Sur l’origine du patronyme Gladu ______________________________________________

Sur l’origine du patronyme Gladu ________________________________________________________________________ Martin Gladu Plusieurs sources renvoient l’étymologie du patronyme Gladu au latin gladius. Or aucune de ces sources ne retrace ni ses origines ni comment son adoption s’est faite au sein de la grande famille des patronymes de France. Partant de ce constat d’incomplétude, le présent article a pour but de proposer un nouveau postulat — nouveau en ce qu’il s’adjoint celui généralement admis de l’élimination successive du « i » et du « s » — fondé sur l’influence qu’a eu jadis la théorie des deux glaives de saint Bernard de Clairvaux. Jean Gladu dit Cognac Réputé être l’ancêtre des Gladu du Québec, Jean Gladu dit Cognac est vraisemblablement le premier de ce nom à s’établir en Nouvelle-France (Lebel 1984). Né de François Gladu et de Claude Baudry, il est baptisé en 1637 à l’Église Saint-Léger de Cognac. Il s’engage à La Rochelle le 7 avril 1656 auprès du marchand Arnaud Peré, représentant de Charles Cadieux, sieur de Courville. Cinq ans après son arrivée au Canada, on lui concède une terre à Cap-de- la-Madeleine dans le comté de Champlain. Illettré, il est habitant et laboureur. Un autre colon du Cap, le coureur des bois François Bibeau, qui le connaît bien, fait de lui son fondé de pouvoir le 27 juin 1662, avec comme mandat de percevoir certaines sommes qui lui sont dues. Les registres de la colonie mentionnent également la vente de sa maison à dame Jeanne Énart le 23 novembre 1664. Puis, Jean épouse Marie Langlois, une Fille du Roy, le 28 octobre 1665 à Cap-de-la- Madeleine. Née de Pierre Langlois (ou l’Anglais ?) et de Jeanne Thoret le 19 août 1636, Marie est baptisée à l’Église Saint-Hilaire de Chartres cette même année. Le couple habite une terre de deux arpents sur la Côte Saint-Marc du Cap-de-la-Madeleine que les Jésuites leurs ont concédé le 29 août 1668. Au recensement de 1681, la famille possède deux bêtes à cornes et quatre arpents de terre en valeur. Jean meurt entre le recensement de 1681 et celui de 1684, non sans s’être préalablement assuré d’une descendance, laquelle allait transmettre son nom aux futures générations. Cela étant, nous savons peu de choses sur l’origine du patronyme. C’est ce que je tenterai donc d’expliciter dans les lignes qui suivent. Le postulat de la doctrine des deux glaives comme origine du patronyme Gladu La doctrine des deux glaives est une thèse de l'Église catholique romaine datant de l'époque médiévale selon laquelle le pouvoir spirituel est déclaré supérieur au pouvoir temporel. Le pape Boniface VIII s’en réclama en 1302 dans sa bulle Unam sanctam. Régnait alors un grave conflit opposant la papauté au roi capétien de France, Philippe IV le Bel. Inspirée par une 2 parole du Christ au mont des Oliviers, la théorie des deux glaives serait née d’une méditation de saint Bernard de Clairvaux. Basé en partie sur la théorie de Bernard mais surtout sur le penchant du pontife pour l’autocratie, le texte de la bulle papale Unam sanctam était en quelque sorte une sommation à déléguer le pouvoir temporel au pouvoir spirituel, dans le but de donner la prééminence à l'Église et ainsi maintenir son influence. De fait, la bulle proclamait l’assujettissement du pouvoir royal à l’autorité suprême du souverain pontife. Boniface VIII écrit : « Les deux glaives, le glaive spirituel et le glaive temporel, sont donc au pouvoir de l'Église. Le premier est manié par l'Église, le second pour l'Église ; le premier par les prêtres, le second par les rois et les chevaliers. » La doctrine exprime donc à la fois une union et une distinction des pouvoirs. Son importance historique est indéniable (Harvey 2012), comme en témoignent d’ailleurs les débats sur la laïcité de l’état qui ont eu cours au Québec à l’automne 2013. L’historien Michel Harvey explique ladite théorie du point de vue de son concepteur : « Les deux glaives sont donc au service de Dieu. Le premier doit être tiré par l’Église et le second, à la demande de celle-ci. Dans la hiérarchie de Clairvaux, l’Église passe devant le pouvoir civil et le glaive de ce dernier ne doit être en aucun cas tiré sans son autorisation. "Et voilà qu’un des compagnons de Jésus, poursuivra Clairvaux, portant la main à son glaive, le dégaina, frappa le serviteur du grand Prêtre et lui enleva l’oreille. Alors Jésus lui dit : ‘Rengaine ton glaive ; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive.’ Il en va de même pour le choix des évêques." Clairvaux, qui connaît bien la règle du double investiture, celle de l’Église et celle des princes, demeure convaincu de la prédominance du pouvoir spirituel, relayant le rôle du pouvoir temporel à une simple formalité. » (Harvey 2012:9) Plusieurs autres références sont faites au glaive dans les saintes Écritures. Un des versets les plus pertinents provient de la plume de l’apôtre Matthieu : « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais bien le glaive. » Le glaive de Jésus n’est ni celui du guerrier ni celui du justicier : c’est le glaive de la Parole de Dieu. Quand Jésus dit : « Je suis venu apporter le glaive », il veut dire qu’il apporte la Parole de Dieu. Il s’agit là en fait d’un pilier de la Foi chrétienne : tout par la Parole, rien sans la Parole. Rappelons-nous le premier verset du premier chapitre de l’évangile selon Jean : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. » Bien que l’utilisation métaphorique du glaive s’avère somme toute assez claire dans les autres versets, il est crucial de se référer à celui qui a inspiré les méditations de saint Bernard : at illi dixerunt Domine ecce gladii duo hic at ille dixit eis satis es « Seigneur, dirent-ils, il y a justement ici deux glaives. » Il leur répondit : « C’est bien assez! » (Luc XXII, 38) Remarquez la lexie gladii. Gladii est le pluriel de gladius. Il est rendu en français par la lexie « glaive », laquelle partage le même champ lexical que « épée », qui lui est d’ailleurs substituée dans certaines traductions. Je postule que ce verset est à l’origine même du nom propre Gladu. Son origine serait donc biblique (comme Adam, Abel et Eden, par exemple). Quant à sa première utilisation comme patronyme, elle aurait été vraisemblablement instituée par un 3 prêtre qui, désireux de rappeler la suprématie de l’autorité spirituelle, aurait baptisé la progéniture d’un paysan ou d’un serf en l’honneur des deux glaives du mont des Oliviers et de la théorie qu’ils ont inspirée à saint Bernard de Clairvaux. Le phonème [gla] étant pour le moins singulier en français — de par son enchaînement successif de la consonne occlusive vélaire voisée [g], la consonne spirante latéral alvéolaire voisée [l] et la voyelle ouverte antérieure non arrondie [a] —, nous sommes en lieu de s’interroger sur sa provenance. Ses équivalences lexicales dans d’autres langues indo- européennes fournissent des données fort utiles à cette enquête. Passons donc en revue ces équivalences ainsi que les transformations morphologiques de certains noms propres qui ont été proposés par d’autres auteurs comme origines possibles du patronyme. Du côté des Celtes On retrouve les usages les plus anciens du terme gladius chez Plaute (254 av. J.-C. - 184 av. J.- C) et chez Quinte-Curce (1er siècle après J.-C.). Certains auteurs (Schmidt 1967:159 et Schrijver 1991:174 entre autres) prétendent qu’il serait en fait un emprunt au celtique ancien, et que l’étrusque aurait joué un rôle dans le passage de certaines lexies de cette langue vers le latin. Vu sous cet angle, gladius apparaît comme un dérivé du celtique ancien kladi(b)os (ou kladimos), qui signifie épée. Plusieurs lexies sont d’ailleurs issues de cette racine : cleddyf en gallois, klezeff en breton, claideb en vieil irlandais et claidheamh en irlandais moderne. Le verbe claidid, qui signifie creuser en vieil irlandais, aurait également fournit des toponymes gallois et bretons comme Cladia et Clado, qui signifient tranchée, fossé ou creux de vallée. (Voir le Tableau des étymologies et des transformations morphologiques en annexe.) En revanche, Gladu pourrait également être un diminutif de gladel, lui-même une transformation de cladel, mot issu de l'occitan cleda signifiant claie (dans le sens de clôture, grille ou treillage). Pour ce qui est du réputé dictionnaire étymologique Dauzat, il donne Gladin, Gladieu et Gladieux comme des variantes de Gladel. Gladu serait-il une quatrième variante que l’éminent étymologiste aurait malencontreusement omise ? Difficile de dire si c’est le cas. Toujours est-il que Dauzat confirme l’altération de cladel en gladel mentionnée ci- dessus. La langue anglaise, quant à elle, désigne par le l’adjectif glad l’état d’une personne qui est contente. Il est apparenté au gloat (« royaume » puis « fortune ») du moyen breton, au cornique gulat, (« patrie »), au gallois gwlad, (« pays »), au vieil irlandais flaith (« chef ») et à l'écossais flath, (« chef »), toutes des lexies qui, bien que uploads/Religion/ sur-l-x27-origine-du-patronyme-gladu.pdf

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  • Publié le Nov 09, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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