SAINT LOUIS et le crépuscule de la féodalité REGINE PERNOUD SAINT LOUIS et le c

SAINT LOUIS et le crépuscule de la féodalité REGINE PERNOUD SAINT LOUIS et le crépuscule de la féodalité Aibin Michel 0 Éditions Albin Michel S.A., 1985 22, rue Huyghens, 75014 Paris ISBN 2-226-02483-2 C'est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les survivants d'lsraël Je ferai de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre. Saint Loui: Philippe Auguste ( I 165- 1223) ép. Isabellede Hainaut I h u i s VTII épouse en 1200 Blanche de Castille (1187-1226) ( I 188-1252) 4 enfants c Philippe Louis IX Robert Jean Alphonse, morts (I 209- 1218) ( I 21 4- 1270) d’Artois (1219-1227) comtedePoitiers en bas âge ép. Marguerite (1216- (1220-1271) de Provence 1250) ép. Jeanne ( I 221 -1295) ép. de Toulouse Mahaut de (1- 1271) Brabant Robert II I I I 1 I I l I Blanche Isabelle Louis Philippe III le Hardi Jean Jean-Tristan, ( 1 240- 1243) ( I 242- 127 1) (I 244- 1260) (1 245- 1285) (né et mort comte de Nevers ép.Thibaud en 1248) (I 250- 1270) ép. Yolande de Nevers 1 i 2 (t 1280) de Champagne, roi de Navarre (t 1271) en 1262, en 1274, isabelle d’Aragon Marie de Brabant (t 1271) (i 1321) I Philippe IV le Bel (1 268- 13 14) :t s a famille I l 1 (1222-1235) (1223.1269) (l225-?) comte d'Anjou mort trèsjeune (1226-1285), roi de Naples ( I 266- I285), I. Béatrice de Provence, 2. Marguerite de Bourgogne Philippe-Dagobert Isabelle d n n e Charles, ép. : I I 1 1 1 Pierre, Blanche Marguerite Robert, Agnès comte d'Alençon (1253-1323) (1254-1271) comtedeClermont (1260-1327) (1251 - 1284) ép. Ferdinand ép.Jean (1256-1318) ép.Robert ép. Jeanne de Castille de Brabant ép. Béatrice deBourgogne de Châtillon if 1275) de Bourbon ( t 1305) (t 1291) (i 1310) Au lecteur aint Louis est mort de la peste à Tunis lors de la hui- < < S tième croisade », ainsi s’exprimaient les résumés d’histoire qu’on nous faisait apprendre par cœur dans notre enfance. Tout était faux dans ce résumé, pas un terme qui n’ait été à rectifier. Croissade est un mot moderne - moins récent que cette e Occitanie B dont on nous rebattait les oreilles il n’y a pas si longtemps, à peine plus ancien que < < corporation B qui ne date que du XVIII~ siècle. Numéro- ter huit croisades revient à méconnaître totalement la réalité des faits. Saint Louis n’est pas mort à Tunis, mais à Carthage qui n’a été détruite qu’après son expédition. Enfin il n’est pas mort de la peste ; celle-ci avait fait une brève apparition en Europe au début du V I I I ~ siècle et n’a plus reparu, avec la violence foudroyante que l’on sait, qu’en 1348. Reste que le choix de la mort de Saint Louis comme événement clef, comme le moment même d’une profonde mutation historique, se révèle d’une extraordinaire perti- nence et d’une surprenante fécondité. L a mort du roi devant Carthage : aventure personnelle, mais aussi évé- nement-symbole à l’échelle d’un monde, appelant en écho une multitude d’autres événements, comme la pierre qui tombe à la surface de l’étang et fait se propager en cercles 11 SAINT LOUIS concentriques sans cesse élargis une onde qui va toucher les rivages les plus lointains. Avec la vie du roi une époque prend fin, un monde même. L’Age féodal se termine, et commence ce qu’on peut à juste titre appeler : Moyen Age, une période de transition, l’enfantement - dans la douleur comme tout enfantement - d’un autre univers, d’un autre mode de penser et d’agir, d’une autre vision de l’homme. La plupart des contemporains en ont eu conscience, mais nous sommes évidemment mieux placés qu’eux, avec le recul du temps, pour apprécier tout ce qui, dans les an- nées qui ont suivi cette mort, allait germer et se déve- lopper. Ainsi peut-on lire comme en filigrane le destin des temps à venir au lmg du pesant retour de ceux qui avaient accompagné le roi dans cette dernière expédition. Et certes, il y a toujours quelque arbitraire dans ce genre d’interprétation. Du moins était-il tentant de suivre pas à pas leur douloureux itinéraire, lorsqu’ils ramenèrent vers Paris, ou plutôt vers Saint-Denis, les ossements du saint roi, pour méditer, à chaque étape, sur ce qui avait été, et ne sera plus. L a durée même et les complications tragi- ques de l’interminable convoi nous y incitaient. Peut-être nous reprochera-t-on d’avoir adopté ce fil conducteur qui oblige à une multitude de retours en arrière ; nous répondrons qu’aujourd’hui le cinéma nous a habitués à cette technique du flash-back, qui n’est pas, il est vrai, sans inconvénients. Mais, outre le cadre chronologique qu’il trouvera à la fin de l’ouvrage, le lecteur pourra se reporter aux excel- lents travaux qui ont paru récemment sur Saint Louis, ceux de Jean Richard, de Gérard Sivery, de William C. Jordan, ainsi qu’aux fresques d’ensemble de l’ouvrage intitulé Le Siècle de Saint Louis ou au Saint Louis et son 12 AU LECTEUR temps, d’Henry-Paul Eydoux, lesquels exposent l’ensem- ble du règne dans un ordre beaucoup plus logique. Un vaincu, certes : on l’a déjà dit ; contrairement au héros païen, le héros chrétien est toujours un vaincu ; mais plus fort que ce qui l’abat, placé plus haut, et pré- sent pour les siècles. c< Si vous aviez la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à l’arbre que voici : déracine-toi et va te planter dans la mer. P > C’est une image qui pourrait parfaitement s’appliquer à Saint Louis, celle du grand arbre planté au milieu de la mer, tout entier animé par la foi qui de ses racines profondes le parcourt jusqu’au bout des rameaux les plus délicats, debout, inébranlable, envers et contre tous les bouleversements, violences, tempêtes et oura- gans, demeuré comme un < < signe de vie > > pour notre temps aussi bien que pour le sien. 25 mars 1985 Chapitre premier ô JERUSALEM! L_ - LE DERNIER VOYAGE DU ROI L_ cy __ SAINT LOUIS , J - - J ~ N G L E T E R R Ë \ ALGÉRIE Les dates indiquees pour Savone et Gênes sont celles de la mort d'Alphonse et Jeanne de Poitiers qui avaient alors quitte le convoi de retour _ _ ~ - _ _ _ _ _ ~ _ ~ ~ ~ - ~~ R o i , vous savez que Dieu a peu d’amis Ni onques mais n’en eut si grand métier (besoin) Chanson anonyme composée A Acre en 1250 lors de la première expédition de Saint Louis. e silence règne dans la tente royale dont le tissu serré L protège mal des ardeurs du soleil en cet été torride ; un pan a été relevé qui ne laisse entrer qu’un air moite, irrespirable, où flottent des relents malsains. Le drap du lit défait porte la trace, mouillée de sueur, du corps du malade qu’on vient de déposer à terre, selon sa volonté expresse ; il est étendu dans sa longue chemise de lin sur une mince couche de cendres qui dessine une croix sur le sol; agenouillé à ses côtés, le frère dominicain Geoffroy de Beaulieu qui, la veille au soir, a reçu une dernière fois sa confession et lui a donné l’Eucharistie. Le roi Louis IX est à l’agonie ; il ne respire plus que fai- blement. La nuit précédente, on l’a entendu soupirer à plusieurs reprises : < < O Jérusalem ! O Jérusalem ! v Son fils Pierre d’Alençon, parmi ceux qui l’assistent, a retenu les prières qu’il a murmurées : l’oraison à saint Denis : < < Accorde-nous, Seigneur, de mépriser les grandeurs de ce monde et de ne craindre aucune adversité ”; et 19 SAINT LOUIS encore : a Sois, Seigneur, pour ton peuple, Celui qui sanctifie et qui garde B ; il l’a aussi entendu invoquer saint Jacques et sainte Geneviève. Quelque temps ensuite, le roi a paru somnoler. L’atmosphère s’est faite plus lourde autour de lui, dans le camp retranché de Carthage, où les plus valides s’emploient à creuser les tombes et à ensevelir les morts, sous le soleil implacable qui fait monter du lac de Tunis, d’un bleu d’étain, des vapeurs lourdes et de puantes exha- laisons ; tandis qu’à l’horizon se profilent les hauteurs jumelles du mont Bou Kornin, rappelant, bien loin de là, les Cornes de Hattin, la montagne maléfique telle qu’on l’aperçoit des bords du lac de Tibériade où, un siècle plus tôt, avait été anéantie l’armée du royaume latin de Jérusa- lem et perdue la Vraie Croix, avant que les chrétiens ne perdent la Ville sainte. De temps à autre s’élève un cri dans la campagne : signal d’alarme lors d’une menace de l’ennemi; il est partout, dissimulé derrière un repli de colline ou dans une crique au long de la baie. A moins que ce ne soit le dernier appel d’un de ces uploads/Religion/ saint-louis-et-le-crepuscule-de-la-feodalite-by-regine-pernoud-pdf.pdf

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  • Publié le Oct 26, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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