20 Les cahiers juridiques de La Gazette N°160 • Novembre 2012 A retenir • Enc
20 Les cahiers juridiques de La Gazette N°160 • Novembre 2012 A retenir • Encadrement. Les demandes d’aides provenant d’associations cultuelles, au sens des dispositions de la loi de 1905, sont strictement limitées et encadrées par les dispositions même de la loi. • Intérêt public local. Le soutien souhaité par les associations partiellement cultuelles implique l’appréciation de l’existence d’un intérêt public local et l’exclusion de toute libéralité à un culte. L ’ article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat prévoit que « La Répu- blique assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes […] », tandis que l’article 2 pose le principe selon lequel « la République ne reconnaît, ne sala- rie ni ne subventionne aucun culte ». Par cinq arrêts du 19 juillet 2011 (1), le Conseil d’Etat a donné une interprétation pragmatique et – disons-le – libérale des dispositions de la loi de 1905, définissant ainsi un équilibre nouveau entre la liberté de culte, la neutralité de l’Etat et l’intérêt public. Dans ses conclusions (2) le rappor- teur public a souligné que ces affaires n’ont pas posé « la question de ce que permet ou ne permet pas le principe de laïcité, mais uniquement celle des conditions dans lesquelles, eu égard aux dispositions de la loi de 1905, les collectivités territoriales peuvent […] prendre en charge certaines dépenses ou subventions en rapport avec des équipements ou pratiques cultuels. Plus précisément, la question posée est celle de la conciliation entre principe de liberté d’exer- cice du culte constitutionnellement garanti, et principe de non-subventionnement posé par l’article 2 de la loi de 1905 ». Soutien aux associations cultuelles Parce que le soutien aux associations cultuelles constitue une exception au prin- cipe de non-subvention au culte posé à l’article 2 de la loi de 1905, le juge se livre à une appréciation stricte de cette qualité. A cela, répond un financement public initia- lement limité aux réparations des édifices religieux qui s’est progressivement étendu à la construction même de ces édifices. Appréciation rigoureuse de la qualité d’association cultuelle Les associations cultuelles, au sens de l’ar- ticle 19 de la loi du 9 décembre 1905, ont pour objet exclusif l’exercice d’un culte, ne poursuivant aucune activité qui ne se rat- tache pas directement à celui-ci. En 2005, l’article 19 de la loi du 9 décembre 2005 a été modifié afin d’instituer un régime de libre acceptation pour les libéralités consenties aux associations cultuelles, de telle sorte que le caractère cultuel d’une association ne fait plus depuis l’objet d’une recon- naissance officielle (3). Cette suppression génère une réelle insécurité juridique dans la mesure où la détermination du caractère cultuel d’une association, au sens de la loi du 9 décembre 2005, s’effectue désormais au cas par cas. A cette fin, il convient de se référer aux critères dégagés par une jurisprudence constante du Conseil d’Etat (4), réaffirmés récemment par un arrêt du 4 mai 2012. A noter Les associations cultuelles, au sens de la loi de 1905, ont pour objet exclusif l’exercice d’un culte, ne poursuivant aucune activité qui ne se rattache pas directement à celui-ci. Les collectivités territoriales sont au cœur de la mise en œuvre de la conciliation entre le principe de liberté d’exercice du culte, constitutionnellement garanti, et celui du non-subventionnement posé par la loi de 1905. Une approche organique des demandes de soutien aux cultes peut constituer une méthode pratique pour y répondre en toute sécurité juridique. Analyse Les collectivités territoriales et le culte Par Nadia Ben Ayed, avocat à la cour, SPC Seban et associés Laïcité …/… 21 Les cahiers juridiques de La Gazette N°160 • Novembre 2012 Ainsi, « pour être qualifié d’association cultuelle au sens de l’article IV de la loi du 9 décembre 1905, une association doit avoir exclusivement pour objet l’exercice d’un culte, c’est-à-dire la célébration de cérémonies organisées en vue de l’accom- plissement, par des personnes réunies par une même croyance religieuse, de certains rites ou de certaines pratiques, et ne doit mener que des activités en relation avec cet objet, telles que l’acquisition, la location, la construction, l’aménagement et l’entre- tien des édifices servant au culte ainsi que l’entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l’exercice du culte » (5). Le juge se livre ainsi à un examen des sta- tuts, mais aussi à une appréciation concrète des activités de l’association. D’ailleurs, le fait qu’elle soit régie par les dispositions de la loi de 1901 relatives au contrat d’asso- ciation ne vient pas préjuger de sa qualité. Ainsi, une association cultuelle ne saurait exercer des activités commerciales, comme la vente d’ouvrages de piété, politiques, scolaires ou même charitables (6). Dans ce sens, le Conseil d’Etat n’a pas considéré comme étant cultuelle, une communauté religieuse qui disposait d’un magasin, d’ate- liers et de chambres d’hôtes, alors même qu’elle avait pour objet « la pratique de la vie monastique […] dans la solitude, la prière et le travail et dans la mise en œuvre de la charité évangélique » (7). Il en est de même quant à l’association dont des membres, à l’occasion d’activités associatives sans lien avec le culte, décident de se réunir entre eux pour prier (8). Faculté de soutien aux édifices cultuels ouverts au public Le soutien financier aux associations cultuelles s’est d’abord cantonné aux strictes réparations des édifices cultuels pour s’ouvrir progressivement à la faculté, pour les collectivités territoriales, de par- ticiper au financement de la construction des lieux de culte par la garantie d’emprunt (CGCT, art. L.2252-4 et L.3231-5) et plus récemment, le bail emphytéotique cultuel (BEA – CGCT, art. L.1311-2). L’article 19 de la loi de 1905 précise que « les associations cultuelles […] ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques ». Par ailleurs, aux termes de l’article 13 de la loi du 9 décembre 1905 : « L’Etat, les départements, les com- munes et les établissements publics de coo- pération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété est reconnue par la présente loi ». Par conséquent, les collectivités publiques peuvent financer les dépenses d’entretien et de conservation des édifices servant à l’exercice d’un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Eglises et de l’Etat ou © Lotharingia - Fotolia.com 22 Les cahiers juridiques de La Gazette Les cahiers juridiques de La Ga N°160 • Novembre 2012 …/… Laïcité accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation des édifices cultuels. Cette dernière faculté est toutefois limi- tée aux seuls édifices affectés légalement au culte par la loi de 1905. Les édifices construits postérieurement à cette date ne sont donc pas concernés. Elle paraît égale- ment concerner uniquement les travaux de gros œuvre nécessaires à la conservation de l’édifice, mais pas les travaux d’aména- gements ou d’entretiens courant de celui- ci (9). Le bail emphytéotique administratif cultuel Un dispositif spécifique a été introduit par la loi de finances rectificative du 29 juillet 1961 instaurant une faculté de garantie, par les collectivités, des emprunts contractés par les associations cultuelles désireuses de financer, dans les agglomérations en voie de développement, la construction d’édi- fices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux. En cas de défaillance, la collectivité devrait donc se substituer à l’association et verser les sommes dues par cette dernière. Mais c’est davantage vers le bail emphy- téotique administratif (BEA) que les collec- tivités territoriales se sont tournées. Cette pratique ancienne permettait aux collectivi- tés, notamment les communes, de consentir à titre onéreux des baux emphytéotiques à des associations cultuelles pour leur permettre de construire un lieu de culte, dont la collectivité deviendra propriétaire à l’expiration du bail. Le bail emphytéotique administratif cultuel a fait l’objet d’une reconnaissance officielle par l’ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie légis- lative du Code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) permettant ainsi de recourir à ce procédé contractuel en toute légalité. Pour autant, une incertitude juridique demeurait quant à la coordination de ce dispositif avec la loi de 1905. Dans un premier temps, le juge administratif, constatant le caractère modique voire sym- bolique du loyer mis à la charge de l’asso- ciation cultuelle, annulait le BEA cultuel au motif qu’il constituait une subvention pro- hibée par la loi de 1905 (10). Cette position a été infléchie par une jurisprudence de la cour administrative d’appel de Versailles du 3 juillet 2008 (11), considérant que le caractère modique de la redevance mise à la charge de l’emphytéote devait se justi- fier au regard de la plus-value que les col- lectivités peuvent légitimement attendre du retour, dans leur patrimoine, du terrain concerné, assorti d’un édifice que la collec- tivité n’aura ni construit, ni financé (12). Or, uploads/Religion/ pub-cj160.pdf
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- Publié le Mai 29, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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