Dans le monde gréco-romain, Mithra n'est pas un dieu parmi d'autres, ni comme l

Dans le monde gréco-romain, Mithra n'est pas un dieu parmi d'autres, ni comme les autres. Venu d'ailleurs avec un lointain héritage indo-européen, il n'est pas lié à tel ou tel sanctuaire topique. On l'honore partout où un groupe de fidèles renouvelle en son nom le repas jadis partagé avec le Soleil sur la peau du taureau mis à mort pour abreuver la création : un culte à fortes connotations cos­ miques et que différencient le rituel très particulier de ses initiations en même temps qu'une doctrine vitaliste du sacrifice et du salut. Ce livre, qui intègre les recherches et les découvertes les plus récentes, expose, avec clarté et rigueur, le dossier complexe et fascinant des Mithriaca. Ancien élève de l'École Normale Supérieure, ancien membre de l'École Française de Rome, membre de l'Insti­ tut, Robert Turcan, professeur à la Sorbonne, a publié, tant en France qu'à l'étranger, de nombreux ouvrages qui font autorité sur l'Antiquité romaine. On lui doit notam­ ment fléliogabale et le sacre du soleil, Mithras Platonicus, Religion romaine et, aux Belles Lettres, Vivre à la cour des Césars et Les cultes orientaux dans le monde romain. 120 F llllllllllllllllllllllllllllll 9 782251 380230 ISBN : 2-251-38023-X 18,29 E DU MÊME AUTEUR Chez le même éditeur Firmicus Maternus, L'erreur des religions païennes, texte établi, traduit et commenté (Coll. des Universités de France), Paris, Les Belles Lettres, 1982. Vivre à la cour des Césars, Paris, Les Belles Lettres, 1987; trad. italienne, Florence, 1991. Les cultes orientaux dans le monde romain, Paris, Les Belles Lettres, 1989; réédition 1992. Histoire Auguste, Vies de Macrin, Diaduménien, Héliogabale, texte établi, traduit et commenté (Coll. des Universités de France), Paris, Les Belles Lettres, 1993. Chez d'autres éditeurs Le trésor de Guelma. Étude historique et monétaire, Paris, Arts et Métiers Graphiques, 1963. Les sarcophages romains à représentations dionysiaques. Essai de chronologie et d'histoire religieuse (Bibl. des Écoles Françaises d'Athènes et de Rome, fasc. 210), Paris, É. de Boccard, 1966. Sénèque et les religions orientales (Coll. Latomus, 91), Bruxelles, 1967 (épuisé). Les religions de l'Asie dans la vallée du Rhône (Études préliminaires aux religions orientales dans l'Empire romain, 30), Leyde, E.J. Brill 1972. Mithras Platonicus. Recherches sur l'hellénisation philosophique de Mithra (Études préli­ minaires ... , 47), Leyde, E.J. Brill, 1975. Numismatique romaine du culte métroaque (Études préliminaires ... , 97) Leyde, E.J. Brill, 1983. Trésors monétaires de Tipasa et d'Announa (Coll. du CERGR, NS, 2), Lyon, 1984. Héliogabale et le sacre du Soleil, Paris, Albin Michel, 1985 (épuisé) ; trad. italienne, Gênes, 1991. Nigra Moneta (CERGR, NS, 6), Lyon, 1987. Religion romaine, Iconography of Religions, XVII, 1 (Les dieux) et 2 (Le culte), Leyde, E.J. Brill, 1988. ROBERT TURCAN de l1nstitut MITHRA ET LE MITHRIACISME 2f tirage revu et corrigé PARIS LES BELLES LETTRES 2000 Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays. © 2000. Société d'édition Les Belles Lettres, 95 bd Raspail 75006 Paris. wun.v.lesbelleslettres. com Jèrf. édition 1993. ISBN: 2-251-38023-X ISSN: 1140-2539 INTRODUCTION La première édition de ce livre a paru en 1 98 1 dans la collection « Que sais-je? », et l'idée de consacrer un volume de cette série à Mithra pouvait surprendre : pourquoi pas à Mercure ou à Vénus ? En fait, il ne s'agit pas seulement d'un dieu parmi d'autres, mais aussi du mithriacisme, c'est-à-dire d'une théologie et d'une idéologie qui ont nourri un courant religieux assez puissant et attractif pour s'imposer durant plus de deux siècles à différents milieux de la société romaine, des bords de l'Euphrate à la Bretagne insulaire. Mithra a une très longue histoire, qui dure encore chez les zoroastriens de l'Inde et de l'Iran. Mais c'est le dieu hellénisé et romanisé qui retiendra surtout notre atten­ tion. Il n'a pu conquérir l'Occident qu'en s'intégrant à un système de croyances et moyennant une organisation liturgique qui répondaient à certaines exigences des hommes dans le contexte historique du monde européen et méditerranéen des trois premiers siècles de notre ère. « Si le christianisme eût été arrêté dans sa croissance par quelque maladie mortelle, le monde eût été mithriaste », écrivait E. Renan. Affirmation exagérée, mais à laquelle l'abondance relative des sites cultuels et des trouvailles mithriaques donne une apparence de vérité. Les études concernant ce culte se sont multipliées dans le courant des vingt dernières années ; il a même été le 10 MITHRA ET LE MITHRIACISME thème de congrès internationaux. Le présent volume ne prétend pas résoudre les nombreux problèmes posés par les mystères de Mithra, mais il tient compte des inter­ rogations de tous ceux qu'intriguent les statues et bas­ reliefs dispersés dans les musées, ainsi que les allusions des auteurs anciens, païens ou chrétiens. Plutôt qu'un exposé didactique et simplificateur, j'ai souvent préféré donner au lecteur un état des recherches actuelles et des difficultés soulevées tant par la documentation que par les interprétations antiques ou modernes du mithria­ cisme. Notre information reste tributaire de l'archéo­ logie, qui nous réserve sans doute bien des révélations ! Mais on perçoit assez clairement ce qui distinguait le mithriacisme des autres cultes païens (et même orien­ taux) pour en dégager l'originalité foncière et authen­ tique. Naturellement, cette réédition intègre les principales découvertes qui ont été faites durant la dernière décen­ nie, ainsi que les exégèses qui ont pu renouveler notre vision du mithriacisme. Elle est aussi pour l'auteur une occasion de se remettre d'accord avec lui-même sur certains points litigieux. C'est pourquoi cinq appendices reconsidèrent quelques données anciennes ou récentes dont l'analyse continue d'être controversée. La biblio­ graphie a donc été remise à jour. Enfin des photo­ graphies, plus suggestives et mieux appropriées, rem­ placent plusieurs des dessins au trait qui illustraient trop sommairement (et insuffisamment) l' édition de 198 1 . CHAPITRE PREMIER Protohistoire de Mithra 1. Etymologies Le sens originel du nom même de Mithra continue d'être discuté. En védique, mitra signifie « ami » au masculin, « alliance, amitié » au neutre. L'avestique mi&ra désigne le « contrat ». Depuis A. Meillet1 , beau­ coup admettent que Mithra est la personnification du contrat. En effet, le processus suivant lequel un nom neutre d'abstraction ou d'apparence abstraite devient un nom de divinité est bien attesté ailleurs (cf. en latin Venus, Fides, Cupido) . Mais les attributions et représenta­ tions du Mitra védique comme du Mi6ra iranien dépassent la notion de « contrat », du moins au sens moderne et juridique du terme. Pourvu d'un suffixe instrumental -tra ( -tro : cf. lat. aratrum « outil de labour » ; gr. &po-rpov même sens ; è:pE-rpov « rame ») , l'appellatif mitra serait formé sur le degré zéro (*mi-) d'une racine *mei-l* moi- qu'on retrouve dans toutes les langues indo-européennes (lat. miinuslmoenus, commiinis, miituus, mutare ; aiL gemeinsam ; lituan. mazna) avec l'idée d'échange (Meillet) . Les pactes d'amitié sont marqués par des échanges de dons qui attestent la bonne volonté réciproque des contractants. D'autres (Peters­ son, Güntert, Walde et Pokorny, Scherer, Eilers) rat­ tachent mitra à une racine *mei- signifiant « lier, joindre » (cf. gr. fl-hpa « ceinture, lien ») , qui aurait donc une 1 2 PROTOHISTOIRE DE MITHRA valeur très proche du sens que retenait Meillet. Plus récemment, W. Lentz y a déchiffré l'idée de pietas en faisant dériver le nom mitra d'une racine *ma- (*ma-) signifiant « mesure, juste mesure » (cf. gr.!J-É't'pov) , garan­ tie du lien social et familial. Enfin, J. Gonda fait mainte­ nant valoir une autre racine *mei-l*moi- du sanskrit md yah (« restauration, revigoration » ) , en glosant quel­ que peu sur les textes védiques relatifs à Mitra2. Aucune de ces deux dernières explications n'a sérieuse­ ment ébranlé celle de Meillet que retiennent aujourd'hui la plupart des spécialistes, même si le linguiste français eut le tort d'entendre le mot « contrat » de façon restrictive en l'opposant à la notion d'amitié. Mitra « contrat » et mitra « ami » n'illustrent pas un cas d'homonymie accidentelle (1. Gershevitch), car il n'y a pas d'amitié sans engagement « mutuel ». Cette réciprocité f onde un lien, une alliance : prolongement sémantique naturel qui n'a pas lieu d'être isolé de la racine *mei-/*moi- ( « échanger ») . Le schéma évolutif : « obligation mutuelle (par échange de dons) » W « ami, amitié » W « dieu Mitra » est historiquement vrai­ semblable3. La racine *mei- « lier » se confond probable­ ment avec celle qui, par la notion même d'échange, connote l'idée de réciprocité. Mithra serait donc initialement le garant de lafides, de l'accord qui consacre l'ordre du monde et de la société, c'est-à-dire aussi bien les rapports entre les dieux et les hommes que des hommes entre eux. Cette fonction f onda­ mentale élucide à la fois les représentations védiques et avestiques, voire l'identification ultérieure du dieu avec le soleil ou la lumière. A l'époque romaine, il restera le dieu de la f oi que se donnent les contractants par la dexiôsis, serrement de mains, serment sur le f eu de l'autel. II. Mitra védique Dans le texte d'un traité uploads/Religion/ turcan-robert-mithra-et-le-mithriacisme-les-belles-lettres-2000.pdf

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  • Publié le Apv 08, 2022
  • Catégorie Religion
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