Le schisme d’Orient : celui de Photius ? 1 Un tournant dans l’histoire du IXe s
Le schisme d’Orient : celui de Photius ? 1 Un tournant dans l’histoire du IXe siècle. Le Filioque et la rupture entre l’Église d’Occident et les Églises d’Orient Jean-Marc Berthoud Dire la vérité est le plus grand acte de charité. (Photius) Introduction Dans les documents, cités comme ayant autorité doctrinale, dans les annexes de la Constitution de l’Église réformée baptiste de Lausanne, dont je suis membre, nous lisons sous le titre de Symbole de Nicée ce qui suit : Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes choses visibles et invisibles. Nous croyons en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père, avant tous les siècles, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non créé, d’une même substance que le Père et par qui tout a été fait, qui, pour nous les hommes et pour notre salut, est descendu des cieux et s’est incarné par le Saint-Esprit dans la vierge Marie et a été fait homme. Il a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate, Il a souffert et Il a été enseveli, Il est ressuscité des morts le troisième jour, d’après les Écritures, Il est monté aux cieux, Il s’est assis à la droite du Père. De là, Il reviendra avec gloire pour juger les vivants et les morts. Son règne n’aura pas de fin. Nous croyons en l’Esprit Saint, qui règne et donne la vie, qui procède du Père et du Fils, qui a parlé par les prophètes, qui avec le Père et avec le Fils est adoré et glorifié. Une seule Église sainte, universelle [catholique] et apostolique. Nous confessons un seul baptême pour la rémission des péchés, nous attendons la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. Amen. Ce texte contient le Symbole dit de Nicée-Constantinople, tel qu’il est reçu dans les Églises d’Occident. Sur ce point, il n’y a pas de discorde entre les Églises Réformées et Évangéliques, d’une part, et l’Église romaine, de l’autre. Si nous regardons le recueil des Confessions de Foi des Églises Réformées rassemblées par le pasteur Aaron Kayayan 2, ou le recueil classique de Philip Schaff, The Creeds of Christendom 3, nous y retrouvons la même formulation. Mais cette formulation ne se trouve pas dans le texte original du Symbole de Nicée- Constantinople. En effet, nous lisons au dernier paragraphe de la version d’origine acceptée en Orient : Nous croyons en l’Esprit Saint, qui règne et qui donne la vie, qui procède du Père, qui a parlé par les prophètes, qui avec le Père et avec le Fils est adoré et glorifié. Une seule Église, sainte, catholique et apostolique. Nous confessons un seul baptême pour la rémission des péchés, nous attendons la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. 4 Le lecteur attentif aura remarqué une adjonction essentielle dans la formulation des Églises d’Occident. Là où le texte original du Symbole de Nicée-Constantinople dit : Nous croyons en l’Esprit Saint, qui règne et qui donne la vie, qui procède du Père. […] La formulation occidentale du Credo de Nicée-Constantiniple affirme : Nous croyons en l’Esprit Saint qui règne et qui donne la vie, qui procède du Père et du Fils […] Voici le problème posé. L’Occident a ajouté les mots, « et du Fils » (Filioque en latin) au Credo, et c’est le point doctrinal majeur qui a conduit à la séparation des Églises d’Occident et d’Orient au IXe siècle. Cette séparation, qui a été nommée Schisme de Photius (patriarche de Constantinople à l’époque), dure toujours. 5 Dans cette exposé, nous allons : — 1/ Aborder les circonstances historiques qui ont conduit à cette innovation dans la formulation du Credo par l’Église d’Occident. — 2/ Tenter de comprendre la signification théologique et spirituelle d’une telle différence. I. Origine historique du Filioque Dans le Symbole dit d’Athanase, nous lisons, une fois encore à partir des documents cités en annexe de la Constitution de l’Église Réformée Baptiste de Lausanne : Voici quelle est la foi catholique : révérer un seul Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l’unité, sans confondre les personnes et sans diviser la substance. La personne du Père est une, celle du Fils est une, celle du Saint-Esprit est une ; mais le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne forment qu’un seul Dieu. Ils ont une gloire égale et une majesté co- éternelle ; tel est le Père, tel est le Fils, tel est le Saint-Esprit. Le Père est incréé, le Fils est incréé, le Saint-Esprit est incréé. Le Père est immense, le Fils est immense, le Saint-Esprit est immense. Le Père est éternel, le Fils est éternel, le Saint-Esprit est éternel : et cependant il n’y a pas trois éternels, mais un seul éternel, de même il n’y a pas trois incréés, ni trois immenses, mais un seul incréé et un seul immense. De même le Père est tout-puissant, tout puissant est le Fils, tout puissant est le Saint-Esprit ; et cependant il n’y a pas trois Dieux, mais un seul Dieu, parce que la vérité chrétienne nous oblige de confesser que chaque Personne séparément est Dieu et Seigneur, de même la religion catholique nous défend de dire trois Dieux ou trois Seigneurs. Le Père ne tient son existence d’aucun être ; Il n’a été ni créé, ni engendré. Le Fils tient son existence du Père seul ; Il n’a été ni fait, ni créé, mais engendré. Le Saint-Esprit n’a été ni fait, ni créé, ni engendré par le Père et le Fils, mais il procède du Père et du Fils. Il y a donc un seul Père, non trois Pères, un seul Fils, non trois fils, un seul Esprit Saint, non trois Esprit Saint. Et dans cette Trinité, il n’y a ni passé, ni futur, ni plus grand, ni moins grand ; mais les trois Personnes toutes entières sont co-éternelles et co-égales ; de sorte qu’en tout, comme il a été dit déjà, on doit adorer l’unité dans la Trinité et la Trinité dans l’unité. Celui qui veut être sauvé doit avoir cette croyance de la Trinité […]. Comme vous l’avez remarqué, ce texte que l’on dit d’Athanase adopte, lui aussi, comme la formulation du Credo de Nicée-Constantinople reçu en Occident, la formulation du Filioque. Le Saint Esprit n’a été ni fait, ni créé, ni engendré par le Père et le Fils, mais il procède du Père et du Fils. Voici en effet, le problème posé. Comment ce texte a-t-il pu introduire ces mots : et du Fils dans le texte confessionnel de base de l’Église chrétienne ? Comment un tel changement a-t-il pu s’opérer entre le texte définitif du Credo de Nicée-Constantinople (325, 381) et le symbole dit d’Athanase ? entre le Symbole reçu en Orient et celui, reçu universellement par les Églises d’Occident ? Deux points méritent d’être examinés. Le premier concerne l’origine du Symbole dit d’Athanase ; le deuxième en est la date. Il est universellement admis aujourd’hui que ce texte ne provient aucunement d’Athanase, mais qu’il s’agit d’un texte occidental latin qui ne fut jamais reçu, comme confessant la foi orthodoxe, par les Églises d’Orient. Les recherches du grand spécialiste de cette question, J. N. D. Kelly ont abouti aux points suivants : (1) Son origine date de la fin du Ve siècle au plus tôt. (2) Son auteur est inconnu, mais la marque de la théologie d’Augustin y est évidente. (3) Il doit provenir du sud-ouest de la France, ou, ce qui est encore plus probable, de l’Espagne chrétienne. 6 Nous voici maintenant sur une bonne piste, celle de l’Espagne, car c’est en Espagne que l’on voit paraître pour la première fois une formulation conciliaire introduisant l’expression si litigieuse du Filioque dans le Symbole de Nicée-Constantinople. C’est en effet en 589 que le roi Visigoth Récarède convoqua un Concile régional (le 3e) dans la ville espagnole de Tolède. Les Visigoths venaient de renoncer à l’arianisme, doctrine qui nie la divinité de Jésus-Christ, et, l’une des grandes préoccupations de ce concile fut de contrer cette erreur. Un des moyens choisis fut celui d’introduire l’expression Filioque dans le symbole de Nicée-Constantinople. En disant que le Saint Esprit procédait à la fois du Père et du Fils, on pensait renforcer la doctrine de la pleine divinité du Fils. On le verra plus tard, derrière cette conviction se trouve la théologie trinitaire très particulière d’Augustin d’Hippone. Cette théologie du docteur africain appelait tout naturellement l’introduction de cette expression dans le Credo. Mais, ce qui est ici remarquable, est que les évêques réunis à Tolède, en confessant le Symbole avec l’ajout du Filioque (et le Fils), n’avaient aucunement conscience de faire quelque chose de novateur. Comme l’écrit un des meilleurs spécialistes de toute cette question, Richard Haugh, Les théologiens espagnols, ayant longtemps souffert des hérésies d’Arius (négation de la divinité du Christ), de Macédoine (négation de la divinité du Saint-Esprit) et de diverses hérésies gnostiques, croyaient que par cette expression, Filioque, ils affirmaient la consubstantialité divine du uploads/Religion/jean-marc-berthoud-un-tournant-dans-l-x27-histoire-du-ixe-siecle-le-filioque-et-la-rupture-entre-l-x27-eglise-d-x27-occident-et-les-eglises-d-x27-orient.pdf
Documents similaires
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/XaxpgqwgoXqrqEal1IHB69Yd0HmvtwJ4XQ12refnIpikNXLAq27fFo6GxQM36qdicET5Cw3OpRhbiTNgvXPRnEjg.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/XuzoAzD1h3TgbX494VfMBYUEaM3SeIBUef9uC9ChRcNam67gHMKQOXRewGVghddOvyyS2pnfgo3mYOdgaQ8uBNFg.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/uGEEpBrJ3jck5mnxPVRgXrFKbTFMFhbOhxbSyrc3SbCz6QpdSOgnqr8wBZpv8kgcoYic5J2bhSbzUCFypr3pIP5m.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/ttq6l4mMdmx165fLWHxTw7rJHy2ZQ0YFlIOczxdHeJJfjnW6cbNJ6NhVbV5Ow51jZrXbnIABDSlSKitDtnKL7N4O.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/pf205TnonRkHGsaQDF90xXW6x9P5GOkDV8jloZem6YSIBT7rEwNf3XMGiQPdZRmCG82VmVKgUQaycq1M5wP7uYv8.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/S2vuuMSg5z1z4Un3yPAzSurdL27H2ZLrbrF6AwuUzOs0I1JjqjVVRSefVV8hbQX7mdVV4eirTLuUjcCGTMtcbcOh.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/2NsmqYQ3Ahe764J1Gff2j3X9OpYjYIYSl0t8QslDdcE9e4azmKX0akWwA724QFwZXLcKkA1z8Q6W0K5GTeVLbpab.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/URroFnB8c1AbLwjyVYkxOWicRXKI4VOjq2nvra02XHf4b9zf7PB9lw7DbjsVAZdzMqLyXepWYsEJCQKi1Xb9Hygw.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/FTX4CGPRQoCdUS57AWWCO9GOpkCu5oLnjujIgRpGH5cc9RlQ7YI1ofwJz3OevXOq8zuVgQJdzcNF3igz5SqpoBD5.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/68XZarXxSDbCsQNkW8bJR8gDqI3v1v1m3qBpAQAoDtjMDEi4Vo9SsNFBRvrzijjJFi3TJCtWZREynXbaOFkzcH44.png)
-
24
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 16, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
- Taille du fichier 0.1888MB