo¬ lontaire et objectif de l'âme critique, critique dans ce sens qu'elle réalise entièrement la situation de l'être humain devant son créa¬ teur et son juge au moment même où celui-ci, par la croix du Christ, lui adresse l'appel de plus pressant — comprendre ainsi le témoignage de Paul comme le témoignage de Dieu et en faire la pierre de touche de toute théologie possible, telle serait la tâche du penseur religieux. Barth s'y applique avec une sévérité impressionnante. Ce qui doit captiver beau nombre de lecteurs, c'est la puis¬ sance du sentiment religieux qui surgit du terrain si souvent aride de l'exégèse. Celle de l'auteur du «Römerbrief» semble découler directement de son expérience religieuse. Une passion ardente l'entraîne et lui inspire le langage du prophète. On est tenté de citer la parole d' Arnos: Le lion rugit-il dans la forêt sans avoir une proie? Mais la proie qui fait rugir le lion n'est pas nécessairement la découverte d'une grande vérité. Il suffit par¬ fois de savoir exprimer les plus profonds besoins d'une époque pour être entendu. Sous ce rapport au moins le mérite de la théo¬ logie de Barth est incontestable. Elle est toute moderne dans œ sens qu'elle résulte du même jeu de motifs, par lequel dans le domaine des arts et de la poésie l'expressionisme a remplacé le réalisme. Dans cette transition un besoin très légitime se fait jour. Depuis un siècle la théologie a dû vivre à l'ombre des sciences puissamment évoluées. En passant par le crible des dif¬ férentes méthodes scientifiques, la pensée religieuse a été déna¬ turée ou plutôt ennaturée, perdant ainsi son éclat transcendant. 23 — 338 — Il faudra la saisir avant que le rationalisme, rhistorismie, le p chologisme l'aient matérialisée, naturalisée, humanisée. La no velle théologie ne sera donc ni orthodoxe, ni libérale, mais e affranchira le sentiment religieux en se déchargeant du farde écrasant, dont une érudition mal orientée l'avaient chargée et l'attachant uniquement à la parole de Dieu, afin de lui rendre s autorité absolue. Barth proclame même la primauté de la vr science théologique, puisque ce n'est que par la théologie q toutes les autres sciences, notamment la philosophie, touche au réel, à la vérité. Forte de son indépendance et armée de l'a torité divine, cette théologie jugera le monde et dans ce mon même où tout est relatif, au milieu de cette humanité que relativisme accable, elle aura le regard fixé sur le seul point i muable, cause, limite et fin du relativisme, la parole de Die origine (Ursprung) de toute vie, de toute connaissance. Si la lecture des livres de K. Barth, dont l'accès n'est cer pas trop facile, est souvent passionnante, cet avantage est en partie à l'art de l'auteur qui, grâce à un style trèsi vivant, s varier infatigablement ses quelques grandes pensées, mais su tout à l'impression que nous entendons ici la voix d'un homm qui connaît l'âme du siècle et qui en reflète pour ainsi dire l'ima dans sa théologie. Rarement le dégoût de la civilisation a trou une expression plus poignante. Le spectre de la décadence mena notre génération d'assez près pour qu'elle sache se recueillir po écouter un prophète qui lui prêche la vanité de tout effort huma De ce sentiment déeadant Barth réussit à faire une vertu, le pe simisme lui servant à donner plus d'éclat à une autorité qu place en dehors et au-dessus de toute expérience humaine, à l'a torité d'une parole qui loin d'être lettre morte, est le princi éternel de la vérité et de la vie. La décadence est à la fois motiv et supprimée dans son système. Et à une jeunesse, au sujet laquelle on pourrait répéter ce mot d'Ezéchiel: «Les pères o mangé des raisons verts, et les dents des fils en ont été agacées il offre la double illusion d'avoir établi une vérité toute obje tive en présentant la misère de ce monde comme le revers néga de la gloire de Dieu, et de lui donner une ligne de conduite infa lible, le respect absolu d'une parole absolue. Que pourrait-e souhaiter en plus! Voilà pourquoi ce n'est peut-être pas trop dit de prétend que le système de Barth remplit la première des conditions q doit réaliser une théologie conforme aux besoins de l'heure p sente. Barth a compris la crise actuelle qui est une crise d'autor et à l'éternel problème du 0ός μοι που στώ, qui jamais enc — 339 — n'avait été si amèrement ressenti, il donne une solution héroïque. Et vraiment, l'effort tenté est considérable, et la hardiesse avec laquelle l'école de Barth s'apprête à tirer les dernières consé¬ quences du mouvement théologique prétendant dévoiler et faire valoir les plus pures intentions de l'orthodoxie et du libéralisme et sauvegarder le fond précieux de la tradition des réformateurs, pourrait faire croire que vraiment toutes les lignes convergent vers le point culminant de la nouvelle théologie. Mais le penseur est-il ici à la hauteur du prophète? L'effort ne garantit pas nécessairement le succès. Le témoignage de Barth est et veut être une théologie, même l'unique théologie. Encore ses allures cri¬ tiques provoquent-elles la critique. Examinons le système de plus près. Quel en est le principe dominant ? Pour mener la pensée théologique à bon port à tra¬ vers les écueils qui la menacent, B. ne voit qu'un moyen: la fonder rigoureusement sur l'idée de la transcendance. Comment la préserver autremfent du danger de se résoudre en une simple cosmologie ou anthropologie, de tomber dans le gouffre du scep¬ ticisme et de l'illusionnisme? Barth a reconnu comme un des traits significatifs de la piété de Paul le sentiment de uploads/Religion/ pierre-scherding-la-the-ologie-de-k-barth-1926.pdf
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- Publié le Dec 15, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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