LE RALLIEMENT avec un appendice sur LA DÉMOCRATIE par L’ABBÉ EMMANUEL BARBIER,

LE RALLIEMENT avec un appendice sur LA DÉMOCRATIE par L’ABBÉ EMMANUEL BARBIER, 1904 Le Ralliement, question périlleuse. L’auteur ayant soumis cette Conférence, telle qu’elle a été donnée et telle qu’on la lira ici, à l’approbation du T.R.P. Martin, Général de la Compagnie de Jésus, a reçu de lui cette réponse signée de sa main : “Votre conférence est dans toute ses parties, irréprochable.” Cette approbation absolue ne lui avait pas été envoyée pour être rendue publique, mais il se croit en droit de s’en couvrir, à raison des circonstances, et parce que d’autres, dont il ne partage pas complètement les appréciations, se montrent trop enclins à se réclamer à tout propos de Rome et du Pape. LE RALLIEMENT CONFÉRENCE AUX ETUDIANTS DE L’UNIVERSITÉ CATHOLIQUE D’ANGERS. Juin 1904. Sous peine de perdre pied rapidement dans cette question, des “Directions pontificales” il est nécessaire d’avoir présents à l’esprit quelques principes de doctrine, et, tout d’abord, cette vérité que Jésus-Christ, étant venu sur la terre, pour rétablir l’union de Dieu avec les hommes et des hommes avec Dieu, sur des bases parfaites et inébranlables, a créé, dans ce but, une Société religieuse, dans laquelle se conservassent la doctrine et les moyens du salut. Cette société qui est l’Eglise, Il l’a faite visible, afin que chacun put la voir et l’entendre, parfaite, gouvernée par une autorité publique et indéfectible, investie de tous les pouvoirs nécessaires pour continuer l’œuvre de la Rédemption. Lui-même a déterminé tous les éléments qui font de cette Eglise une Société publique et parfaite : ses membres, qui sont les hommes, tous appelés à en faire partie ; sa fin, la fin même de la religion et de la Rédemption, à savoir l’union parfaite avec Dieu qui doit commencer ici-bas et s’achever là-haut ; ses moyens : la foi et la grâce, gardés et dispensés par elle ; ses pouvoirs, destinés à cimenter l’union de tous les membres du corps social, à maintenir entre eux l’unité, l’ordre et l’harmonie. Ces pouvoirs comprennent le droit d’enseigner : pour maintenir l’unité de la doctrine ; le pouvoir de conférer la grâce par les sacrements, destiné à maintenir l’unité de sacrifice et de culte, le pouvoir d’administration ou de juridiction, nécessaire pour maintenir l’unité de gouvernement. Ce sont tous les droits à la souveraineté. Dans l’Evangile, chaque fois que Jésus parle de l’Eglise à Ses disciples, Il se sert de locutions figurées, dont l’énergie rappelle la forme et l’unité sociales dans ce qu’elles ont de plus parfait et de plus rigoureux. L’Eglise, dit-il, est un royaume dont Il donne la clef à Ses apôtres ; c’est un troupeau, un troupeau unique, n’ayant qu’un seul bercail et un seul pasteur ; c’est un corps dont les fidèles sont les membres et Lui le chef ; c’est un édifice, dont Il est la pierre angulaire, et qu’Il bâtira sur Pierre, etc.… Jésus-Christ a donc voulu établir une Eglise qui fût un véritable Etat constitué, réunissant dans une unité sociale parfaite, les chrétiens de tous les temps et de tous les lieux. Or le Pape est le chef de cette société dont le gouvernement est essentiellement monarchique. En lui réside l’autorité dont Dieu a investi l’Eglise. «En vertu de sa primauté, il a le plein et suprême pouvoir de juridiction sur l’Eglise universelle, non seulement dans les choses qui concernent la foi et les mœurs, mais aussi dans celle qui appartiennent à la discipline et au gouvernement de l’Eglise répandue dans tout l’Univers… Son pouvoir est ordinaire et immédiat sur toutes les Eglises et sur chacune d’elles, sur tous les pasteurs, sur tous les fidèles et sur chacun d’eux » (Conc. Vat.) ordinaire, i.c. épiscopal. En un mot : Ubi Petrus, ibi Ecclesia. L’Eglise et l’Etat se trouvent ainsi être deux sociétés réellement distinctes et parfaites. Chacune dans son ordre : “Chacune d’elles est souveraine dans son genre ; chacune a ses limites parfaitement déterminées par sa nature et sa destination immédiate ; chacune a donc sa sphère particulière dans laquelle elle se meut et exerce son action jure proprio.” (Encyc. Immortale Dei). L’Eglise est indépendante, absolument indépendante de l’Etat, dans les matières spirituelles, c’est-à-dire dans tout ce qui touche à la foi et à la morale, aux sacrements et au culte, à la discipline et à l’administration de la Société religieuse. L’Etat est libre vis-à-vis de l’Eglise dans tous les actes qui lui sont propres et qui se rapportent directement à l’accomplissement de sa mission dans les affaires purement politiques et temporelles, c’est-à-dire dans les questions relatives à la forme du gouvernement qu’il convient aux peuples d’adopter, aux relations politiques, à l’organisation du pouvoir législatif, judiciaire, exécutif et militaire, à la levée des impôts, à la paix et à la guerre, à l’industrie, au commerce, etc.… L’Ecole gallicane et parlementaire est tombée dans une grave erreur sur la situation respective des deux Sociétés. Cette erreur se formule ainsi : « Les choses purement spirituelles sont de la compétence de l’Eglise et toutes les choses temporelles sont du ressort de la puissance Civile. » Or cette école détermine la nature spirituelle ou temporelle d’un objet, par son caractère rigoureux de visibilité ou d’invisibilité : l’Eglise n’aurait par suite, d’autorité que sur les choses purement intérieures, purement invisibles. Cette conception est anti catholique. L’Eglise n’est point une Société invisible et purement intérieure ; c’est une association parfaite extérieure et publique, visible dans son chef, dans ses membres et dans les moyens dont elle se sert pour atteindre sa fin. 1 L’homme tout entier est sujet de l’Eglise aussi bien que de l’Etat. Le système gallican engendre la confusion complète des deux pouvoirs et de leurs attributions respectives. Si l’on met au rang des choses civiles tout ce qui a un rapport quelconque avec l’ordre extérieur, il est évident que la prédication de la foi, l’administration des sacrements, le culte, toute la religion en un mot, rentreront dans la compétence du pouvoir civil. Mais, d’autre part, si l’on reconnaît à l’Eglise le droit exclusif de régler l’intérieur de l’homme et d’agir sur sa conscience, on ôte à la puissance séculière toutes ses facultés. Les lois civiles ayant un rapport nécessaire avec la morale et la conscience seraient des usurpations de l’Etat sur le domaine propre de l’Eglise. Ce n’est donc pas en se plaçant au point de vue absolu de la visibilité des objets et de leur matérialité qu’on peut déterminer leur nature spirituelle ou temporelle. Il faut considérer tout à la fois leur nature interne et leur destination immédiate. La foi et la prédication sont des objets spirituels in abstracto et in concreto ; mais il est d’autres objets qui, bien que matériels de leur nature, ont un caractère spirituel à cause de leur rapport avec l’ordre spirituel. Ce qui distingue essentiellement l’Eglise de l’Etat, c’est la fin propre et immédiate de chacun d’eux. C’est par sa fin surtout que l’Eglise est spirituelle, c’est aussi principalement par sa fin que la Société civile est temporelle. Par conséquent, tout objet qui se rapportera directement à la fin de l’une ou l’autre Société sera spirituel ou temporel. La question est-elle ainsi complètement résolue ? Non. Si les deux pouvoirs s’exerçaient dans des sphères tellement distinctes et séparées, qu’ils n’eussent entre eux aucun rapport, il n’y aurait pas d’inconvénient à les supposer absolument égaux et indépendants. Mais, loin de là, ils sont en rapports nécessaires, comme le sont, dans chaque homme, les deux fins, spirituelle et temporelle, qu’il doit atteindre. Il faut donc nécessairement, non seulement que l’Eglise est la prééminence sur l’Etat dans les questions spirituelles, mais que le pape ait un pouvoir indirect sur le temporel, même en matière politique, dans la mesure où le temporel se trouve en rapport avec le spirituel, ou que le prince ait à ce titre un pouvoir indirect sur le spirituel. Il n’y a pas de milieu possible. Leur autorité s’exerçant sur les mêmes sujets, il peut arriver qu’une seule et même chose soit, à des titres différents, soumis à la juridiction de l’un et de l’autre. Si les puissances ne se trouvent pas réglées et ordonnées par Dieu dans leur objet et dans leur exercice, ce sont les conflits et le désordre naissant de l’institution divine du pouvoir. La question se réduit donc à savoir laquelle des deux puissances est suréminente. Il faut pour cela considérer la nature de chacune d’elles, la noblesse et l’excellence de leur destination. Or le bonheur temporel étant subordonné à l’éternelle félicité, on ne peut nier que la même subordination doive exister entre les deux pouvoirs chargés d’aider l’homme à atteindre cette double fin. Ce qui est vrai de la subordination de l’Etat s’entend nécessairement de celle des citoyens et des diverses parties de la Société. Telle est la doctrine catholique certaine. D’où il résulte, par une déduction évidente, que le pape est juge en dernier ressort du rapport que peuvent avoir les choses du temps avec celles de l’éternité, les intérêts temporels avec ceux de la religion et de l’Eglise. A la vérité, aucun Pape, dans uploads/Religion/ abbe-barbier-ralliement-democratie.pdf

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  • Publié le Dec 03, 2022
  • Catégorie Religion
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