/ Spiritualités / Gershom Scholem Les grands courants de la mystique juive Les

/ Spiritualités / Gershom Scholem Les grands courants de la mystique juive Les grands courants de la mystique juive Gershom G. Scholem Les grands courants de la mystique juive La Merkaba — La Gnose — La Kabbale — Le Zohar — Le Sabbatianisme — Le Hassidisme Traduit de l'anglais par Marie-Madeleine Davy Petite Bibliothèque Payot Retrouvez l'ensemble des parutions des Éditions Payot & Rivages sur www.payot-rivages.fr TITRE ORIGINAL : Major Trends in Jewish Mysticism (Schocken Books, New York 1946.) Gershom G. Scholem, 1946. Éditions Payot, pour la traduction française, 1973, 1983. Éditions Payot & Rivages pour l'édition de poche, 2014, 106 boulevard Saint-Germain, 75006 Paris. À LA MÉMOIRE DE WALTER BENJAMIN (1892-1940) L'ami de toute une vie, dont le génie a uni la pénétration du métaphysicien, le talent exégétique du critique et l'érudition du savant. Mort à Port-Bou (Espagne) sur le chemin de la liberté. TABLEAU DE TRANSCRIPTION Dans le texte de ces conférences, on a constamment évité l'usage des caractères hébraïques. Le tableau suivant reproduit la transcription de l'alphabet hébreu, tel que nous l'avons pratiqué dans le présent volume, à peu d'exceptions près mentionnées ci-dessous. K a* z z D g d n h** w. t z rr h t y z k kh 51 m n s e*** p e f s ts Pq cf) ch s nt n th * a et y seront transcrits selon les voyelles qui les accom- pagnent. ** h est omis à la fin du mot. *** Voir note ci-dessus. Afin d'être plus accessible aux lecteurs de langue fran- çaise, nous nous sommes rapprochés, autant que possible, de la méthode employée par Mayer Lambert dans son Traité de la grammaire hébraïque (Paris, Leroux, 1938). 10 / Les grands courants de la mystique juive Les noms bibliques sont reproduits dans la forme employée par la version autorisée. Certains termes reçus sont donnés dans leur transcription la plus courante, par exemple Zaddik. CHAPITRE PREMIER Caractères généraux de la mystique juive* But de ces conférences Le but de ces conférences est de décrire et d'analyser quelques-uns des principaux courants de la mystique juive. Naturellement, je ne peux pas espérer traiter en quelques heures, dans toute sa profondeur, un sujet aussi vaste et en même temps aussi compliqué que ce courant mystique, chargé à la fois de méandres et de remous. Son développement s'affirme à travers les mouvements qui sont connus dans l'histoire de la religion juive sous les noms de Kabbale et de Hassi- disme. Tous, probablement, vous avez entendu parler des aspects de la religion juive. Leur sens a donné matière à mainte discussion parmi les savants juifs. L'opinion sur ce point a changé plusieurs fois ; elle a varié entre des limites extrêmes : d'une part la critique hostile et la condamnation, et d'autre part l'éloge enthousiaste et le succès. Cependant, elle n'a pas amélioré notre connaissance de ce que l'on pourrait * Quand les termes transcrits en hébreu ne sont pas traduits, nous en donnons la traduction en note. (N.d.T.) 12 / Les grands courants de la mystique juive appeler la véritable nature de la doctrine mystique ; elle ne nous a pas, non plus, rendus capables de former un jugement impartial sur le rôle que cette doctrine a joué et continue de jouer dans l'histoire juive, ni sur son importance pour une intelligence du judaïsme. Il est juste d'ajouter que les interprétations de la mystique juive et les diverses parties couramment controversées abondent en incompréhensions ; de ce fait, les exposés erronés sur cette matière sujette à discussion ne manquent point. Les grands savants juifs du siècle dernier, dont la conception de l'histoire juive domine encore de nos jours, des hommes comme Graetz, Zunz, Geiger, Luzzatto et Steinschneider, ont peu de sympathie, pour ne pas dire davantage, envers la Kabbale. A la fois étrange et déconcertante, celle-ci résumait tout ce qui était opposé à leurs propres idées et aux vues qu'ils espéraient faire prédominer dans le judaïsme moderne. Sournoisement, la Kabbale se tenait sur leur chemin, comme l'alliée des forces et des tendances que s'enorgueillissait de rejeter une société de juifs. D'après les paroles de Steinschneider, cette communauté juive regardait comme sa tâche princi- pale de se retirer discrètement du monde. Ce but poursuivi peut rendre compte des opinions négatives des savants sur le rôle de la mystique dans l'histoire juive. Nous sommes bien conscients que leur attitude, loin d'être celle de purs savants, est plutôt semblable à la position d'hommes combatifs qui luttent avec ardeur contre un dangereux ennemi. Cet ennemi, encore plein de force et de vitalité, est le mouvement hassidique. L'inimitié peut faire beaucoup. Nous devrions être reconnaissants à ces critiques zélés ; certes, leur jugement et leur sens des valeurs ont été affectés et faussés par leurs préjugés, néanmoins ils ont eu les yeux fixés avec lucidité sur certains facteurs importants. Assez souvent, ils avaient raison, mais non pour les motifs qu'ils donnaient eux-mêmes. Caractères généraux de la mystique juive / 13 À vrai dire, ce qui frappe surtout en lisant les travaux de ces critiques, c'est leur manque d'une connais- sance adéquate des sources ou des sujets sur lesquels, dans de nombreux cas, ils se sont hasardés à porter un jugement. Ce n'est pas à l'honneur de l'érudition juive si les travaux de quelques écrivains, réellement informés sur le sujet, n'ont jamais été imprimés ; dans plusieurs cas, ces oeuvres ne furent pas même mentionnées, parce que personne ne s'y intéressait. Nous n'avons aucune raison d'être fiers de la réalité suivante : les principales idées et les vues qui témoignent d'une réelle connaissance à l'intérieur du monde du Kabba- lisme, fermé au rationalisme prévalant dans le judaïsme du xixe siècle, ont été exprimées par des savants chrétiens à tendance mystique. Parmi ceux-ci, citons l'auteur anglais contemporain Arthur Edward Waite 1 et il y a un siècle l'Allemand Franz Joseph Molitor 2 . Il est pénible de remarquer que la claire intuition philosophique jointe à la profondeur natu- relle de tels savants ait perdu son acuité, en raison du manque absolu de sens critique concernant les données historiques et philologiques. Par suite, ces savants échouèrent complètement quand ils eurent à traiter des problèmes portant sur des faits. Voici la conséquence naturelle et évidente de l'antagonisme de ces grands savants juifs : quand les spécialistes délaissèrent ces problèmes, toutes sortes de charlatans et de visionnaires vinrent s'en emparer comme étant leur propriété personnelle. Depuis les éclatantes méprises et les fausses conceptions d'Alphonse-Louis Constant, notoirement connu sous le pseudonyme d'Eliphas Lévi, jusqu'au charlata- nisme hautement coloré d'Aleister Crowley et de ses compagnons, on eut les rapports les plus excentriques et les plus fantastiques ; le tout fut présenté comme des interprétations légitimes du Kabbalisme 3 . Le temps est venu de revenir à cette ère abandonnée et 14 / Les grands courants de la mystique juive de lui appliquer les règles strictes de la recherche historique. C'est la tâche même que je me suis proposée et, dans les conférences suivantes, j'aimerais donner une idée des conclusions auxquelles je suis arrivé en essayant d'éclairer cette région obscure. Je n'ai pas à le faire remarquer : ce que je vais dire ne peut être, dans ce domaine, qu'une brève ébauche de la structure principale de la pensée mystique, telle qu'elle se révèle dans quelques-uns des classiques de la mystique juive. Le plus souvent, elle se présente sous une forme obscure ; il est difficile aux esprits modernes d'en pénétrer le sens. Évidemment, il est impossible de donner un abrégé du sujet, sans en même temps essayer d'interpréter sa signification. C'est une tâche dangereuse de résumer en quelques chapitres un mouvement religieux qui s'étend sur plusieurs siècles. En essayant d'expliquer une matière aussi compliquée que le Kabbalisme, l'historien doit conserver à l'esprit la question de Byron : « Qui expli- quera alors l'explication ? » Pour le reste, le choix et les abréviations constituent eux-mêmes une sorte de commentaire, et dans une certaine mesure donnent une estimation du sujet. En d'autres termes, ce que je vais présenter est une appréciation critique, compor- tant un point de vue philosophique, et s'appliquant aux tissus vivants de l'histoire juive. Cette histoire est, je crois, dans ses fondements, encore active et vivante de nos jours. Qu'est-ce que la mystique ? La nature paradoxale de l'expérience mystique Puisque la mystique juive doit être le sujet de ces conférences, la première question qui se présente est celle-ci : Qu'est-ce que la mystique juive ? Que signifie précisément ce terme ? Existe-t-elle vraiment Caractères généraux de la mystique juive / 15 et, dans l'affirmative, qu'est-ce qui la distingue des autres sortes d'expérience mystique ? Afin d'être capable de donner une réponse à cette question, ou tout au moins une réponse incomplète, il serait néces- saire de rappeler ce que nous savons sur la mystique en général. Je ne me propose point d'ajouter quelque chose d'essentiellement nouveau à l'immense produc- tion qui a jailli autour de cette question pendant la moitié du dernier siècle. Plusieurs d'entre vous ont lu les uploads/Religion/gershom-scholem-les-grands-courants-de-la-mystique-juive-payot-2014.pdf

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  • Publié le Mai 22, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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