Jacques Zeiller Paganus. Sur l'origine de l'acception religieuse du mot In: Com
Jacques Zeiller Paganus. Sur l'origine de l'acception religieuse du mot In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 84e année, N. 6, 1940. pp. 526- 543. Citer ce document / Cite this document : Zeiller Jacques. Paganus. Sur l'origine de l'acception religieuse du mot. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 84e année, N. 6, 1940. pp. 526-543. doi : 10.3406/crai.1940.77376 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1940_num_84_6_77376 526 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 15. Commission des fondations Debrousse, Gas, Forest ier, etc. (de l'Institut) (2 membres) : MM. Mazon, Vendryes » 16. Commission du prix Gobert (4 membres) : MM. Petit- Dutaii.lis, Dupont-Ferrier, Olivier-Martin, Faral. Un mois s'étant écoulé depuis le décès de M. Jorga, le Prési dent conformément aux articles 24 et 14 du règlement, demande à l'Académie si elle entend ou non déclarer la vacance de son fauteuil d'associé étranger. La Compagnie, par 22 voix contre 4, au scrutin, se prononce pour la négative. La question sera posée de nouveau dans- 6 mois. M. Jacques Zeiller fait une communication sur Le mot Paga- nus et V origine de son acception religieuse f . M. Mario Roques conteste que les exemples tirés de saint August in : « vulgo usitato vocabulo », « usitato nomine », impliquent l'origine populaire de l'acception religieuse du mot Paganus. Il estime qu'on ne saurait rien tirer de général d'une simple glose comme le « Graecus, id est paganus ». Il revient d'autre part sur le parallélisme évident et absolu entre les deux groupes de? mots ; Pagus, Paganus, "Εθνο;, 'Εθνικός. COMMUNICATION PAGANUS. SUR L'ORIGINE DE l'aCCEPTION RELIGIEUSE Dû MOTr PAR M. JACQUES ZEILLEK, MEMBRE DE l'aCADÉMIE. Je demande à l'Académie la permission de revenir, à propos d'un article publié l'an dernier dans la Zeitschrift fur Kirch'engeschichte- par un savant allemand, B. Alta- ner, sous le titre Paganus, sur une question que j'avais- moi-même abordée il y a un peu plus de vingt ans, dans un petit volume paru sous le même titre3 : celle de l'origine t. Voir ci-après. 2. Drille Folge IX, Band LVIII, Heft l-II, 1939, p. 130-141. 3. Paganus. Étude de terminologie historique. Paris et Fribourg-en- Suisse, 1917. ACCEPTION RELIGIEUSE DU MOT PAGANUS 527 du sens religieux pris par le mot paganus, qui, dans son acception la plus ancienne, signifie paysan, rural, par oppos ition à citadin, et qui a fini par signifier païen par oppos ition à chrétien. I Ce sens nouveau s'est-il établi par dérivation immédiate, les ruraux du monde romain ayant fourni les derniers con tingents de la résistance au christianisme, ou tout au moins, de son ignorance, la religion chrétienne apparaissant d'abord répandue dans les cités et n'ayant gagné que beaucoup plus lentement les campagnes? Ou bien y a-t-il eu une évolution du mot, sinon plus lente, du moins plus complexe, avec des étapes intermédiaires? C'est la question qui a été soulevée à la fin du dernier siècle, que j'ai, pour ma part, discutée en 1917 et qui vient d'être reprise par Altaner. Pendant longtemps, la première solution, la plus simple, a paru, pourrait-on croire, aller de soi. Les anciens, qui sembleraient devoir faire foi, sont les premiers à l'indiquer, avec d'ailleurs des nuances assez distinctes chez les uns et chez les autres, qui se manifestent à première vue. Pru dence déclare, dans le Peristephanon[, que le culte des dieux n'est plus bon désormais qu'à la grossièreté pay sanne : « sicut haec barbaricis gentilia pagis », et, dans son Hymne sur le martyr Romanus -, il fait dire successivement au saint, s'adressant à son juge : stulte pago dédite » et : « miserrime pagane ». « Alieni a civitate Dei ex locorum agrestium compitis et pagis vocantur », dit d'autre part Orose dans la préface de ses Histoires^. Cassiodore, dans son Commentaire sur le Cantique des cantiques, que cer- 1. I," 449. 2. X, 296. 3. 1,9. 528 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS tains attribuent, il est vrai, à son contemporain, l'Espagnol Justus d Urgel, écrit, ayant l'air d'ailleurs d'oublier l'exi stence du mot latin pagus, dont le grec πάγος, avec ce sens, n'est que la transcription hellénisée : « Nemo nescit paga- nos a villa dictos, quia πάγος graece, villa dicitur latine ; inde pagani dicti quia longe sunt a civitate Dei »{. Et on lit dans Isidore de Séville : « Pagani ex pagis Atheniensium dicti ubi exorti sunt. Ibi enim in locis agrestibus et pagis gentiles lucos idolaquc statuerunt » 2. Il est bien évident qu'on ne saurait mettre ces divers textes sur le même plan : si leurs explications sur l'origine du mot paganus, entendu au sens religieux, coïncident par le dehors, en allant chercher dans l'opposition des cam pagnes aux cités, leurs auteurs y impliquent des idées par ticulières assez différentes : pour l'un, le paganisme est bien une religion de paysans ; un second superpose à cette cons tatation l'idée mystique de la cité divine ; d'autres y mêlent le rappel d'une tradition d'après laquelle c'est en Attique que le paganisme serait né : une réminiscence de la résis tance de l'Aréopage, "Αρειος πάγος, à la prédication de saint Paul interférerait-elle ici? Ce n'est pas impossible. Ce qui nous importe, c'est que les écrivains qui viennent d'être cités s'accordent tous pour établir un lien entre la qualité de païen et celle d'étranger aux cités, la notion de cité céleste venant ou non relayer, pour ainsi dire, celle de cité terrestre. Ce lien paraît jusqu'à nos jours n'avoir jamais été mis sérieusement en question : de Baronius, dans une note au Martyrologe romain3, et du Dictionnaire de Tré voux, au mot païen, où l'on s'appuie sur l'autorité de Baro nius, jusqu'à Renan, dans son Histoire des Origines du christianisme*1, à Neander, dans son Allgemine Geschichte 1. VII, 11. 2. Etymologiae, VIII, 10, 1 . 3. Ad Martyr, rom., 31 janvier. 4. Saint Paul, p. 12. ACCEPTION RELIGIEUSE DU MOT PAGANUS 529 der christlxhen Religion und Kirche\ et aux grands manuels d'histoire ecclésiastique, comme le Lehrbuch .der KirchengescJiichte de Funk et Bihlmeyer-, la réalité on est acceptée par la quasi-unanimité des modernes. Littré l'en registre dans son Dictionnaire de la Langue française, et Hat/feldt et Darmesteter en ont fait autant. Cependant, au xve siècle déjà, une opinion différente s'était fait jour, avec le juriste italien Alciati d'abord, dans son De verborum significationeA et ses In Cornelium Taci- tum ajinotationes'*, puis avec Denys Godefroy, dans son Commentaire du Gode Justinien 5. Au xvine siècle, l'abbé de Fleury l'avait mentionnée à son tour dans son Histoire ecclé siastique1', ainsi que, au xixe, Kuntze dans ses Excursus ûber romisches Recht 7. De nos jours enfin, je veux dire il γ a une quarantaine d'années, dans un article de la Neue kirchliche Zeitschrift8, qui fit quelque bruit dans le monde des spécialistes des questions de ce genre, Zahn, entrant résolument en lice contre l'ancienne exégèse, l'ébranlait sérieusement et il réussissait à gagner l'adhésion d'un savant beaucoup plus notoire encore, avec lequel il ne s'était pas toujours trouvé en si heureux accord, Adolf Harnack. Har- nack, dans sa Mission und Aushreitung des Christentums in den ersten drei Jahrhunderten 9, s'est rallié en effet à l'interprétation vigoureusement soutenue par Zahn et d'a près laquelle la signification religieuse prise par le mot paganus ne provient pas du sens originel du mot, à savoir paysan par opposition à citadin, mais d'un sens dérivé, qu'ex plique l'histoire, celui de civil par opposition à militaire. 1. 4· éd., III, p. 112 seq. 2. P. 146. 3. 221 (Lyon, 1536): 4. A. Alciati opéra (Bâle, 1582}, 1092. 5. I, 11, noie e (4e éd., p. X0). 6. L. XIII, t. III, p. 367. 7. 2e éd., 1880, p. 659 seq., 692 seq. 8. X (1899), p. 18-44. 9. 2e éd. (1906), t. I, p. 350. Cf. aussi sa Militia Christi (Tubingue, 1905), p. 122. 1940 34 530 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS II Ce sens nouveau n'est apparu qu'à l'époque impériale; mais il est, à partir du ier siècle, nettement attesté : on le rencontre dans Tacite * comme dans Suétone 2 ou dans Pline le Jeune3, et on le retrouve encore à la fin du ivft siècle chez Ammien Marcellin 4 ; les juristes 5 l'ont également accueilli, et on en constate aussi l'emploi par Tertullien6. Le passage du sens primitif au sens dérivé s'explique d'ailleurs très naturellement, et on saisit pour ainsi dire la transition dans certains textes de Tncite, où il est visible que les civils opposés aux soldats sont en même temps des provinciaux indigènes qui, comme tels, ne portaient pas les- armes, par exemple « pars classicorum mixtis paganis'1 ', un groupe de soldats de marine, mêlés à des gens du pays »y ces gens du pays, habitants de villages ou de bourgs, figu rant en antithèse avec les membres de l'armée conquérante ou occupante. La nouvelle signification, ainsi issue de la première, finit par devenir si courante qu'on serait tenté de dire qu'elle avait supplanté l'autre, si de nombreux témoignages, qu'on pourrait uploads/Religion/ zeiller-paganus-sur-l-x27-origine-de-l-x27-acception-religieuse-du-mot 1 .pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 23, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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