Les fondements de la Règle de saint Augustin 1 Introduction I. Présentation du

Les fondements de la Règle de saint Augustin 1 Introduction I. Présentation du Texte La Règle de saint Augustin est la plus ancienne règle connue de l’Occident : Augustin l’a écrite en 397. Il ne faut surtout pas y chercher une théologie de la vie religieuse telle que nous la concevons aujourd’hui : la consécration par les trois vœux ; ou une vie monastique du type de celle décrite par Don J. Leclercq : il la caractérise par trois observances, la solitude, la prière, l’austérité. Pour les moines des IIIe et IVe siècles, le plus précieux est le plus commun. En entrant au monastère, ils ne cherchaient pas autre chose qu’une vie chrétienne intégrale, où la charité est le bien par excellence: ils rejoignaient le lieu ecclésial où la communion fraternelle prenait toute sa dimension. Augustin, en écrivant sa Règle alors qu’il s’apprêtait à quitter sa communauté pour exercer sa nouvelle charge d’évêque, avait donc pour seul but de rappeler à ses frères comment vivre en chrétien. C’est dans cette optique qu’il faut lire ses préceptes. Détachés de leur contexte, ceux-ci risquent d’apparaître comme des conseils généraux qui ne présentent pas grand intérêt. L’intuition fondamentale de la Règle est une vie de charité, d’unité, modelée sur l’idéal proposé par la première communauté chrétienne décrite dans les Actes des Apôtres. La Règle se présente comme une école de charité. Et la vie monastique dont elle parle est à entendre dans un sens absolument original, augustinien. Ce n’est pas la relation disciple- Maître (idéal des règles d’Orient, de la Règle du Maître et de la Règle de saint Benoît), mais la vie fraternelle à l’écoute de la parole de Dieu et en tension vers Dieu qui donne sa note propre à la vie dans le monasterium décrite par la Règle. Il ne faut pas non plus l’oublier : la Règle appartient à la littérature patristique qui est pétrie d’Ecriture; elle est donc avant tout évangélique. Il est capital d’en chercher les fondements bibliques. Comme nous le verrons, de nombreuses citations scripturaires, le plus souvent d’ailleurs implicites, s’appellent et se complètent sans cesse. La majorité des textes utilisés pour le commentaire de la Règle proviennent de la prédication de saint Augustin. Beaucoup mieux que les traités, ces textes permettent de rejoindre l’expérience d’Augustin. 2 Il est donc important pour comprendre la Règle, de lire un certain nombre d’écrits de saint Augustin sur la vie monastique. Voici les principaux : En. in Ps. 132 ; 99, 9-13 ; 103, 16-17. S., 355 et 356. Lettres 48 ; 211 (objurgatio) ; 243. De opere monachorum De sancta virginitate. D’autres textes seront fournis au cours de l’étude de chaque chapitre. IV. Saint Augustin dans son contexte Toute la pensée d’Augustin est extrêmement unifiée. La morale, et donc cette façon propre de vivre en chrétien qu’est la vie monastique, est intimement articulée à sa théologie. Et celle-ci gravite autour d’un centre qui peut se résumer ainsi : La charité qui engendre l’unité. Des circonstances ont peut être favorisé cette polarisation : d’abord le goût d’Augustin pour l’amitié et la vie en commun, mais aussi les difficultés rencontrées par l’Eglise d’Hippone. Augustin a été confronté avec le donatisme puis avec l’arianisme. Le schisme de Donat mettait en question l’unité de l’Eglise et donc l’unité des sacrements, l’hérésie d’Arius mettait en question l’unité des Trois et donc aussi par contrecoup l’unité de l’Eglise qui est à l’image de l’unité trinitaire. Récapitulons brièvement les principaux éléments qui structurent la théologie d’Augustin : Le dessein du Père est un projet d’amour et d’unité : l’Eglise ; faire de nous ses enfants, donner des frères à son Fils, faire de nous les membres du Christ. La Trinité est un mystère de communion, dont l’unité de l’Eglise est une image, et auquel nous sommes invités à participer. Lorsque Dieu crée l’humanité, tous les hommes sont un en Adam. 3 Le but de l’incarnation est faire de tous les hommes le Corps du Christ-nouvel Adam, de rassembler tous les hommes dans l’unité du Corps du Christ, de mener la création à son achèvement. La mort, la résurrection, l’ascension du Christ réalisent l’union des hommes avec Dieu, et l’union de tous les hommes entre eux dans le Christ. Toute l’humanité devient dans le Christ, le véritable sacrifice offert au Père. L’eucharistie est elle aussi toute orientée vers l’unité. Sous le symbole du pain et du vin — faits de l’unité des grains de blé et de l’unité des grains de raisins — le corps ressuscité du Christ nous incorpore à l’Eglise, il construit l’unité de l’Eglise qui est une anticipation de l’unité qui existera entre tous les élus dans la Jérusalem céleste. La vie du chrétien consiste à vivre de la charité jumelle (amour de Dieu et du prochain) pour être uni à Dieu et à ses frères et faire de toute la vie un vrai sacrifice. La vie monastique consiste pour Augustin à avoir une seule âme et un seul cœur tournés vers Dieu ; c’est réaliser ce qui est la vocation de toute l’Eglise, c’est tendre à vivre de l’unité qui existe entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit. La vie dans la Jérusalem céleste connaîtra une parfaite concorde, où tous jouiront de Dieu, Bien commun de tous. L’artisan de l’unité est le Saint-Esprit, Dieu et Don de Dieu, Charité et source de la charité (Rm 5, 5). La charité Avant tout1 frères très chers, aimons Dieu, aimons ensuite le prochain2 : ce sont les commandements qui nous sont donnés en premier. 1 1 Co 13, 1-3. 2 Mt 22, 37-40. 4 Idée générale et textes scripturaires Augustin parle de la charité, cœur de la vie chrétienne. Deux citations bibliques donnent l’essentiel de cette première introduction à la règle : 1 Co 13, 1-3 et Mt 22, 37-40. Les écrits de saint Augustin Pour comprendre la portée des versets d’Ecriture utilisés par Augustin, il suffit de se reporter aux commentaires qu’Augustin en a fait à divers endroits de ses écrits3. 1. Co 13, 1-3: la prééminence de la charité De moribus eccl. , I, 33, 73 73. Ceux donc qui peuvent s'abstenir s'abstiennent, et ils sont en grand nombre. Ils se privent de viandes et de vin pour deux motifs ou bien pour ménager la faiblesse des frères, ou pour se rendre plus libres eux- mêmes. Mais c'est surtout à la charité qu'ils s'attachent, c'est à elle qu'ils conforment leur nourriture, leur langage, leur vêtement, leur extérieur. C'est dans la charité seule qu'ils s'unissent et conspirent; l'offenser, c'est à leurs yeux offenser Dieu lui-même; si quelqu'un s'obstine à la violer, on le blâme ou on le chasse. Ce qui blesse cette vertu ne peut durer un seul jour. Ils savent que Jésus-Christ et les apôtres ont recommandé la charité d'une manière si pressante, que si elle disparaît tout disparaît avec elle, et si elle règne tout abonde. Tr. in Io. Ev. 32, 8 8. Nous aussi, nous recevons l’Esprit-Saint, si nous aimons J’Eglise, si la charité nous unit, si nous avons le bonheur de nous appeler catholiques et d’en avoir la foi. Croyons. le, mes frères: autant on aime l’Eglise du Christ, autant on entre en participation de l’Esprit - Saint; car, nous dit l’Apôtre, il a été donné « pour se manifester ». Et comment doit-il se manifester? Saint Paul nous le dit encore : « L’uni reçoit du Saint-Esprit le don de parler avec sagesse : l’autre reçoit du même Esprit le don de parler avec science : un autre reçoit le don de la foi par le même Esprit; un autre reçoit du même Esprit le don de guérir 3 Pour faciliter le travail, un lien a été mis, pour chaque citation avec le site de Port- Valais où sont numérisées toutes les œuvres de saint Augustin. 5 les maladies; un autre, le don des miracles ». On reçoit de lui beaucoup de dons destinés à être manifestés, mais peut-être n’en as-tu reçu aucun de ceux que je viens de nommer. Si tu aimes l’Eglise, il est sûr que tu n’en es pas absolument dépourvu; car si tu tiens de coeur à l’ensemble de l’Eglise, tu partages avec ceux qui les possèdent les dons de l’Es. prit de Dieu. Ne sois point envieux: tout ce que je possède t’appartient : je ne veux moi-même nourrir aucun sentiment de jalousie, car ce que tu possèdes est à moi. L’envie produit la séparation; l’union, tel est l’effet de la charité. Dans le corps humain, l’oeil seul ale privilège de la vue; mais est-ce pour lui seul qu’il en jouit? Il le possède pour la main, pour le pied, pour tous les autres membres, et si le pied reçoit un coup, l’oeil ne s’en détourne pas, afin de ne rien voir et de ne rien prévoir. De même, la main est le seul de tous les membres pour travailler; mais travaille-t-elle pour elle seule? Elle le fait aussi pour l’oeil. Ainsi, qu’on vienne à vouloir frapper, non pas la main, mais le uploads/Religion/ ra-et-les-textes.pdf

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  • Publié le Oct 15, 2021
  • Catégorie Religion
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