Présentation de l'édition allemande des Ecrits arabes de Théodore Abu Qurrah de

Présentation de l'édition allemande des Ecrits arabes de Théodore Abu Qurrah de G. Graf « Die arabischen Schriften des Theodor Abu Qurra, Bischofs von Harran » par Martin Jugie dans les Echos d'Orient n° 105 Dix-septième année Mars 1914 ÉCHOS D'ORIENT Revue bimestrielle DE THÉOLOGIE, DE DROIT CANONIQUE, DE LITURGIE, D'ARCHÉOLOGIE, D'HISTOIRE ET DE GÉOGRAPHIE ORIENTALE Tome XVII — Année 19 14 PARIS 5, RUE BAYARD, 5 BULLETIN DE LITTÉRATURE BYZANTINE I47 II. C'est depuis le début du xvir siècle que Théodore Aboû-Qourra (©£00(000; 'A[3ouxaox = père de la consolation) a fait son apparition dans l'histoire de l'ancienne littérature chrétienne. En 1606, le Jésuite Jacques Gretser publia sous son nom, à Ingolstadt, quarante-deux opuscules grecs qui ont passé dans les diverses collections patristiques parues depuis. Les critiques ont émis différentes hypothèses sur l'époque où il a vécu, en se basant sur les titres et le contenu des opuscules. Les résul- tats obtenus ont été maigres. Mais on a découvert en ces derniers temps que Théodore n'était pas précisément un Père grec, et qu'il avait surtout, sinon exclusivement, écrit en arabe et en syriaque. Onze de ses traités composés en arabe nous ont été conservés. Un curé catholique de Wes- phalie, dont on ne saurait trop louer le labeur, M. l'abbé Georges Graf, a donné récemment de ces traités, de ces mîmars, comme disent les Arabes, une excellente traduction allemande, précédée d'une non moins excellente introduction sur la vie, les œuvres et la doctrine de leur auteur (i). Résumons brièvement les conclusions du savant arabisant. Théodore, surnommé Aboû-Qourra, était originaire d'Édesse. Il passa quelques années dans le couvent de Saint-Sabas, près de Jérusalem, où. il connut peut-être saint Jean Damascène, et où, en tout cas, il se fami- liarisa avec les œuvres du célèbre théologien. L'influence du Damascène, en effet, est visible dans les écrits de Théodore. On découvre chez l'un et chez l'autre la même doctrine, les mêmes procédés dialectiques, les mêmes sources patristiques. Ils ont combattu, l'un et l'autre, les mêmes adversaires; tous deux se sont montrés les zélés défenseurs du culte des images. Mais Théodore a plus de vie et d'entrain dans la discussion, plus de pittoresque dans le style, et peut-être plus d'érudition que Jean. Ce fut un vigoureux polémiste, un disputeur invincible. On sait qu'il fut évêque de Charrân, en Mésopotamie. Il écrivit plusieurs traités antérieu- rement au septième concile (787), et il vivait encore vers 81 3, époque où nous le voyons s'occuper de la conversion des Arméniens. Sa vie doit donc être placée entre les années 740 et 820. Qu'il ait connu l'arabe, et qu'il ait composé ses traités en cette langue, c'est ce qui ne fait pas de doute pour quiconque parcourt les mîmars tels qu'ils nous sont parvenus. Une traduction du grec en arabe n'aurait pas -cette élégance, ces idiotismes, ces constructions savantes, ce pittoresque qu'on ne trouve que dans un texte original. On y remarque d'ailleurs quelques syriacismes qui trahissent l'enfant d'Édesse. L'examen des écrits arabes de Théodore nous révèle en lui un apolo- giste et un théologien de premier ordre. Ce qui frappe chez lui, c'est la (Il Georg Graf, Die arabisclien Schriften des Theodor Abû-Qurra, Bischofs von tiarràn. Paderborn, F. Schœningh, 1910, in-8% viii-336 pages. Prix : 12 marks. Ce volume constitue les HT et IV' fascicules du tome X des Forschungen s^ur christlichen Literatur iind Dogmengeschichte. 148 ÉCHOS d'orient netteté de l'idée et la vigueur de la dialectique. Ce fut un vrai scolastique dans le meilleur sens du mot. M. Graf nous expose sa doctrine sur la foi, ses sources et ses motifs, sur Dieu et la Trinité, la Rédemption, l'homme, l'Eglise, le culte des images. Son orthodoxie est irréprochable. En certains endroits de ses écrits, il paraît sans doute enseigner la tricho- tomie apollinariste; mais M. Graf n'a pas de peine à établir que ce n'est qu'une apparence. L'àme et l'esprit dont il parle ne sont que deux aspects de la même réalité simple et spirituelle, qui est l'âme humaine. Théo- dore insiste beaucoup sur l'autorité enseignante de l'Église. La primauté de Pierre et de ses successeurs, les évêques de Rome, est affirmée par lui à plusieurs reprises. Pierre est la tête, le supérieur, le directeur des apôtres, d'après l'enseignement de l'Évangile. Il est le fondement de l'Église. Le Saint-Esprit l'a placé sur le siège de Rome pour être le lieute- nant, le vicaire du Christ. La foi de Pierre est la vraie foi. En disant à Pierre : « Confirme tes frères les apôtres », Jésus-Christ n'a pas eu en vue lui seul, mais aussi ses successeurs, les évêques de Rome. Ceux-ci ont reçu du Christ la charge de veiller à la pureté de la foi contre les attaques de l'hérésie. Si le Christ avait oublié de donner à son Église une pareille autorité vivante et perpétuelle, que serait-elle devenue après la mort de Pierre ? Elle aurait été le jouet de l'erreur, et les portes de l'enfer auraient prévalu contre elle. Il fait bon entendre de si nettes affirmations dans la bouche d'un évêque oriental au début de ce ix« siècle, qui va être témoin de la révolte de Photius. Le premier mîmar a pour but d'établir la véracité de l'Ancien et du Nouveau Testament, et de défendre l'autorité du concile de Chalcédoine, dont les formules sont la norme de l'orthodoxie. Le second revient sur la véracité de l'Evangile. Le troisième est un clair exposé du mystère de la Trinité. Le quatrième indique le chemin pour s'élever à Dieu. Ce chemin, c'est la voie de causalité, qui, par les créatures, nous conduit jusqu'à une cause suprême. Théodore cherche en même temps à montrer les conve- nances rationelles de la génération éternelle du Fils de Dieu. Dans le cinquième traité est établie la nécessité des souffrances du Christ pour l'expiation et la rémission des péchés. Le sixième réfute ceux qui trouvent l'Incarnation indigne de Dieu. Le septième est une thèse sur la génération éternelle du Verbe. Le huitième explique comment le Fils de Dieu est mort, et combat à la fois Nestorius et Eutychès. Le neuvième est une dissertation sur la liberté humaine, le dixième une lettre à ui;i Jacobite sur les deux natures du Christ, et le onzième, écrit aussi sous forme de lettre, constitue une magistrale apologie du culte des images. Il y a intérêt à comparer les opuscules grecs de Théodore avec ses traités arabes. M. Graf n'a pas oublié de faire ce rapprochement, qui permet de conclure avec certitude que tous ces écrits sont l'œuvre d'un même auteur. Par contre, il faut refuser à Théodore deux ou trois t BULLETIN DE LITTERATURE BYZANTINE I49 dialogues qui mettent en scène des chrétiens discutant religion avec des musulmans. III. Parmi les nombreux ouvrages qui ont été écrits sur l'histoire de l'évangélisation des peuples slaves et sur les origines de leur littérature, celui que M. N. L. Tounitskii vient de faire paraître sous le titre: Saint Clément, évêque de Sloven (i), tiendra certainement une place de choix. J'ai rarement rencontré un livre russe disant tant de choses en si peu de pages et si bien pensées, et si bien ordonnées. L'auteur nous apprend, dans une introduction, comment il a été amené à l'écrire. 11 ne s'était d'abord proposé que de préparer une édition critique des œuvres de saint Clément de Bulgarie, accompagnée d'une étude philologique. Mais, au fur et à mesure qu'il réunissait les matériaux de son travail et qu'il fai- sait d'inappréciables découvertes dans les bibliothèques, qui doubleront l'héritage littéraire connu jusqu'ici de l'évêque bulgare, il a senti l'impé- rieuse nécessité d'écrire une biographie critique de ce dernier, sur lequel circulent des données fort peu concordantes. La principale source qui nous renseigne s.ur saint Clément de Sloven ou Belitza est une Vie assez détaillée, publiée pour la première fois en 1742 par deux moines grecs, à Moschopolis d'Albanie, et plusieurs fois réé- ditée depuis avec de sensibles améliorations (2). Ce document, fort inté- ressant, mais trahissant des sources d'inégale valeur, a fait le tourment des critiques. Les suscriptions de presque tous les manuscrits l'attribuent à Théophylacte, archevêque, de Bulgarie, sur la fin du xi« siècle. Mais cette attribution se heurte à une grosse difficulté. Aux chapitres xviii et XXII, l'auteur de la Vie se présente comme un Bulgare de naissance, disciple immédiat du Saint. Ce signalement ne saurait convenir à Théo- phylacte, qui n'était pas Bulgare, et qui témoigne dans ses lettres de fort peu de sympathie et d'estime pour ses ouailles des Balkans. Aussi certains historiens n'ont pas craint d'affirmer que la Vie de Clément avait été écrite, au x» siècle, par un disciple du Saint. Tel n'est pas l'avis de M. Tounitskii. D'après lui, Théophylacte est bien l'auteur de la biogra- phie, mais il a utilisé des sources plus anciennes et notamment une Vie de Clément par un de ses disciples. L'anomalie présentée par les cha- pitres XVIII et XXII s'explique par des interpolations postérieures dues à quelque copiste bulgare qui avait sous les yeux une ancienne Vie sla- vonne de saint uploads/Religion/ presentation-des-ecrits-arabes-de-theodore-abu-qurrah.pdf

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  • Publié le Jul 21, 2021
  • Catégorie Religion
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