Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences rel

Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses Résumé des conférences et travaux 120 | 2013 2011-2012 Religions de l’Amérique précolombienne Religions de l’Amérique précolombienne Conférences de l’année 2011-2012 Danièle Dehouve Édition électronique URL : http://asr.revues.org/1145 ISSN : 1969-6329 Éditeur École pratique des hautes études. Section des sciences religieuses Édition imprimée Date de publication : 1 octobre 2013 Pagination : 1-7 ISSN : 0183-7478 Référence électronique Danièle Dehouve, « Religions de l’Amérique précolombienne », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses [En ligne], 120 | 2013, mis en ligne le 27 juin 2013, consulté le 01 octobre 2016. URL : http://asr.revues.org/1145 Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée. Tous droits réservés : EPHE Annuaire EPHE, Sciences religieuses, t. 120 (2011-2012) Religions de l’Amérique précolombienne Mme Danièle Dehouve Directrice d’études I. Le politique et le religieux en Mésoamérique : pouvoir, guerre, justice En Mésoamérique, le lien entre le politique et le religieux est constitutif, car il repose sur une organisation sociale de « royauté sacrée ». Au-delà des caractérisations qui ont été faites par le passé1, on a exploré plusieurs thèmes, tels que les fonctions royales, les rituels d’intronisation, les personnages secondaires, l’exercice de la justice et de la guerre. Danièle Dehouve a consacré les deux premières séances à une révision des théories générales de la royauté sacrée et distribué un document contenant des extraits significatifs de l’œuvre de James G. Frazer, Arthur M. Hocart, Georges Dumézil et Marshall Sahlins2. Les deux premiers auteurs caractérisent la royauté sacrée comme un type de société et de pouvoir, dans lequel la vie du royaume et de ses habitants dépendent de la personne du roi et des fonctions rituelles qu’exerce celui-ci. Frazer insiste sur le caractère ambivalent du roi : « adoré comme dieu la veille, il est tué comme criminel le lendemain » (1998, p. 489). Hocart, pour sa part, met l’accent sur le rôle rituel du roi, « personnage central universel » par l’intermédiaire duquel s’établit une identité entre l’homme et l’univers. Il affirme que l’institution royale ne se résume pas à la présence d’un roi, mais repose sur la capacité de celui-ci à se dédoubler et se subdiviser en plusieurs personnages royaux solidaires, chacun d’entre eux étant titulaire de fonctions antithétiques et complémentaires : par exemple, roi législateur et roi guerrier, roi et prêtre… Les auteurs suivants (Dumézil et Sahlins) signalent précisément l’existence de deux fonctions de ce type. Pour Dumézil, la souveraineté indo-européenne est fondée sur deux principes mis au jour dans les fonctions royales, les rituels et les dieux royaux : celeritas et gravitas, le premier incarnant la fougue de la jeunesse, la rapidité, la guerre et la violence, le second incarnant la stabilité de l’âge mûr et des principes moraux. Sahlins, pour sa part, a découvert la présence de ces deux principes dans les îles Fidji et ses théories ont été appliquées à la Mésoamérique3. 1. Voir notamment, D. Dehouve, Essai sur la royauté sacrée en République mexicaine, CNRS éditions, Paris 2006. 2. J. G. Frazer, Le rameau d’or. Le roi magicien dans la société primitive. Tabou et les périls de l’âme, Robert Laffont, Paris 1998 ; A. M. Hocart, Rois et courtisans, Seuil, Paris 1978 ; Les progrès de l’homme, Payot, Paris 1935 ; Kingship, Oxford University Press, Oxford 1969 ; G. Dumézil, Mitra Varuna. Essai sur deux représentations indo-européennes de la souveraineté, Gallimard, Paris 1948 ; M. Sahlins, « L’étranger roi ou Dumézil chez les Fidjiens », Des îles dans l’histoire, Gallimard, Paris 1989, p. 85-113. 3. A. Breton, « Les figures du guerrier et du roi dans le Rabinal Achi. Une version maya du couple celeritas/gravitas », dans J. de Durand-Forest, G. Baudot (éd.), Mille ans de civilisation mésoaméricaine. Des Mayas aux Aztèques. Hommages à Jacques Soustelle, t. I, L’Harmattan, Paris 1995, p. 143-164. Résumés des conférences (2011-2012) 2 Danièle Dehouve a abondé en ce sens en proposant l’existence de deux aspects symboliques du pouvoir mésoaméricain : « assis » et « courant »4. Les séances suivantes ont abordé de façon concrète l’organisation du pouvoir dans les sociétés précolombiennes. Claude Baudez (CNRS) a consacré trois séances à « Un roi sacré maya : Dix-Huit Lapin de Copán (710-737 d.n.e) ». Le site maya classique de Copán (Honduras) renferme un groupe de stèles consacrées au roi Dix-Huit Lapin, ensemble exceptionnel dont l’analyse permet de saisir la vision autochtone des fonctions royales. Claude Baudez a analysé l’iconographie de chacune des stèles montrant la dimension cosmique du roi, comparé au soleil sortant de terre lors de son intronisation, dont le corps est un microcosme et dont les actes rituels d’autosacrifice promeuvent la fertilité. Puis Danièle Dehouve a ouvert les travaux concernant le Mexique central en parlant de « Concentration et déploiement des fonctions dans l’empire aztèque », selon la terminologie proposée par Hocart. Elle a décrit la structure générale de l’empire autour des personnages royaux nommés tecuhtli et tlahtoani. Chacun à son niveau, ceux-ci concentraient toutes les fonctions sociales et rituelles, par rapport à la société et la nature, autrement dit, la royauté aztèque ne connaissait pas la subdivision en « roi guerrier » et « roi de justice » classique dans l’Ancien Monde. Les autres personnages (guerriers, juges, exécuteurs, prêtres, sacrificateurs, pénitents…) apparaissaient comme des extensions des fonctions concentrées dans la personne royale. Anne-Marie Vié-Wohrer (EPHE et école du Louvre), dans sa conférence intitulée « Pictographies des pouvoirs militaire, politique et religieux dans certains manuscrits indigènes du Mexique central » a abordé la même question en interrogeant les manuscrits pictographiques et les représentations graphiques du pouvoir politique, guerrier et judiciaire. Puis, Sylvie Peperstraete (université libre de Bruxelles) a posé le problème d’un personnage royal énigmatique « le cihuacoatl, un vice-roi sacré ? ». Le cihuacoatl, « serpent féminin » ou « femme serpent », est le titre donné à un personnage royal présent aux côtés du tlahtoani, dont les fonctions ont été jusqu’à présent mal comprises. La conférencière a fait le point sur les sources qui le mentionnent et sur ses fonctions politiques, judiciaires, militaires et sacerdotales. Enfin, Nathalie Ragot (université ouverte Paris VII) a élargi la perspective en direction du groupe social des prêtres, dont elle a envisagé le rapport spécifique à la nuit, sous le titre « Les rituels nocturnes des prêtres ». La conférencière a rappelé le découpage de la nuit en cinq moments avant de décrire les activités pénitentielles qui les scandaient. Elle s’est interrogée sur les raisons mythiques et symboliques de cette association, sur laquelle elle prépare un ouvrage. Puis, plusieurs conférences ont abordé la question des intronisations royales. Danièle Dehouve a consacré une séance aux intronisations aztèques. Elle a rappelé que l’importance de l’intronisation est typique des sociétés à « royauté sacrée ». Dans un système démocratique, le rituel d’élection permet à la fois de choisir le gouvernant et de légitimer le pouvoir. Dans les systèmes à « royauté sacrée », le choix du gouvernant et la légitimation du pouvoir au moyen de l’intronisation se 4. D. Dehouve, « Asientos para los dioses en el México de ayer y hoy », Estudios de Cultura Náhuatl 44 (juill.-déc. 2012), p. 41-64. 3 Danièle Dehouve réalisent à deux moments séparés, le plus important étant le second5. Chez les Aztèques, étaient intronisés le tecuhtli et le tlahtoani, ainsi que plusieurs sortes de personnages secondaires comme le guerrier tequihua. Après avoir présenté les sources existantes, Danièle Dehouve a cherché à établir une méthode d’analyse de ce rituel extrêmement complexe, en constituant de petites unités rituelles articulées en épisodes : I. Phase pénitentielle (percement du nez, pénitence de quatre jours, nouveaux habits). II. Première installation (rituels et repas, rituel et bain, installation proprement dite). III. Guerre (et capture d’un ou plusieurs guerriers). IV. Deuxième installation (retour de la guerre, sacrifice, installation proprement dite). Deux principes permettent de comprendre l’articulation de ces épisodes rituels : d’une part, il s’agissait de fabriquer un « super guerrier » capable de donner à manger et à boire au soleil et à la terre, c’est-à-dire d’organiser la guerre et le sacrifice des captifs – ce qui explique le percement du nez, le départ en guerre, la capture et le sacrifice des ennemis. D’autre part, la métaphore solaire était filée et mise en scène par le passage du roi dans l’inframonde et sa renaissance symbolique, assurant l’émergence d’un pouvoir nouveau, et surtout pur et propre, ce qui explique l’importance des rituels de pénitence et de purification6. La deuxième conférence de Danièle Dehouve a décrit les intronisations des responsables municipaux chez les Tlapanèques contemporains7. Encore très complexes, ces rituels ont été découpés en petites unités articulées en épisodes qui mettent en scène le chemin à parcourir pour fabriquer un gouvernant et un justicier. La métaphore solaire est encore aujourd’hui centrale et permet de faire émerger le pouvoir comme un soleil nouveau, pur et enfantin, après de longues séances de pénitence et de purification. La conférence de Perig Pitrou (University College of London – Programme Fernand Braudel / MSH-Commission européenne, Laboratoire d’anthropologie sociale) intitulée uploads/Religion/ politique-en-mesoamerique.pdf

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  • Publié le Jui 13, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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