181 Cet ouvrage a pour objectif de nous aider à pénétrer un peu plus le monde d

181 Cet ouvrage a pour objectif de nous aider à pénétrer un peu plus le monde de l’innovation et de la créativité en contexte PME. Cela permet une confrontation de deux notions sou­ vent (mal) mobilisées dans la littérature que sont l’innovation et la créativité. Les aborder conjointement est en effet ambitieux, car se posent dès lors des problèmes de définition de termes, de notions associées et de recouvrement des notions. C’est tout l’enjeu de ce vo­ lume 19, Innovation et créativité en PME, qui s’inscrit dans la collection Smart Innovation des éditions ISTE. Les deux préfaces de Wim Vanhaverbeke et Gaëtan de Sainte-Marie nous placent délibérément dans un double cheminement : celui de la recherche scientifique uni­ versitaire et celui de ses applications vues sous l’angle des décideurs. L’ouvrage est en cela particulièrement éclairant tant il est nécessaire de se faire une bonne représentation des notions complexes d’innovation et de créativité. Celles-ci sont souvent abordées concur­ remment pour expliquer ce qui conduit une entreprise à obtenir un succès commercial et sont en fait utilisées pour justifier toute production nouvelle et utile. L’ambiguïté dans le choix des termes est encore plus conséquente lorsqu’il s’agit d’étudier les combinaisons d’idées diffuses et peu visibles qui aboutissent à une réussite entrepreneuriale. L’aptitude des entreprises à développer un avantage concurrentiel peut certes dépendre de l’innovation (Drucker, 1985 ; Cohendet et Llerena, 1999), toutefois, si l’innovation réussie est toujours source de valeur nouvelle, en revanche la création de valeur nouvelle n’a pas systématique­ ment une innovation comme source unique (Deeds, De Carolis et Coombs, 1998). De plus, aborder la notion de créativité dans un cadre entrepreneurial laisse penser que le résultat généré par cette créativité (le produit, le processus) apportera de la performance et renfor­ cera le modèle d’affaires. Nous pouvons contribuer à cette réflexion, mais avec une certaine vigilance, car la créativité peut conduire à des résultats négatifs ou non attendus (que l’on nommerait alors sérendipité). Nous pouvons définir la créativité comme un phénomène de création cérébrale de connaissances, dont l’objet est situé dans un espace spécifique plus ou moins ouvert au sein duquel des acteurs sont en relation (Jaillot, 2018). C’est une notion en cela difficile à appréhender surtout lorsque l’on veut aborder l’aspect collectif et collaboratif des PME comme nous le proposent Claudine Gay et Bérangère L. Szostak. C’est d’ailleurs la notion d’idée qui est mobilisée par les auteures pour expliquer la création de connaissances nouvelles qui conduiront éventuellement à une innovation. L’angle de vue de l’innovation à partir du slack créatif (chapitre 4) permet de bien identifier l’origine des connaissances qui formeront éventuellement les innovations des PME. Avant d’arriver à ce thème du dernier chapitre, les auteures prennent le soin de bien situer leur démarche et nous permettent une construction pas à pas des enjeux, mutations et perspectives de l’innovation et de la créati­ vité en contexte PME. Claudine GAY et Bérangère L. SZOSTAK ISTE éditions, Série Smart Innovation, Volume 19 2019, 193 p. Innovation et créativité en PME. Enjeux, mutations et perspectives 182 / RIPME volume 32 - numéro 2 - 2019 La problématique posée consiste à expliquer pourquoi et comment certaines PME sont in­ novantes et créatives malgré des contraintes spécifiques liées à leurs caractéristiques. Ces spécificités des PME sont rappelées sous l’angle d’auteurs emblématiques et c’est la nature potentiellement innovante de la PME qui est étudiée plutôt que la recherche des facteurs favorables à l’innovation et à la créativité. Les réponses apportées reposent sur des sources de données multiples et variées : des travaux académiques de références issus de la littéra­ ture, le recueil de discours de chercheurs et de professionnels et enfin, une analyse experte des auteures de l’ouvrage. De nombreux encarts illustratifs permettent une immersion dans la pratique. Les recueils ou textes proposés sont particulièrement intéressants, même si ce sont parfois des exemples de grandes entreprises qui viennent illustrer l’étude de la PME, l’objectif étant alors de fournir une source d’inspiration. Tout cela forme un maillage cohé­ rent et pertinent des points de vue. Le design de l’ouvrage est constitué en quatre chapitres articulés autour du mécanisme de mise en œuvre de l’innovation au sein des PME. Les auteures posent tout d’abord les fon­ dements du fonctionnement des PME au sein de leur environnement. Le premier chapitre « La PME dans son environnement : du déterminisme à l’innovation stratégique » traite du rapport de la PME avec son environnement et des conséquences sur la nature de l’inno­ vation. L’environnement constitue autant des menaces que des opportunités pour les PME et devrait les obliger à évoluer, mais si elles sont censées agir, l’ampleur des évolutions est telle que c’est souvent la non-décision qui s’impose et c’est pourtant cette forme d’inaction sécuritaire qui produit de la confusion. Les auteures relèvent que cette relation de la PME à l’environnement est encore peu expliquée dans la littérature et proposent un cadre d’analyse sous l’angle de vue stratégique. Si les approches stratégiques déterministes et volontaristes sont citées, c’est pour mieux positionner une troisième voie qui consiste à prendre en compte la complexité de la dynamique concurrentielle. Les fondamentaux de la stratégie sont rappe­ lés pour mieux les situer dans un contexte de PME. La première approche considère la stra­ tégie comme une logique qui guide le processus par lequel une organisation s’adapte à son environnement. Le sens donné à la veille stratégique constitue alors une piste intéressante pour une PME par rapport aux ressources à mobiliser. La seconde approche s’inspire de la théorie des ressources et crée une rupture en termes d’enjeux, car elle permet de s’émanciper des contraintes de l’environnement grâce à une intention d’atteindre des objectifs même si les ressources ne sont pas forcements disponibles. L’entreprise ne subit pas les contraintes de son environnement et participe de ce fait, si ce n’est à le modifier, peut-être à le modeler pour correspondre à ce qu’elle peut faire. Deux facteurs majeurs sont identifiés : la créativité de l’entrepreneur qui se situe au centre de l’activité et les conséquences d’une proximité qu’il le conduit à prendre des décisions rationalisées par les ressources mobilisables. Les auteures proposent ensuite une évolution conceptuelle pour penser la transformation de l’environnement. L’entreprise doit passer d’une recherche de l’avantage concurrentielle à un changement permanent de celui-ci. Cela constitue une forme d’innovation qui repose sur la capacité d’une entreprise à réinventer continuellement sa stratégie. Des méthodes sont proposées pour développer cette innovation stratégique, dont l’utilisation du business model censée provoquer une rupture dans les facteurs clés de succès traditionnels en place. A priori si les stratégies de rupture sont plus favorables aux startups, les PME bénéficient d’atouts non négligeables à la condition de les exploiter. Innovation et créativité en PME. Enjeux, mutations et perspectives Marc JAILLOT 183 Le cadre d’analyse stratégique posé, les auteures nous entraînent ensuite dans la dimension temporelle qui implique des changements, des mutations. Le chapitre 2 « Dynamiser les capacités innovantes des PME dans un monde en mutation » est structuré en deux parties. La première présente un cadre de compréhension des grandes mutations de l’environnement des PME avec une attention particulière portée à la transformation digitale. La seconde par­ tie développe des propositions à l’intention des PME afin de dynamiser leur capacité d’inno­ vation dans ce contexte. L’avènement du numérique implique des mutations économiques et sociales importantes qui doivent être prises en compte par les PME. Les auteures prennent appui sur les conséquences de la numérisation sur l’économie, qui devient collaborative, et en particulier sur la transformation des biens privatifs en biens collectifs. Le modèle éco­ nomique traditionnel a été remis en question par un modèle basé sur une reproductivité à coût nul des biens produits par le secteur du numérique. Les auteures distinguent les « four­ nisseurs de contenus numériques » des « développeurs de plateformes digitales » en appor­ tant une typologie de ces dernières. La dynamisation des capacités innovantes des PME est facilitée par le modèle des plateformes, car il permet de renverser les positions dominantes des acteurs en place. Une partie est aussi consacrée à l’économie collaborative position­ née entre économie du partage et innovation sociale. Cet aspect mériterait à lui seul un développement complet. Des propositions sont ensuite faites pour éviter que les PME ne se fassent surprendre par les mutations de leur environnement. L’anticipation, grâce à la détec­ tion des signaux faibles, permet d’éviter le déni d’un business model dépassé et de prévoir la transformation selon un sens stratégique. Les auteures décrivent l’innovation comme un moyen d’effectuer cette transformation. Sans chercher à être dans la disruption, la PME peut aussi être en lisière de son marché, de son activité et proposer des innovations raisonnables contribuant à affirmer une expertise sur des points précis de son activité qui peut d’ailleurs imposer diverses formes d’innovations, non uniquement technologiques. Les auteures pour­ suivent ensuite en proposant des méthodes, illustrées par des exemples ad hoc, permettant à la PME d’augmenter son potentiel d’innovation et de mieux saisir ou créer des opportunités d’affaires. C’est, à mon sens, un apport non négligeable que les uploads/Science et Technologie/ 1779-5622-1-sm-pdf.pdf

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